Les leçons de vie de P’tit Belliveau avec son album «Greatest Hits Vol.1»
Quelques accords de banjo, des paroles faussement naïves, une philosophie basée sur la simplicité et une bonne dose d’humour: le chanteur acadien P’tit Belliveau aurait-il trouvé la recette pour passer à travers la crise?
C’est du moins l’impression qui se dégage à l’écoute des premières paroles de la chanson Les bateaux dans la baie, qui ouvre son premier album, Greatest Hits Vol.1.
«Nowadays/Plein d’affaires sont à l’envers/Dans le monde, nowadays/Mais tu sais/Vaut point la peine de s’trafiquer/Su l’stuff qu’on peut point changer»
Pour ceux qui ne maitrisent pas la parlure des Acadiens de la Nouvelle-Écosse, en gros, ça veut dire de ne pas trop s’en faire avec les choses qu’on ne contrôle pas. Comme une pandémie mondiale.
Si les mesures de confinement ont forcé le jeune homme à annuler son lancement montréalais prévu cette semaine, pas question pour autant de trop se tracasser avec ça.
«Je me considère chanceux, j’ai des trucs pour m’occuper avec la sortie de l’album, relate Jonah Guimond depuis Moncton. Je suis un millenial, je suis pas mal pro à m’entertainer avec l’internet et des jeux vidéos. C’est comme ça qu’on a grandi, alors c’est pas la fin du monde pour moi.»
P’tit Belliveau, travailleur autonome
Le natif de la Baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse, peut aussi s’occuper avec son petit studio à la maison. C’est là qu’il a bâti les arrangements électro-country de ce premier long jeu avant d’en enregistrer la version finale à Montréal.
En ces temps de débrouillardise, sa musique est assurément un produit maison, même s’il s’est joint à l’écurie Bonsound après son passage aux Francouvertes l’an dernier.
«J’ai toujours fait du lo-fi parce que c’était mon seul choix. Quand j’ai commencé, je n’avais pas de gros moyens, de bonnes caméras ou du gros matériel d’enregistrement. Mon seul choix, c’était faire du lo-fi. Je me suis dis : pourquoi ne pas utiliser ça à mon avantage? Je suis resté dans ce vibe-là.»
«J’aime dire que je suis country et pop en même temps. Mais si tu demandes à quelqu’un qui écoute du country, il va dire : ’’ben non, c’est pas du country tes histoires’’.» P’tit Belliveau, auteur-compositeur-interprète, à propos de la difficulté à définir sa musique. Personnellement, on la classe dans la catégorie «électro bluegrass lo-fi».
En plus de signer les paroles et les arrangements, P’tit Belliveau joue d’à peu près tous les instruments sur l’album (guitare, basse, banjo et même xylophone) qu’il a réalisé conjointement avec Emmanuel Éthier (Chocolat).
Il conçoit aussi ses clips lui-même, dont le psychotronique Income Tax, qui, à grand coup de green screen, évoque les pires infopubs des années 1990.
«Quand j’ai parti ce projet et que j’ai réalisé que je ne pouvais pas faire des millions dollars videos, j’ai décidé d’assumer ce côté DIY [Do it yourself], pour qu’il fasse partie de mon brand. À date ç’a bien fonctionné. Et honnêtement, Income Tax, je ne pense pas que ça aurait été bon si on avait payé quelqu’un pour faire ça.»
Les pieds sur terre
P’tit Belliveau est également très terre-à-terre dans ses paroles, qui mettent de l’avant la beauté de la nature et des choses simples.
«On me dit tout le temps que j’écris à propos du quotidien, mais ce n’est même pas un mot que j’avais entendu avant que les journalistes me disent que j’écrivais à propos de ça», explique-t-il en riant.
«Mais ma vie est simple. Pour moi et le monde qui vivent là-bas [en Nouvelle-Écosse], ce qui nous préoccupe au jour le jour, c’est juste aller au travail, mettre du gaz dans sa gas tank, payer son loyer, trouver du bois pour son feu. C’est rien qu’une vie simple, alors nos problèmes sont plus terre-à-terre, day to day.»
Ça ne l’empêche pas de se poser de vastes questions sur le sens de l’existence avec un mélange d’humour et de délicatesse.
«Le temps s’en vient et le temps s’en va, écrit-il dans la très belle L’eau entre mes doigts, qui clôt l’album. Le temps ça coule comme l’eau entre mes doigts/Fait qu’j’vais vivre dans l’moment pis m’entourer d’joie»
«S’il y a une chose que je crois, c’est qu’on se prend trop au sérieux et qu’on essaie trop d’être cool, dit celui qui, il n’y a pas si longtemps, gagnait sa vie dans le domaine de la construction. Les jeunes surtout. ’’Qu’est-ce mes friends vont penser si je fais ça, si je porte ça?’’. Je trouve ça stupide honestly. On peut-tu simplement vivre ensemble et être nous-autres mêmes?»
Très bonne question à laquelle il répond avec un sourire en coin dans sa musique.
«Je cache mes opinions sous de l’humour, comme un cheval de Troie. Si tu écoutes un peu plus attentivement, tu vas voir qu’il y a une philosophie en quelque part dans laquelle je crois. Mais je ne veux pas avoir à l’afficher straight up pour dire aux gens quoi penser.»
Une autre très bonne leçon à méditer en temps de crise.