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«Cabaret Bio Dégradable»: le meilleur du pire

Les comédiens Guillaume Lambert, Bruno Landry et Didier Morissonneau préparent le spectacle Cabaret Bio dégradable, qui s'intéresse aux biographies d'artistes québécois.
Les comédiens Guillaume Lambert, Bruno Landry et Didier Morissonneau. Photo: Josie Desmarais/Métro

«Ça ne s’invente pas», répètent à plusieurs reprises le producteur Didier Morissonneau et les comédiens Guillaume Lambert et Bruno Landry en feuilletant les autobiographies de vedettes dont ils liront des extraits sur scène. «Le show pourrait s’appeler Ça ne s’invente pas», souligne d’ailleurs l’ex-RBO. Ça s’appelle plutôt le Cabaret Bio Dégradable. Et ça s’annonce hilarant.

«Cabaret», car la soirée prend la forme d’un cabaret littéraire, sans décor ni costume. «Bio», car le meilleur des pires autobiographies de vedettes y sera lu. «Dégradable», car, bien franchement, ces ouvrages ne passeront pas à l’histoire. Du moins, pas pour les bonnes raisons.

Au programme de cette «nuit de la poésie sans poésie», comme la décrit Bruno Landry: des passages inoubliables des mémoires de Michel Girouard, Robby Johnson, France Castel, Andrée Boucher, Danielle Ouimet, Maurice «Mad Dog» Vachon et Julio Iglesias. Le tout sera lu par Guillaume Lambert et Bruno Landry, de même que par Mylène St-Sauveur, Pierre-Luc Brillant, Anaïs Favron, Rémi Montésins, Charles-Alexandre Quesnel et Sylvain Larocque.

Le trio que nous avons rencontré prend un malin plaisir à nous partager quelques extraits savoureux.

On retiendra les trois pages de la bio du chanteur country Robby Johnson portant sur les aliments qu’il trouvait chez ses grands-parents: «Il y avait toujours des tartes aux pommes et aux fraises, une grosse chaudronnée de pâtes à la sauce tomate, ainsi que des M&M’s et des chocolats Hershey’s», lit à voix haute Bruno Landry, visiblement amusé.

Il saute quelques paragraphes, puis reprend: «Il y avait aussi des Mr.Freeze, des popsicles, des Revello, des fudgesicles ainsi que ces fameux sandwichs à la crème glacée…»

«Je t’en ai lu le tiers seulement!» s’exclame-t-il. «On fait du temps d’antenne», commente Guillaume Lambert.

Il y a aussi cet extrait de la bio de Julio Iglesias, seule vedette internationale du Cabaret, dans lequel le chanteur décrit pièce par pièce les meubles de sa maison, allant jusqu’à compter le nombre de coussins sur un de ses fauteuils. «C’est du délire du début à la fin. Ça ne s’invente pas!» répète Bruno Landry au sujet de cet ouvrage publié il y a une quarantaine d’années.

«Ce n’est tellement pas intéressant!» commente Didier Morissonneau après nous avoir lu ledit passage. Difficile de l’être, intéressant, lorsqu’on étale sa vie sur autant de pages. C’est le constat auquel en sont arrivés le producteur du Cabaret et sa distribution.

«Si on lisait à voix haute un tel livre, ça prendrait quoi, quatre, cinq, six heures? avance Bruno Landry. Je défie quiconque de me parler de sa vie en étant intéressant pendant six heures! C’est impossible, c’est du remplissage!»

En filigrane, le Cabaret Bio Dégradable dénonce ainsi la culture du vide. «Winston Churchill a écrit ses mémoires, ça fait 600 pages. La bio de Danielle Ouimet fait 540 pages!» illustre en riant Didier Morissonneau.

C’est par ailleurs Guillaume Lambert qui lira des épisodes de la vie de l’interprète de Valérie.

«J’aurai l’honneur de lire le passage sur la fois où son père lui a fait boire du gin quand elle était jeune pour mieux contrôler ses peurs», révèle-t-il d’un ton moqueur.

Ces ouvrages sont la conséquence directe de ce que Didier Morissonneau appelle «l’hyper-peopolisation des médias».

«À force de se faire demander par les magazines à potins où ils vont en vacances ou s’ils sont en amour, ces vedettes finissent par penser que toutes leurs anecdotes de vie sont intéressantes», note-t-il.

Il reste que ces écrits connaissent un certain succès en librairie. Qu’est-ce que cela dit sur nous? «Ça dit que, quand tu es au cœur du tourbillon, tu manques peut-être un peu de perspective», répond Bruno Landry avec esprit.

Ses camarades hochent la tête en l’écoutant. «Le propre de la biographie, c’est de l’écrire en fin de parcours pour porter un regard sur sa vie, et non d’en parler pendant qu’on a ses 15 minutes de gloire après Loft Story», souligne Guillaume Lambert.

Cela dit, il existe d’excellentes autobiographies.

«J’ai lu plein de bios pertinentes, assure Didier Morissonneau, qui en a parcouru des centaines pour monter ce spectacle. La brique de Dominique Michel, c’est super intéressant. Elle a un parcours formidable! J’ai aussi vraiment aimé celle de Gilles Latulippe… Ce sont de vraies longues et fascinantes carrières!»

Le producteur souligne aussi avoir énormément appris sur l’histoire du showbiz québécois grâce à ses lectures.

«J’ai fait des centaines de shows d’humour. J’ai rarement senti autant de réactions dans la salle. Il y a des fous rires, des gens qui ont mal au ventre… C’est incroyable!» Bruno Landry

Les écrits restent

Le concept du Cabaret est simple, mais il fallait y penser. Didier Morissonneau a lancé l’événement il y a une douzaine d’années. Après une pause de cinq ans, il est définitivement heureux de son retour.

Pour cela, il peut entre autres remercier Michel Girouard, dont un exemplaire de Je vis mon homosexualité (1980) trouvé dans un bac de livres usagés à 1,99$ l’a motivé à se relancer dans l’aventure.

«C’est un chef-d’œuvre! Il écrit des phrases merveilleuses, comme celle-ci: “Je vis une homosexualité droite et honnête. S’il existe différentes formes d’homosexualité, sachez que la mienne est sans reproche.»

«J’ai arrêté de respirer», lance Guillaume Lambert en entendant cet extrait.

Le comédien et réalisateur derrière Les scènes fortuites et L’âge adulte, dont ce sera la première participation au Cabaret Bio Dégradable, est un fan de l’événement depuis ses débuts. «Ça cadre tout à fait avec mon humour», dit-il.

À l’image de ses réponses en entrevue – toujours sérieuses en apparence, sans jamais vraiment l’être –, la mise en scène du Cabaret sera dépouillée.

«Il ne faut pas rire des gens qui ont écrit ces livres. Au contraire, il faut laisser parler les mots. C’est d’autant plus fort que ç’a été écrit, publié et approuvé», souligne-t-il.

«On a de très bons scripteurs!» ajoute à cet égard le producteur en riant.

Didier Morissonneau, Guillaume Lambert et Bruno Landry comptent-ils un jour publier leur propre bio? Tous répondent par la négative, mais il reste que l’ex-RBO a fait paraître l’automne dernier Les 10 commandements de Bruno Landry, qui, sans être une autobiographie, se retrouve quand même dans le rayon des livres de croissance personnelle dans les librairies.

«On ne le lit pas dans le show, malheureusement!» plaisante Didier Morissonneau.

«C’était une de mes conditions pour revenir!» blague en retour celui qui participe au Cabaret depuis 2012.

Bruno Landry a cependant goûté à sa propre médecine, son livre ayant fait l’objet de moqueries à Infoman et à La soirée est (encore) jeune.

«J’ai moi aussi été cité hors contexte! Honnêtement, ce n’est pas particulièrement agréable. J’avais envie de leur dire: “Vous êtes de mauvaise foi.” Mais je m’en vais faire le Cabaret Bio Dégradable, fait que…»

«Excuse-moi, mais des fois, c’est dans le contexte, nuance Didier Morissonneau. Quand Andrée Boucher raconte son lavement intestinal pendant un chapitre complet, il n’y a aucun autre contexte…»

Et Guillaume Lambert de boucler la boucle: «Là encore, et c’est la force de ce show, ça ne s’invente pas.»


Un peu d’info

Le Cabaret Bio Dégradable
Ce soir à 20 h au Lion d’Or

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