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«Une femme, ma mère»: retour vers le passé

Prise d'image du film «Une femme, ma mère» montrant le personnage principal assise seule dans une pièce, enceinte.
Photo: Courtoisie - K-Films Amérique

La filiation est au cœur du long métrage Une femme, ma mère, le plus récent film de Claude Demers qui voyage beaucoup, des Rencontres internationales du documentaire de Montréal au Festival de Rotterdam.

Centrée autour du thème de la mémoire (Barbiers, une histoire d’homme, Les dames en bleu, etc.), la filmographie de Claude Demers est devenue de plus en plus intime au fil du temps, évoquant notamment les blessures d’enfance du cinéaste dans l’essai D’où je viens.

Le voilà qui remonte le mystère de ses origines pour raconter le destin de sa mère biologique, qui devient la métaphore du Québec qui s’apprête à sortir de la Grande Noirceur pour entrer dans la modernité.

«Il ne s’agit pas juste du Québec, mais aussi du rôle qu’on réservait aux femmes, explique le réalisateur, rencontré dans un café du Mile End. Qu’est-ce qu’elles avaient comme choix, si elles ne voulaient pas se marier, si ce n’était l’enseignement ou la vie religieuse?»

Sa mère, elle, avait soif de liberté et d’émancipation. Et surtout pas d’un enfant, qu’elle a donné en adoption. «On s’attendait à ce que les femmes soient des usines à faire des bébés, surtout à l’époque», rappelle le cinéaste.

Plus qu’une œuvre thérapeutique

Il ne faudrait toutefois pas voir ce film comme une simple œuvre thérapeutique. «Au contraire, il y a un désir de cinéma qui s’est imposé», déclare le créateur de L’invention de l’amour. Et pas un désir de fiction, où la reconstitution historique aurait nécessité un budget conséquent, ou de documentaire classique, avec des entrevues familiales, mais d’un objet hybride.

Construit comme un casse-tête, dans la veine de La jetée de Chris Marker, Une femme, ma mère devient rapidement une réflexion sur le passé et les souvenirs, alors qu’un fils cherche à combler l’absence de sa mère en se penchant sur ses mystères. Pour y arriver, il imagine et réinvente sa vie.

«Comme ma mère n’avait pas de visage, je lui en ai donné plusieurs», éclaire son metteur en scène.

Il le fait en mélangeant des centaines d’archives de l’Office national du film (principalement des fictions des Michel Brault, Claude Jutra et autres Gilles Groulx) et des recréations réalisées à l’aide d’acteurs non professionnels.

«Je tenais à ce que chaque plan ait une force poétique.» Claude Demers, cinéaste, qui dit aussi vouloir, grâce à cette œuvre, raconter sa vie et son histoire familiale à sa jeune fille et à ses proches.

«Trouver les extraits de l’ONF a été le plus laborieux, se souvient Claude Demers. Ce fut un processus particulier, car j’étais en même temps en recherche et en montage.»

L’amalgame qui en découle s’apparente aux longs métrages européens des années 1950 et 1960: noir et blanc somptueux, épuration constante, alternance de plans fixes et de travellings fluides, narration déchirante, hommage aux maîtres du septième art que sont Bergman, Truffaut, Bresson et Dreyer, etc.

«Je suis content qu’on sente le moins possible ce qui est tourné à partir des archives», lance le réalisateur.

Il est surtout heureux de pouvoir laisser des bribes de son histoire familiale à sa jeune fille, de lui montrer d’où il vient. Comme quoi, un récit personnel peut aisément devenir universel.

Le film Une femme, ma mère sort en salle le 31 janvier 2020.

L’œuvre avait d’abord été présentée à guichets fermés à la fin novembre dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM). La direction du festival a décrit le film comme étant une «lettre d’amour inoubliable» adressée à sa mère et écrite par un «véritable “ciné-fils”».

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