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«14 jours, 12 nuits»: deux mères, deux univers

14 jours 12 nuits
«14 jours, 12 nuits» met en vedette Anne Dorval. Photo: Laurent Guérin/Les Films Séville

14 jours, 12 nuits met en scène la rencontre fortuite entre les deux mères d’un même enfant, avec comme toile de fond de magnifiques paysages vietnamiens.

Une mère biologique évidemment, Thuy (Leanna Chea), forcée de confier sa fille en adoption dès la naissance. Et une mère adoptive, Isabelle (Anne Dorval), qui en a pris soin après l’avoir transportée du Vietnam au Québec.

Dix-huit ans après la naissance de leur enfant, elles sont réunies par le décès de celle-ci.

Complètement terrassée par la mort de sa Clara (Laurence Barrette), Isabelle va chercher au Vietnam une forme de rédemption. Son chemin va croiser celui de Thuy, pour le meilleur et pour le pire.

«C’est un film sur l’adoption, mais aussi sur le deuil, sur l’amour de deux femmes unies par la même enfant, croit la scénariste Marie Vien (La passion d’Augustine). C’est un film qui parle de pardon pour des mondes qui ont été en conflit.»

La guerre du Vietnam et ses conséquences se trouvent en effet en filigrane de l’intrigue.

«C’est aussi un film sur la rédemption, tant au niveau micro qu’au niveau macro, soutient le réalisateur Jean-Philippe Duval (Dédé à travers les brumes, Unité 9). Dans le micro, on a deux femmes qui ont vécu des drames et qui tentent de passer par-dessus la culpabilité; dans le macro, on a le choc entre l’Occident et l’Orient. De façon métaphorique, c’est un film sur la paix.»

Tournage rocambolesque

Le tournage n’a pas été paisible pour autant. L’équipe a eu plus que les 14 jours, 12 nuits du titre pour tourner, mais pas tellement plus.

«J’avais un horaire de tournage au Vietnam étalé sur 25, 26 jours, mais avant de partir je me suis retrouvé avec 19 jours, explique Jean-Philippe Duval. Ce n’était pas la catastrophe, mais c’était un tournage à la minute près. On n’avait jamais de marge de manœuvre. Une fois la journée terminée, on ne pouvait pas revenir en arrière. Je devais jongler avec des morceaux de scène que je remettais dans une autre pour éviter de perdre l’essence du scénario. C’était excitant, ça faisait partie du processus créatif.»

Tout cela avec des acteurs en plein choc culturel et… bactérien. Arrivée une dizaine de jours avant le début du tournage pour répéter, Anne Dorval a finalement passé une semaine à l’hôpital après avoir contracté une grippe carabinée.

«J’ai pu m’en servir pour mon personnage, avance l’interprète de 59 ans. Comme actrice, il faut parfois se mettre dans des états fragiles, ce qui est plus difficile quand on n’est pas chez nous. On n’a rien pour nous rassurer, à part l’équipe qui travaille avec nous et qui se désâme pour qu’on soit bien. Ça, je l’ai senti, et c’est ce qui m’a portée.»

Pour ajouter aux difficultés, la majorité des techniciens s’est également retrouvée sur le carreau à un moment ou à un autre.

«C’était une expérience assez rock’n’roll, mais dans le bon sens du terme, admet Jean-Philippe Duval. On était challengés à tous les niveaux: les préoccupations esthétiques, les conditions imprévisibles, le tournage en petites équipes, etc. Comme on était tous des joueurs aguerris, on s’en est sorti, mais c’était exigeant. Si je n’avais pas vécu d’expériences semblables en documentaire, je ne pense pas que j’aurais réussi.»

«Ce n’est pas toujours évident d’aller dans le non-dit en tant qu’actrice. Ça demande une gymnastique intellectuelle et émotionnelle, mais ce n’est pas infaisable.» Leanna Chea, actrice, à propos de la difficulté d’incarner l’intériorité d’un personnage au cinéma

En douceur

Étonnamment, cette urgence et ces embûches ne transparaissent au grand écran. Film d’une grande beauté visuelle, 14 jours, 12 nuits est aussi une œuvre qui prend son temps et qui accorde beaucoup d’importance à la vie intérieure de ses personnages.

«Je ne veux pas faire de généralité sur l’Asie, mais les Vietnamiens ont quelque chose de calme. Parce qu’ils ont une histoire millénaire, parce qu’ils en ont vu d’autres, soutient Jean-Philippe Duval. Oui, il y a de l’effervescence, mais il y a quand même une espèce de paix, et Isabelle [le personnage d’Anne Dorval] se connecte à ça.

«Cette paix a beaucoup influencé ma façon de tourner. J’ai enlevé des plans au fur et à mesure que j’avançais. Des fois, il faut que la caméra se calme, et on doit simplement être à l’écoute de ses personnages.»

Cette retenue se trouve également dans le jeu des actrices principales, à commencer par Anne Dorval, bien loin des rôles de mère au bord de la crise de nerfs que lui a souvent confié Xavier Dolan dans les dernières années.

«Quand j’accepte un projet, c’est que je n’ai jamais fait quelque chose du genre. Ça ne m’intéresse pas de faire deux fois la même chose. Ce film, c’est une histoire bien construite; j’avais l’impression que je devais me laisser aller dans ce flot-là. La vague allait me porter.»

Sa partenaire à l’écran, Leanna Chea, qui a reçu une nomination aux prix Écrans canadiens pour son rôle de Thuy, a emprunté la même approche.

«Ce qu’il y avait d’intéressant dans ce rôle, c’est la complexité que Thuy s’autorise à vivre en tant que femme, mais aussi tous les non-dits, sa façon d’accepter les embûches à sa manière, de continuer d’avancer tout en étant accrochée au passé et en vivant cette lutte intérieure. C’est propre à beaucoup de femmes au Vietnam, qui avancent avec force. On ne s’attarde pas sur les plaintes. On avance. C’est comme ça; la terre continue de tourner.»

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