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«Mac(Death)»: Shakespeare, ce métalleux

Mac Death
Jocelyn Pelletier, créateur de la pièce Mac(Death) Photo: Josie Desmarais/Métro

Les mots de William Shakespeare se jumèlent aux gros riffs de guitare et aux cris gutturaux dans Mac(Death), version amplifiée et résolument métal du classique Macbeth présentée dès ce soir à La Chapelle.

Des sorcières, des spectres, des meurtres sordides, du sang et beaucoup de noirceur: la pièce Macbeth passe le test du détecteur de métal, selon Jocelyn Pelletier, auteur et metteur en scène qui planche sur le projet depuis trois ans et demi.

«J’ai eu l’intuition de coller l’univers métal, particulièrement death metal, avec Macbeth, parce que les thèmes se rejoignaient. Ç’a été comme une révélation», raconte le créateur, avant d’énumérer les thèmes qui lient l’œuvre créée en 1606 au courant musical popularisé par les Slayer et Cannibal Corpse de ce monde. La paranoïa, la célébration des forces occultes, l’oppression par une force supérieure: les parallèles sont nombreux.

On pourrait ajouter à cela la recherche de la catharsis, c’est-à-dire la capacité d’une œuvre de permettre aux spectateurs de vivre et d’évacuer leurs émotions les plus profondes.

Un élément essentiel de tout bon show métal (qu’il se manifeste par une séance de head banging individuel ou par un gros mosh pit collectif), mais aussi de l’art théâtral, depuis l’époque de la tragédie grecque.

«Au temps des Grecs et des Romains, les gens du public venaient eux-mêmes jouer des bouts de la pièce, pleuraient leur désespoir et criaient leur envie de vivre. Le théâtre était quelque chose d’ouvert», rappelle Jocelyn Pelletier.

«Maintenant, on est beaucoup plus dans la contextualisation et le théâtre psychologique. C’est correct et il y a plein de monde qui le fait super bien. Mais moi, avec l’interdisciplinarité, je cherche à mélanger les frontières et surtout à amener d’autre monde au théâtre.»

Les métalleux sont les bienvenus chez Mac(Death), tout comme ceux qui connaissent moins ce style musical, à l’image du metteur en scène, qui n’avait rien d’un disciple de Pantera avant de se lancer dans l’aventure.

«Je ne connaissais pas particulièrement la culture métal, mais comme ce sont des trucs assez extrêmes sur le plan musical, ça me parle. J’écoute de la techno très abstraite ou du rock extrêmement déconstruit. Les trucs un peu moins accessibles et l’énergie qu’il y a là-dedans m’intéressent.»

«J’aime voir les comédiens nerveux à l’idée de jouer leur rôle et leur instrument en même temps. Ça nous amène à un endroit performatif intéressant.» Jocelyn Pelletier, idéateur, metteur en scène et scénographe de Mac(Death)

Comédiens ET musiciens

Le spectacle suit un band hommage à Macbeth nommé Mac(Death) dans un de ses concerts, puis dans ses déchirements internes qui font écho à l’intrigue de l’œuvre originale de Shakespeare. Les acteurs Guillaume Perrault, Fanny Migneault-Lecavalier et Maxim Paré-Fortin forment un trio évoquant Macbeth, Lady Macbeth et Banquo. Les musiciens Samuel Bobony et Érick D’Orion les appuient dans le rôle des sorcières.

Les spectateurs auront donc un véritable groupe sous les yeux, instruments, maquillage et projections vidéo en prime.

«Ce sont des musiciens, mais d’abord des comédiens, explique Jocelyn Pelletier à propos du groupe. Ce n’est pas parfait, mais c’est ça, la force. Il y a quelque chose de très brut, d’authentique et de fébrile dans l’écriture de Shakespeare. Quelque chose qui, souvent, est difficile à activer lorsqu’on dirige des comédiens autour de la parole. Quand les comédiens pensent plus à jouer [de leurs instruments] qu’à mettre de l’affect dans les mots, finalement,
cet élément nous parvient.»

Sur le plan musical, Mac(Death) est campé dans le doom metal, mais va aussi puiser dans le speed et le dead metal, le psychobilly, voire le folk metal.

«Les diverses couleurs de la palette musicale deviennent le reflet émotif des personnages, selon les moments.»

Et les paroles de leurs chansons sont un mélange du texte original, morcelé et réécrit, et de «vieilles légendes de sorcières prises sur l’internet.» Une version concentrée «à la moelle» de Macbeth, en quelque sorte.

Classique

Ce n’est pas la première fois que Jocelyn Pelletier se frotte à un classique du théâtre occidental. Dans le passé, il a travaillé à des adaptations de Hamlet (Hamlet-Machine, d’après un texte de Heiner Müller) et de Phèdre (De l’instant et de l’éternité).

Qu’est-ce qui lui donne envie de revisiter ces piliers de la dramaturgie moderne?

«C’est plus grand que nature. Ça fait partie de l’inconscient collectif. On n’a pas beaucoup à faire pour savoir où on est. Et à partir de là, on peut jouer avec les codes», précise le diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec.

«On y trouve quelque chose d’inhumain, mais de complètement humain aussi. On y sent le plaisir des mots, du rythme, le plaisir de trouver une façon d’apporter tout cela sur scène.»

Dans son cas, la transposition sur scène se fait souvent dans une version «intensifiée» qui fait appel aux sens par l’intermédiaire de la musique et des arts visuels.

«J’aime quand l’expérience du théâtre est viscérale. Certaines personnes disent que c’est too much ou que ce n’est pas assez. Je recherche une vibration profonde, un monde inconnu qui s’ouvre à moi. C’est le choix du spectateur de se laisser bercer ou pas. Personnellement, j’aime arriver devant des énigmes, embarquer dedans et célébrer tout cela avec le public.»

Une quête qui ressemble à celle des amateurs de métal, finalement…


Mac(Death)

Au théâtre La Chapelle
Jusqu’au 17 mars

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