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Kanen et Matiu, deux diamants bruts rencontrés à Petite-Vallée

Matiu Kanen Petite-Vallée
Matiu et Kanen lors du FEC de Petite-Vallée en 2021 Photo: Alexya Crôteau-Grégoire/Collaboration spéciale FEC

Kanen et Matiu ont tous les deux su faire rayonner leur musique à Petite-Vallée cette année. Portrait croisé de ces artistes originaires de la communauté de Mani-Utenam sur la Côte-Nord.

«Quand j’étais jeune, il n’y avait pas vraiment d’artistes autochtones auxquels je pouvais m’identifier.» Aujourd’hui, Kanen (Karen Pinette Fontaine) est fière d’être présentée comme une autrice-compositrice-interprète innue. «Peut-être que les plus jeunes pourront s’identifier à moi, tout comme je l’ai fait quand j’ai découvert Elisapie qui chantait dans sa langue. C’est à ce moment que je me suis dit qu’il était possible pour moi de faire pareil», confie la musicienne pop-folk.

Matiu est du même avis. Lorsqu’on lui demande s’il ne craint pas d’être réduit à l’étiquette «artiste autochtone», celui-ci fait preuve d’un grand humanisme. «Le monde est sensible, plus informé, plus ouvert. Ça s’en vient. Nous [les Premières Nations], nous avons appris le monde des villes avant qu’eux n’apprennent sur nous. Les cahiers d’histoire à l’école n’étaient pas très détaillés envers nos cultures, par exemple. Mais j’ai confiance et bon espoir. Je donne une chance à tout le monde».

Identité autochtone

C’est d’ailleurs le coeur du projet de Kanen. «J’ai envie de me réapproprier et de me reconnecter mon identité innue, que je n’ai pas réellement connue. Par choix, je n’ai en effet pas grandi dans la culture et la langue de la Nation», souligne-t-elle. Et comme rien n’est jamais trop tard, Kanen, 22 ans, est en train d’apprendre à parler en innu à travers une musique qu’elle veut bilingue. «Il n’y a pas d’âge limite pour faire ce qu’on aime».

Selon elle, cet apprentissage est l’aventure de sa vie. «Je prends mon temps, car je ne veux pas faire ça grossièrement. C’est compliqué car je suis à Montréal, et pas dans ma communauté», poursuit-elle.

Cette recherche identitaire fait justement partie des thèmes évoqués par Matiu, qui chante aussi en français et en innu. «Je raconte des histoires dans lesquelles je parle des réalités des autochtones entre le milieu urbain et les petites communautés – les réserves comme on les appelle. En ce moment, il y a un gros combat pour garder les langues autochtones en vie».

«Notre quotidien peut être très joyeux, car c’est très communautaire, mais on se perd un peu à tourner en rond. Ma musique est festive et très terre-à-terre, mais je sais être engagé aussi parfois, dit Matiu. Je parle de mon propre point de vue, jamais je ne prendrai parole au nom du peuple».

Influences

Ce ton, Kanen le contemple. «Matiu m’inspire beaucoup. En concert, il est capable de nous faire passer un bon moment, dans la légèreté, même si son message est important. Tout le contraire de moi!» plaisante-t-elle ainsi.

Il faut profiter du moment qu’on a sur Terre et s’estimer heureux d’être en vie. Oui il y a des enjeux et des combats sociaux, mais il faut parfois prendre ça plus à la légère.

Matiu

Dans le contexte actuel, où des corps ne cessent d’être découverts sur les sites des anciens pensionnats autochtones notamment, Matiu avoue cependant être saturé.«Ça me pèse lourd ces temps-ci. Je n’arrive pas à m’exprimer sur les réseaux sociaux, mais j’écris. Je voudrais composer quelque chose de joyeux, mais il y a toujours une mauvaise nouvelle qui tombe. Tristesse? Colère? Compassion? Je ne sais pas comment l’amener, avoue le musicien. On parle tout le temps de réconciliation, mais qu’est-ce que ça veut dire? On se réconcilie avec qui, avec quoi, pour qui, pour quoi?» Lui, en tout cas, s’entoure de bons amis «et puis c’est ça».

Kanen, Matiu et Petite-Vallée

Tout comme il a adoré sur scène son amie Laura Niquay au festival, Matiu attend avec impatience de voir une performance complète de Kanen accompagnée par son band. «Je n’ai eu l’occasion de voir que des showcase d’elle ici», précise-t-il.

Avec sept autres musiciens de la relève, les Chansonneurs, Kanen était en Gaspésie pour parfaire ses créations. «Ça a commencé à Québec, et puis nous sommes venus à Petite-Vallée un peu avant le début du festival pour continuer d’écrire et de composer entre nous».

Quant à Matiu, l’histoire avec Petite-Vallée, qui l’a invité cette année pour quatre spectacles, ne date pas d’hier. «Un été, j’étais venu faire un stage ici comme soundman et éclairagiste. Je commençais tout juste à apprendre la guitare et de voir tous ces gens qui créaient m’a poussé. J’ai fini par composer une toune après avoir vu un film sur la vie de Sitting Bull et le massacre de sa tribu. En tant qu’autochtone, j’étais enragé. Au lieu de mettre le feu à la ville, j’ai écrit». Les bons commentaires qu’il a ensuite reçus l’ont encouragé à poursuivre dans cette voie.

Enfin, Matiu, dont le premier album Petikat est paru en 2018, espère rencontrer un réalisateur qui le ferait sortir de sa zone de confort. «J’aimerais collaborer avec du monde qui m’amènerait ailleurs». Et pour l’avoir vu resplendir lors de la marée du Loup, on ne peut que croiser les doigts pour lui.

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