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«Les petits rois»: cruelle adolescence

Julep (Pier-Gabriel Lajoie) et Pom (Karl-Antoine Suprice) dans les Petits rois Photo: Eva Maude Tardif Champoux/Radio-Canada

«Préparez-vous à rusher les gars, la fin de votre règne vient de commencer», met en garde une justicière anonyme aux deux garçons les plus populaires de son école secondaire. Dans un parfait mélange de drame, de suspense et d’humour, la série Les petits rois déconstruit les stéréotypes sur les adolescents tout en offrant un portait crédible et actuel de leur réalité.

Adam Roy et Jules Pascal Comeau – Adaboy et Julep pour les intimes – sont les rois de la polyvalente. Arrogants, manipulateurs et charismatiques, les deux jeunes hommes incarnés par Alex Godbout et Pier-Gabriel Lajoie y font cruellement la loi, n’hésitant pas à blesser quiconque menace leur statut au sommet de la pyramide sociale, même un pauvre prof endeuillé.

Les deux inséparables amis sont les meilleurs espoirs sportifs de leur école. Adaboy en patin artistique, Julep en hockey. Le premier rêve de devenir designer et se démarque par ses cheveux bleus et son look flamboyant. Grand, musclé, sa veste à l’effigie de l’équipe sportive en permanence sur le dos, le deuxième a tout du cliché du sports jock.

Autour d’eux gravite une galerie de personnages aux surnoms tout aussi colorés. Il y a Basta (Chanel Mings), aspirante influenceuse qui s’exclame : «Yo, t’as même pas mis de filtre, j’ai l’air d’une folle qui vient de brailler!» lorsqu’Adaboy publie un selfie avec elle sur Instagram, prononcé IG à l’anglaise.

Pom (Karl-Antoine Suprice), petit ami de Julep, est le candidat pressenti pour remporter les élections scolaires. Mac (Myriam Gaboury), sa rivale, est l’archétype de la jeune première de classe ambitieuse, mais un peu prude. «La religion, c’est comme la masturbation, ça ne se fait pas à l’école», lance-t-elle à Liz (Audrey Roger), étudiante musulmane reconnue pour son engagement social.

Les univers de tout ce plus ou moins beau monde basculent dès le premier épisode, alors qu’une victime collatérale de leurs insouciances, dont l’identité sera révélée à mi-parcours de la série, entreprend le plan diabolique de faire tomber ces petits rois de leur piédestal.

C’est d’ailleurs elle, en voix hors champ, qui ouvre la série en paraphrasant une citation célèbre d’Albert Einstein : «C’est pas ceux qui font le mal qui vont détruire le monde, mais ceux qui les regardent sans rien faire. J’ai longtemps fait partie de ceux qui les regardent.» Le ton est donné.

Les cool kids et nous

L’idéateur et producteur au contenu de la série, Jeffrey Wraight, rêvait depuis longtemps de s’attaquer aux stéréotypes associés aux étudiants de la fin du secondaire.

Quiconque n’ayant pas fait partie jadis de la fameuse gang la plus populaire de son école se reconnaîtra de près ou de loin dans le désir de vengeance de la narratrice anonyme, qui tente de se faire justice en employant des méthodes non seulement douteuses, mais souvent illégales.

«Il y a une fine ligne entre la vengeance et la justice, soutient André Béraud, premier directeur des émissions dramatiques et longs métrages à Radio-Canada. Tout ça donne une tension dramatique et un sens à la série pour explorer les stéréotypes et les privilèges souvent inconscients.»

La tournure des événements fait tranquillement prendre conscience aux protagonistes populaires des conséquences de leurs actions. En ce sens, la série est un coming of age, car les personnages en ressortent grandis. «Ça nous demande d’être empathique, poursuit-il. Même les cool kids vivent de l’insécurité. La justicière aura des questions à se poser.»

La comédienne Chanel Mings, qui incarne l’influenceuse Basta, abonde dans le même sens. «Les personnages frappent fort et font des coups bas. Mais en s’attaquant à eux, on ne fait que s’abaisser à leur niveau. Ce n’est pas en se vengeant de la sorte qu’on trouve justice dans un groupe ou même dans la société.»

Le créateur des Petits rois Jeffrey Wraight reconnait en riant qu’il ne faisait lui-même «pas du tout» partie des cool kids à l’adolescence. «Mon secondaire était spécial. Je suis un homme gai, ce vécu était tough pour moi, j’étais différent», raconte-t-il.

Partage-t-il un peu le désir de vengeance de la mystérieuse justicière? «Oui, il y a un peu de cela, mais ce n’est pas la raison d’être de la série, répond-il. Je voulais plutôt parler des abus de pouvoir dans une école et jouer avec les stéréotypes avec lesquels on a grandi.»

Être jeune en 2021

C’est mission accomplie, car au fil des épisodes, les jugements qu’on peut entretenir envers les personnages s’amenuisent. Si on trouve d’emblée détestables Adaboy et Julep, on s’attache à eux à mesure qu’on apprend à les connaître dans leur intimité.

Cette série donnera une bonne idée aux générations plus âgées de ce qui se passe entre les murs d’une école secondaire. C’est important.

Chanel Mings, interprète de Basta

La scénariste Marie-Hélène Lapierre, épaulée par Justine Philie, et le réalisateur Julien Hurteau ont réussi à représenter les fameux «jeunes de nos jours» avec justesse et crédibilité, et ce, sans jamais porter de jugement sur leurs comportements, ce qui est rare dans le paysage télévisuel québécois.

Très actuelle, la série met en scène des personnages aux origines ethniques et aux orientations sexuelles diverses, sans que leurs identités ne déterminent le cours de leur cheminement. «Ça semblait rafraîchissant et essentiel de mettre de l’avant des personnages comme Julep et Adaboy», commente Jeffrey Wraight.

Chanel Mings a d’emblée été séduite par l’esthétique et le propos de la série. «En lisant les scènes, j’ai trouvé que les auteurs ont tellement bien cerné c’est quoi être jeune en 2021. Je suis complètement tombée en amour avec ce projet dès le début!»

Un grand souci a été porté aux dialogues afin que les personnages s’expriment comme dans la vraie vie, avec les expressions qui leur sont propres, dont des anglicismes. Ce qui a agréablement surpris la comédienne. «C’est la première fois que je joue exactement ça! Pour une rare fois, je n’ai pas eu à dire : “Pour vrai, on ne dit pas ça!”»

Avec Les petits rois, le diffuseur souhaite ainsi rejoindre les 16-25 ans, une tranche d’âge qui a délaissé la télé québécoise depuis belle lurette et qui préfère consommer sur les plateformes comme Netflix des séries en anglais dans lesquelles elle se reconnait davantage. D’où l’esthétique inspirée de séries comme Riverdale.

«Je pense qu’ils ont bien cerné ce public, qui est rarement un public cible, ajoute la jeune comédienne. C’est un beau portrait de la transition entre la fin de l’adolescence et la vie de jeune adulte.»

Les petits rois

Dès le 27 mai sur l’Extra d’Ici Tou.tv

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