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Bien à vous: la vie après Safia Nolin

Bien à vous
Le duo créatif Bien à vous Photo: Camille Dubuc/Collaboration spéciale

lls ne sont pas très connus du grand public. Pourtant, sans leur travail en coulisses, l’année culturelle québécoise aurait été bien différente. Métro vous présente jusqu’à jeudi une série d’entrevues avec des artistes qui ont marqué 2019.

Aujourd’hui, Patricia Lanoie et Jeanne Joly, du duo créatif Bien à vous, dont le vidéoclip Lesbian Break-Up Song de Safia Nolin a créé une onde de choc cette année.

Comment qualifieriez-vous votre année 2019?

Patricia Lanoie (P. L.): De créativement stimulante et de personnellement éprouvante! 

Jeanne Joly (J. J.): Ç’a été une grosse année, des affaires terribles nous sont arrivées. On a été un bout sans travailler. Puis, à l’été, on s’est plongées dans le travail, et c’est là qu’on a réalisé les clips Lesbian Break-Up Song de Safia Nolin, Le monarque des Indes de Pierre Lapointe et Maintenant ou jamais d’Evelyne Brochu. Tout s’est enchaîné, on a été six semaines sans un jour de congé. C’est à ce moment qu’on a décidé qu’on voulait faire de la réalisation professionnelle, alors qu’avant, avec notre studio créatif, on faisait plein de trucs comme du graphisme, de la direction artistique, des cartes de souhaits, des illustrations…  

P. L.: On a trouvé notre voie cette année, aussi cheezy que ça puisse sonner!

Votre moment fort de 2019?

J. J.: Hum… Le projet d’Evelyne m’a marquée parce qu’on l’a pris en charge au complet: on a fait tous ses clips, sa direction artistique, la mise en scène de son lancement… Le clip de Maintenant ou jamais est celui dont je suis professionnellement le plus fière. Je le trouve vraiment beau, encore maintenant, ce qui n’est pas le cas avec tout ce qu’on fait. Cela dit, l’expérience avec Safia Nolin, c’était malade! 

P. L.: C’était un grand moment! Après la diffusion du clip de Safia, le téléphone n’a pas dérougi pendant trois semaines. 

Vous attendiez-vous à cette avalanche de réactions, tant positives que négatives, après la diffusion de ce clip qui la présente nue aux côtés d’autres femmes? 

J. J.: Moi, j’étais tellement concentrée sur la préparation, le montage et les trucs techniques que j’étais complètement déconnectée de la sortie. D’habitude, quand on sort un clip, les seules réactions sont: «Ah, c’est beau, bravo!» C’est toujours un beau moment de gratitude et de fierté. Je ne pensais pas qu’il y avait quelque chose de différent avec celui-ci.

P. L.: L’expérience de tournage nous a rapprochées, comme dans les camps d’été. Safia et nous sommes maintenant liées par le sang! Je ne sais pas comment l’expliquer…

J. J.: On a mis une pieuvre sur son corps nu! (Rires)

P. L.: D’ailleurs, le doigt d’honneur qu’elle fait dans le clip, c’est un signal qu’elle nous envoie chier parce que la pieuvre était très froide, pas encore décongelée! 

Quel impact le succès de ce clip a-t-il eu sur votre travail?

P. L.: Les gens ne savaient pas qu’on faisait de la réalisation de façon professionnelle. On dirait que ç’a consolidé notre affaire. Et puis, on ne va pas se le cacher, ça nous a donné une visibilité incroyable. Tout à coup, les agences se sont mises à nous contacter. De plus en plus d’agences demandent à avoir des filles sur des pitchs, et il n’y a pas tant de filles réals. On est le seul duo féminin.

Vous avez récemment signé avec la boîte de production Roméo & Fils. Ça découle de ces démarches?

J. J.: On voulait éventuellement se faire représenter, mais on n’était pas pressées parce qu’on a d’autres secteurs d’activité. Tous ces appels ont précipité les choses. On a rencontré presque toutes les boîtes de prod de Montréal! Une fille est à la tête de Roméo, son équipe est paritaire; ça nous parlait.

P. L.: Certaines boîtes de production comprennent mal qu’on fasse de la réalisation et plein d’autres choses. Pour nous, c’est important de rester «réalisatrices + + +», de garder cette polyvalence. Je pense que pour certains, c’était trop flou. 

Qu’est-ce que ce partenariat change pour vous?

P. L.: Ça nous ouvre des portes pour obtenir des contrats en publicité. 

J. J.: Par son intermédiaire, on a accès à des pitchs auxquels on n’aurait pas accès si on était des réalisatrices indépendantes. D’ailleurs, on espère être capables de faire de la pub à notre façon. C’est un milieu tellement rigide, où il y a des codes assez conservateurs… Allume TVA aux heures de grande écoute et tu verras! (Rires) On essaie d’arriver dans ce milieu sans se dénaturer. On veut faire de la pub qui ressemble à Bien à vous. 

Avez-vous la même préoccupation lorsque vous travaillez avec des artistes comme Safia Nolin ou Pierre Lapointe?

J. J.: On a été chanceuses! Jusqu’à maintenant, tous ceux qui sont venus vers nous nous ont dit de faire ce qu’on voulait ou presque. Pierre est un bon exemple. Il arrive et nous dit: «J’aime vraiment travailler avec vous. Tout ce que je demande, c’est qu’il y ait des habits à franges dans le vidéoclip. Pour le reste, faites ce que vous voulez». (Rires) Evelyne, même chose, elle nous a dit: «Hé, ça serait cool que ça se passe dans un hôtel.» Souvent, il y a une petite orientation. Sinon, Safia a approuvé la première version du montage qu’on lui a livré. 

La réalisation prend une place de plus en plus importante dans les multiples activités de Bien à vous. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cet aspect de votre travail? 

J. J.: Créer des univers avec des objets et des humains, c’est très différent de faire de l’illustration ou de la mise en page devant un ordinateur. 

P. L.: Être sur un plateau, c’est un moment privilégié auquel juste une poignée de gens ont accès. C’est là où toute la magie se passe. Et on adore faire la prep. Tantôt, on était au Renaissance pour le prochain clip d’Evelyne Brochu et on tripait à visualiser ce que ça va donner.

J. J.: Quand ça prend forme, c’est génial! Il y a aussi toute la dimension de l’équipe. Ça crée un esprit communautaire vraiment le fun qu’on n’aurait pas autrement. On s’est toutes deux rendu compte que c’était ardu pour nous de faire de la création statique, à un bureau. On a besoin d’être physiquement engagées. 

Bien à vous existe depuis trois ans. Comment s’est formé votre duo créatif?

J. J.: On travaillait toutes deux dans le milieu de la musique. J’étais la chargée de projet de Cœur de pirate chez Dare To Care et Pat était son assistante. Un soir, on s’est croisées et elle m’a dit: «T’es graphiste? Je cherche quelqu’un pour partir une entreprise de cartes de souhaits». Je lui ai dit: «Ben oui», puis j’ai ajouté: «À condition que ça s’appelle Bien à vous.» Chez Dare To Care, on me niaisait parce que je signais mes courriels «Bien à vous»; on trouvait ça trop cordial. Je m’étais dit que, si je partais une entreprise, ça s’appellerait comme ça! On a commencé à faire des cartes en octobre 2016. On s’est rendu compte qu’on travaillait très bien ensemble, donc on s’est parti un studio!

«Il y a un aspect féministe à notre travail. On vient les deux du milieu de la musique et on a toujours été très frustrées du côté un peu macho… C’est vraiment juste des gars, les réals de vidéoclips!» Jeanne Joly, la moitié brune de Bien à vous

Quels sont vos projets pour 2020? 

P. L.: On fera la direction artistique du spectacle d’Evelyne Brochu. On sort un autre clip pour elle le 15 janvier. En plus, on travaille présentement sur des pitchs de pub. (S’approchant de notre enregistreuse) Engagez-nous!

J. J.: On avait d’autres idées, comme travailler le textile ou encore aménager des espaces intérieurs… On a des fantasmes! 

Qu’est-ce qu’on vous souhaite pour 2020? 

J. J.: On se souhaite d’être capables de rester intègres et fidèles à nous-mêmes… Surtout, on se souhaite que le domaine dans lequel on essaie de percer soit prêt à accueillir un duo féminin qui prend son temps, qui est dans l’écoute! (Rires) On veut amener notre couleur en pub, mais aussi notre approche.

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