Griffintown sur le vif
«J’essaie de trouver de l’ordre dans un monde chaotique.» Le photographe montréalais Robert Walker a cherché du sens dans le fouillis des chantiers de construction de l’un des quartiers montréalais qui changent le plus rapidement: Griffintown.
Le réputé photographe de rue, qui s’est fait connaître grâce à son travail sur Times Square dans les années 1970 et 1980, a arpenté ce quartier en plein embourgeoisement à la demande du Musée McCord.
«Le projet a pour but de documenter l’évolution du quartier, mais aussi de susciter des questionnements sur différents enjeux urbains», explique Suzanne Sauvage, présidente et chef de la direction du Musée McCord.
Résultat: une centaine de photos prises en 2018 et 2019 qui enrichiront les collections du musée. Une vingtaine sont exposées dans le cadre d’une petite exposition qui présente l’histoire du quartier par le biais des riches collections du musée.
«Griffintown est tout particulièrement intéressant pour toutes les questions liées au développement un peu chaotique et à la façon de le concilier avec la conservation du patrimoine et une qualité de vie intéressante pour les résidants», souligne Mme Sauvage.
«L’utilisation de la couleur permet de porter la photo documentaire à un autre niveau. Le rôle du photographe est de l’organiser pour rendre le tout intelligible. Sinon, c’est un fouillis total.» – Robert Walker, photographe
En plus d’évoquer l’ancien Griffintown tout en montrant le nouveau, les photographies de Robert Walker ont une valeur esthétique indéniable.
Dans son objectif, tours à condos, chantiers de construction et publicités deviennent des motifs qui se croisent, se répondent et parfois s’entrechoquent.
Comme point central, on trouve la couleur, qui agit comme un lien entre ces éléments hétéroclites.
«J’essaie de trouver de l’ordre dans une situation chaotique. Je compose mes photographies comme un peintre ses peintures, c’est-à-dire en commençant par les couleurs – le côté abstrait de la réalité», précise Robert Walker, qui a étudié la peinture à l’Université Sir Georges Williams (intégrée ensuite à l’Université Concordia) à la fin des années 1960.
Né et élevé à Hochelaga-Maisonneuve (qu’il a aussi abondamment photographié depuis des décennies), l’artiste anglophone ne connaissait pas grand-chose au quartier Griffintown, situé au sud-ouest du centre-ville.
«Quand j’étais petit, dans les années 1950, ma mère me disait: “Ne va pas là! C’est plein de soulons et de bums irlandais!”» rigolait le photographe en nous faisant visiter l’expo hier.
«Je m’attendais à un quartier terne avec de vieux bâtiments sans couleur. Mais en y allant, j’ai trouvé ça fantastique. C’était bien parce que j’ai pu photographier le quartier avec un œil nouveau, sans idée préconçue.»
Un regard neuf qui ne l’empêche pas de remettre en question le développement de l’ancien quartier ouvrier, aujourd’hui devenu le terrain de jeu des nouveaux riches.
«Griffintown est une forme de chaos en termes de planification urbaine: pas d’école, pas d’arbre, pas d’enfant, déclare le photographe, qui assure néanmoins ne cacher aucun message politique dans ses œuvres.
«Je photographie ce que je vois, que ce soit beau ou laid. Je ne suis pas un sociologue, je m’intéresse à ce qui est visuellement stimulant.»
L’exposition Griffintown – Montréal en mutation de Robert Walker est présentée au Musée McCord dès demain et durera jusqu’au 9 août.