Brown Family: même famille, nouveaux horizons
Les frères Beaudin-Kerr et leur père Robin écrivent un autre chapitre de leur histoire familiale avec Brown Baby Gone, deuxième album du collectif Brown.
Brown, ou plutôt Brown Family comme il faut désormais l’appeler pour des raisons de référencement Google, c’est la convergence de deux générations de musiciens: celle des rappeurs Snail Kid (Grégory, qui officie également avec les Dead Obies) et Jam (David) et celle de leur paternel Robin Kerr, membre du groupe Uprising.
Une rencontre interculturelle – à l’image des deux garçons, nés de l’union d’une Québécoise et d’un Jamaïcain – et musicale, au croisement du rap contemporain et du roots reggae.
Si le métissage était justement le thème central de leur premier album éponyme paru en 2016 (personnellement, on a encore en tête le refrain de Brown Baby [«Ton bébé va être brun!»], chanson qu’on suggère au ministre Simon Jolin-Barrette ces jours-ci pour s’ouvrir l’esprit), la Brown Family a cette fois-ci décidé d’élargir ses horizons.
«Notre père finit souvent par être le dénominateur commun de nos textes, dit Grégory Beaudin-Kerr, membre de Brown Family, à propos de la participation de son père aux textes du groupe. L’écriture, dans le reggae, est très terre à terre. Il chante souvent des choses qu’on ne dit pas dans nos textes, mais qu’on voudrait dire. Il nous amène à quelque chose de plus concret.»
«Les bases ont été mises avec le premier album, mais on ne voulait pas tourner en rond et devenir un groupe qui parle uniquement de métissage, explique David Beaudin-Kerr. On avait pas mal dit ce qu’on avait à dire à ce niveau-là. Ça va toujours rester en background, mais là, on parle davantage de où on en est dans notre vie. Les thématiques sont plus abstraites, mais très introspectives.»
«Cet album parle d’aspiration à la liberté et d’une espèce d’envie de s’évader, d’aller plus loin que les conventions qu’on s’impose», ajoute Greg.
Cette recherche de liberté a nourri le trio lors de son bref séjour en Jamaïque pour documenter l’aspect visuel de l’album (pochette, photos, vidéoclips).
Pour les deux gars, le moment était symbolique, puisqu’il s’agissait de leurs premiers pas sur la terre natale de leur père.
«Même si on était très avancés dans le processus créatif, le thème de l’exil et la recherche de soi créaient une résonnance avec le fait de reconnecter avec les racines de notre père», dit Jam, qui a aussi découvert son paternel sous un jour nouveau.
«Ici, c’est nous autres qui menons. Notre père n’est pas complètement dans son élément, simplement par le fait qu’il ne parle pas la langue de la majorité. Là-bas, c’est vraiment le contraire. C’est lui qui menait et qui traduisait quand on ne comprenait pas un patois. Il était complètement dans son élément, même si ça fait presque 40 ans qu’il reste au Québec.»
Le voyage a aussi été pour eux une occasion de se poser la question de leurs origines. Quelle est leur part jamaïcaine, alors qu’ils ont grandi des milliers de kilomètres plus au nord?
«Ça m’a rappelé que j’étais Québécois, soutient Jam. Les gens voyaient tout de suite que j’étais un touriste, même si j’ai du sang jamaïcain. Je peux aller chercher quelque chose en Jamaïque, mais je fais le constat brutal que je n’ai pas les codes nécessaires, ni les mêmes référents, ni la même langue. Il y a bien la musique, mais j’ai réalisé que je ne connais pas très bien la culture jamaïcaine.»
«J’ai vu mes racines, alors que mon frère, vraiment moins, expose de son côté Greg. On n’a pas vu les choses de la même façon. Personnellement, mon œil était constamment en train de chercher des indices. Qu’est-ce qui fait que je viens de là à moitié dans mon ADN? Qu’est-ce qui est un conditionnement? Qu’est-ce qui est biologique? Je me suis beaucoup retrouvé dans le tempérament des gens. Là-bas, c’est zéro stress. On est dans l’espace-temps des Caraïbes. Pour un Nord-américain qui débarque, tout est long. Je me dis: “Ça, c’est moi!” Les gens me trouvent tellement lent!»
Créer avec papa
Comme un voyage, la création collective demande des adaptations. Particulièrement lorsqu’on travaille avec un musicien de culture, de langue et de tradition différentes. Et qu’il est, de surcroît, notre père…
«On travaille de notre côté à deux, et après le père y passe, explique David Beaudin-Kerr. Forcément, nous, on est un peu des oiseaux de nuit, et le père n’est pas en studio avec nous à 3 h du matin.»
«Il fonctionne avec d’autres codes aussi, ajoute Grégory. Nous, on fait de la musique en parlant beaucoup pendant le processus. Alors que notre père, il faut qu’il soit dans sa zone à lui pour que ça fonctionne bien. C’est à nous de trouver une façon d’incorporer ce qu’il veut amener et de faire des chansons qui vont bien le faire ressortir.»