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«Concorde»: vol plané avec Le Couleur

Le groupe Le Couleur. Photo: Josie Desmarais/Métro

Le 25 juillet 2000, le Concorde emporte 113 vies en s’écrasant près de Paris. Cette tragédie sonne le glas de ce mythique avion supersonique qui traversait l’Atlantique en à peine trois heures. Vingt ans plus tard, Le Couleur lance Concorde, un album aux sonorités pop-disco-funk-rock et aux textes oniriques s’inspirant de la splendeur et de la misère de l’appareil qu’on surnommait le «bel oiseau blanc».

Tout décolle lorsque la chanteuse Laurence Giroux-Do se prend d’une fascination pour le Concorde, il y a environ deux ans. «Des fois, il me pogne des trips de même… En ce moment c’est la Formule 1, je n’ai aucune idée pourquoi! Ce sont vraiment de gros trips, je deviens obsédée…»

«Tu en as eu un sur la Reine», lui rappelle son collègue et conjoint Steeven Chouinard, qui joue de la batterie et programme les séquences du groupe sur ordinateur.

Contrairement à ses autres obsessions passagères, cet attrait pour le Concorde a inspiré la chanteuse et son groupe, complété par le bassiste, guitariste et claviériste Patrick Gosselin, moins bavard que ses deux camarades en entrevue.

«Je regardais plein de documentaires un peu sensationnalistes sur YouTube, du genre : “En 2000, le Concorde…”, relate Laurence Giroux-Do en imitant la voix sombre d’un narrateur. Je prenais en note des mots que je trouvais beaux, comme “spectaculaire”, “une fin tragique”, “supersonique”, “mythe”…»

Sur la chanson-titre de l’album, qui relate l’écrasement fatidique tout en évoquant une rupture amoureuse, elle chante de sa voix élégante sur une mélodie sensuelle : «Tu te fracasseras en mille parties.»

S’adresse-t-elle à l’avion ou à une personne? Les paroles de Le Couleur sont souvent énigmatiques et ambigües, ouvrant la voie à de multiples interprétations. «On aime bien que les gens ne sachent pas si on parle d’un objet, d’un être humain ou, je ne sais pas… d’un volcan. Il faut laisser les gens penser ce qu’ils veulent», soutient Steeven Chouinard à ce propos.

On est loin des documentaires aux reconstitutions dramatiques susmentionnés. «On ne voulait pas que ça sonne comme un front page du Journal de Montréal ni que ce soit un film d’horreur. Par respect pour les victimes et par souci de…. Au nom de l’art, s’il vous plait!» reprend-il.

Columbo porno

Le Concorde s’envole avec des passagers à bord pour la première fois en 1969. À l’époque, l’appareil fait rêver par son design futuriste et sa promesse de modernité.

Cet esthétisme a beaucoup inspiré Le Couleur, ce qui s’entend dans les influences rétro psychédéliques qui habillent la pop chic et ensoleillée du trio sur les 10 chansons de l’album.

«C’était l’élément déclencheur de toute la direction artistique du projet, des textes et de la facture visuelle. Quelque chose de très… vintage, sexy et sophistiqué», explique Steeven Chouinard en prenant le soin de bien choisir ses mots.

Lorsqu’on mentionne l’univers cinématographique de l’album, le batteur s’emballe. «Booon! Enfin quelqu’un qui le dit! Moi, j’avais la série porno Emmanuelle en tête et les early Bleu Nuit – les late Bleu Nuit ça sonne trop comme la trame sonore de Miami Vice. Genre 1989… Je me souviens de mes pornos!

– Tu avais quatre ans! lui lance Laurence Giroux-Do en riant.

– Ou quelque chose du genre Columbo porno, poursuit-il sous les éclats de rire de tout le monde.

– Ben voyons, c’est trop pas sensuel Columbo! s’exclame sa conjointe.

– Alors disons un croisement entre Chinatown et Emmanuelle. Ou un film de mafieux…»

Il est vrai que certains morceaux de Concorde qui évoquent le luxe des années 1960-1970 feraient une excellente trame sonore de film d’action mettant en scène des mafieux en cavale sur la côte méditerranéenne, comme la très rythmée Silenzio.

«That’s it! C’est exactement ce que j’avais en tête et j’espère que les gens verront ça parmi toutes les images que les sons projettent», affirme le batteur.

Les trois «M»

Une sorte de sensualité macabre habite cet album, qui est hanté par un sentiment d’absence. «Ce sont les trois “M” : mythe, manque et mort, relate Laurence Giroux-Do. D’ailleurs, on devrait faire M pour Montréal cette année!» dit-elle en riant.

Malgré le côté parfois lugubre de leurs textes – une chanson fait référence à un toxicomane et une autre à un ami schizophrène qui s’est suicidé – les membres de Le Couleur sont joviaux et blagueurs lorsqu’on les rencontre.

«C’est super lourd quand on en parle comme ça, mais la musique rend le tout beau», soutient la chanteuse.

«Abba est devenu multizilliardaire en ayant des thèmes très dark et lourds, mais en faisant de la musique très pop dancy, mais sophistiquée. L’un n’empêche pas l’autre. Tu n’es pas obligé de faire du folk mélancolique si tu es triste.» -Steeven Chouinard

Les mélodies de Concorde sont souvent rythmées et dansantes, parfois oniriques et planantes, notamment sur Comme une fin du monde, qui rappelle la pop atmosphérique de Air.

Pour la conception de cet album, le groupe a par ailleurs pu bénéficier de précieux conseils (top secrets!) de la légende du disco Giorgio Moroder, à qui on doit Love To Love You Baby et Hot Stuff de Donna Summer.

L’enregistrement de l’album s’est fait en formule élargie, ce qui s’entend dans l’instrumentalisation. «On voulait que ça sonne comme un band, résume Steeven Chouinard. On n’aime pas ce mot, mais c’est organique. En fait, c’est human

En «ouvrant le couple», comme ils le disent, Le Couleur s’est réinventé, pour reprendre un mot très (trop) souvent employé dans le monde des arts depuis le début de la pandémie de COVID-19.

«Ça fait 12 ans qu’on est ensemble. Veux, veux pas, on a les mêmes tics, on a tous nos façons de jouer. On avait besoin d’aller chercher d’autres “couleurs”», poursuit Laurence Giroux-Do.

Cela permet au groupe de ne plus «être prisonnier de l’ordinateur» lorsqu’il se produit sur scène, ce qui était le cas lors de ses précédentes tournées.

Lors de son passage surprise au Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue la fin de semaine dernière, le trio est devenu sextuor, offrant une performance musicale du tonnerre – sans tonnerre, heureusement!

Tout cela donne un atterrissage des plus réussi, le genre qui mérite des applaudissements.


Concorde

En vente dès aujourd’hui

Lancement au Ministère offert en captation vidéo le 17 septembre

Le Couleur sera en spectacle à La Petite Affaire le 11 septembre

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