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L’essor du «streaming» musical se fait-il aux dépens de la radio?

Photo: THANANIT SUNTIVIRIYANON/123RF

Bien que le monde de la musique soit sinistré par la pandémie, les plateformes de streaming continuent de séduire de plus en plus de mélomanes. Mais qu’en est-il de leur cousine éloignée, la radio? Elle n’a pas dit son dernier mot selon l’entreprise américaine Sonos, qui a lancé son propre service de radio en streaming. Tout en s’entourant d’artistes tels que Dolly Parton, FKA twigs et Chris Stapleton.

L’industrie musicale a connu de nombreux bouleversements à l’ère numérique, entre le déclin du CD et la montée en puissance de services tels que Spotify, Deezer et Apple Music. Un phénomène qui vient faire de l’ombre aux traditionnelles radios musicales. Selon une étude de l’institut Edison Research, les plateformes de streaming sont de plus en plus plébiscitées pour découvrir les dernières sorties musicales. Un quart des Américains âgés de 12 à 34 ans se tournent vers Spotify dans ce but, contre seulement 6% vers les stations de radio.

Pourtant les défenseurs de la radio n’en démordent pas: les stations de radio ne sont pas condamnées à l’extinction, et sont peut-être même le futur de l’industrie musicale. C’est ce qu’entend prouver l’entreprise Sonos avec une nouvelle version de son service de radio en streaming, spécialement conçu pour être écouté sur ses produits. Cette plateforme, nommée Sonos Radio HD, regroupe plus de 60 000 stations de radio proposées par des partenaires tels que TuneIn, Global et iHeartRadio. A cela s’ajoutent celles programmées par des artistes tels que Dolly Parton, Thom Yorke, Brittany Howard et D’Angelo. Sonos a récemment annoncé que FKA twigs, Björk et les Chemical Brothers se prêteraient prochainement à l’exercice.

«Ces stations de radio nous emmènent directement dans l’esprit de leurs créateurs, et nous donnent l’opportunité d’entendre ce qui alimente leur créativité d’une manière fraîche et brute. Nous offrons aux auditeurs une chance de découvrir des nouveautés musicales en passant en revue les collections de disques personnels de certains des artistes les plus privés mais les plus influents de notre époque. Il s’agit de faire passer la découverte musicale au niveau supérieur», a expliqué Brian Beck, responsable mondial de la musique chez Sonos.

Vers une convergence des services?

L’entreprise américaine compte beaucoup sur ces stations originales pour pousser les mélomanes à délaisser les plateformes de streaming musical, qui les confrontent à ce que la philosophe slovène Renata Salecl appelle «la tyrannie du choix». L’attrait commercial des Spotify, Deezer et autres Apple Music repose sur des catalogues de dizaines de millions de titres, où l’on peut à la fois trouver un obscur tube nicaraguayen des années 60 comme le dernier single de Justin Bieber. Mais il n’est pas rare de se sentir quelque peu démuni face à cette surabondance de morceaux. Et c’est là tout le paradoxe: nous voulons toujours plus d’options, mais redoutons de choisir. De quoi donner envie de se tourner vers les stations de radio musicale, où ce travail de curation est effectué pour les auditeurs.

Les plateformes de streaming ripostent toutefois en investissant dans les playlists, afin d’aider leurs utilisateurs à se frayer un chemin (sonore) dans leur catalogue. Si les plus populaires du genre, «Rap Caviar» et «Today’s Top Hits» possèdent des millions d’abonnés, d’autres telles que «Hyperpop» et «Lifted» entendent bien profiter de l’attrait du public pour ces sélections musicales. Une étude de Deezer, réalisée auprès de 8000 adultes, révèle que près de 40% d’entre eux préfèrent même les playlists aux albums. «La quantité de bonne musique publiée de nos jours est tellement énorme et le temps disponible a tellement diminué qu’il n’est pas surprenant que de plus en plus de mélomanes se tournent vers les playlists pour leur dose de musique», écrit Frédéric Antelme, responsable du contenu Deezer en France.

Avec ces sélections de morceaux pointues, les plateformes de streaming musical commencent étrangement à ressembler aux stations de radio telles que nous les connaissons. A tel point qu’on peut se demander si les deux secteurs sont si incompatibles que cela. L’essor des plateformes de streaming vidéo comme Netflix a suscité des débats similaires, poussant certains à annoncer la mort (prématurée) de la télévision linéaire. Force est de constater que les deux offres coexistent encore, et le géant américain a expérimenté en décembre dernier une surprenante fonctionnalité «Direct» en France. Les plateformes de streaming musical pourraient suivre le même chemin.

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