Les femmes «vieilles» virées de nos écrans?
L’été dernier, Lisa LaFlamme, 58 ans, présentatrice du téléjournal sur CTV était renvoyée de Bell Média. Plus récemment, c’est Marie-Claude Barrette, 54 ans, qui apprenait après 14 ans à l’antenne que son émission matinale diffusée sur TVA prendrait fin. S’agit-il simplement de coïncidences fortuites ou nos producteurs de télé (et son public) sont-ils véritablement âgistes?
C’est justement la question que posait Guy A. Lepage à Marie-Claude Barrette lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle le dimanche 26 février. «En fait, c’est la télé, mais c’est surtout aussi la publicité», répondait l’animatrice.
Un constat partagé par Marie-Philippe Bouchard, PDG de TV5. Bien qu’elle ne ressente pas de pression pour mettre des femmes plus jeunes à l’écran puisque sa chaîne ne dépend pas des annonceurs, elle remarque dans le milieu télévisuel que les efforts pour rajeunir l’auditoire se répercutent plus souvent sur les présentatrices et animatrices.
«En Amérique du Nord, c’est indéniable qu’il y a une espèce de course vers les auditoires plus jeunes: les 25 à 54 ans, note-t-elle. Disons que quand un média est très dépendant des revenus publicitaires [comme ceux qui bénéficient de moins de financement public], ça peut induire des décisions qui touchent le contenu et malheureusement, pour des raisons historiques [NDLR : liées aux stéréotypes sur le genre], on dirait que les décideurs croient que les femmes vieillissent plus vite que les hommes.»
Deux poids deux mesures
La PDG de Télé-Québec, Marie Collin, abonde dans le même sens : les hommes ne semblent pas être soumis au même traitement une fois qu’ils atteignent la cinquantaine.
«Je pense à une blague du Bye Bye qui avait un fond de vérité: Pierre Bruneau [âgé de 70 ans] est parti à un âge vénérable et a été célébré, alors que madame LaFlamme de CTV avait les cheveux gris et on l’a mise à la porte», illustre-t-elle.
Au fil de sa carrière, Mme Collin rapporte avoir souvent soupçonné des cas d’âgisme quand des lectrices de bulletins ou des animatrices matures ont été mises à la porte.
Vieillir à l’écran pour une femme, c’est exigeant et c’est pire depuis qu’on est arrivés avec la haute définition, ajoute-t-elle. Toutes les comédiennes l’ont dit.
Marie Collin, PDG de Télé-Québec
Ce sont plus souvent les femmes qui ont vu leurs émissions subir un «rajeunissement», remarque aussi Marie-Philippe Bouchard. Et ce, «même si elles avaient réussi à s’établir comme des figures de proximité avec le public, comme ç’a été le cas pour Janette Bertrand, qui est pourtant encore fascinante à l’écran, dit-elle. On ne peut que le déplorer…»
Également questionnée sur le sujet, Suzane Landry, vice-présidente au contenu, à la programmation et à l’information, télévision, radio et numérique chez Bell Média, répond que le groupe «essaie d’avoir une belle représentation de la société, et la diversité» autant parmi ses équipes que dans les programmes qu’il diffuse.
«Si on regarde nos fictions ou nos variétés, on voit bien qu’il y a différentes générations à l’écran, hommes et femmes, qui sont là pour servir l’histoire, répond Suzane Landry. Pour nous, cette ouverture est importante. Dans des séries comme Sortez-moi de moi ou Virage – Double faute [avec Sylvie Léonard], il y a une belle représentation des générations. Dans la variété, on travaille aussi pour que la diversité soit de tout ordre: âge, sexe ou culture.»
Pourtant, Bell Média a bel et bien congédié la présentatrice Lisa LaFlamme l’été dernier et retirera bientôt de sa grille horaire le show de Julie Snyder, l’une des rares femmes de plus de 50 ans à la barre d’une émission grand public au sein du groupe. Cette dernière décision aurait été prise par Mme Snyder, mais on ignore encore l’identité de son ou sa remplaçant.e (… ainsi que son âge).
En collaboration avec Caroline Bertrand et Jules Couturier.