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Vincent Vallières: l’énergie d’un moment

Photo: Denis Beaumont/Métro

Après avoir sillonné la province avec les chansons de son disque Le monde tourne fort, Vincent Vallières revient à la charge avec son sixième album, Fabriquer l’aube. Un opus que l’auteur d’On va s’aimer encore a co-réalisé avec Olivier Langevin et Pierre Girard, et pour lequel il a dû parfois «lâcher prise».

Métro a discuté avec le chanteur chouchou des Québécois.

Voilà maintenant 14 ans que Vincent Vallières a lancé son premier album, Trente arpents. Dix ans qu’il a connu le succès avec Chacun dans son espace, auquel a succédé en 2006 Le repère tranquille, écoulé à quelque 40 000 exemplaires. Et enfin, voilà quatre ans que le Québec au complet a entendu son fameux tube On va s’aimer encore, qui l’a propulsé au rang de vedette de la musique. Et malgré cette popularité toujours grandissante, le jeune trentenaire avoue être encore aussi fébrile à l’approche d’un lancement de disque.

«Je ne m’en cache pas – même si je n’avais pas l’intention d’essayer de réécrire On va s’aimer encore –, mon but demeure que les gens aiment ce que je fais, souligne le chanteur. J’aimerais que ceux qui écoutent mon disque trouvent ça beau, qu’ils se retrouvent là-dedans, sans nécessairement avoir à chercher le pourquoi du comment. C’est pour ça que j’aime beaucoup les chansons populaires. Foncièrement, j’aime l’idée que quelqu’un qui ne fait pas de musique ou de poésie dans la vie puisse se reconnaître là-dedans.»

Après ce moment particulier qu’a été l’aventure d’On va s’aimer encore («Je suis plein de gratitude d’avoir vécu, au début de la trentaine, ce moment de synchronicité qui m’a ouvert plein de portes», mentionne-t-il au passage), le musicien affirme avoir dû «se reconnecter» avec les raisons pour lesquelles il a commencé à faire une carrière en musique : «Parce que j’avais envie de dire des choses, de faire de la musique avec mes amis», résume-t-il simplement.

Et si, pendant ses tournées, Vallières glane à droite et à gauche des idées de chansons qu’il commence à développer, il tient à ce que la création de ses albums ne s’échelonne pas sur une trop longue période de temps. De là la date butoir qu’il s’est imposée au début de l’été dernier. «Plusieurs chansons étaient déjà écrites et travaillées, et d’autres étaient sur le point d’être complétées, précise-t-il. Mais j’aime ça fonctionner avec une date butoir. Depuis Chacun dans son espace, je m’oblige à me fixer une limite, et je me rends compte que tout le monde travaille mieux dans ce contexte-là. Parce que le plus difficile, ce n’est pas tant de commencer une chanson, mais de la terminer.»

Il faut dire, aussi, que le chanteur «aime l’idée qu’un disque soit représentatif d’un moment» de sa vie. «Si ça s’échelonne sur deux ans, disons, ça devient un autre disque; il y a des chansons qui s’ajoutent, d’autres qui se font tasser… Le pari, c’est d’essayer de capter une énergie, un moment.»

Capter l’énergie d’un moment, il l’a fait entre autres en réunissant en studio ses musiciens – dont les co-réalisateurs du disque, Olivier Langevin et Pierre Girard, ainsi que Simon Blouin, Michel-Olivier Gasse, François Lafontaine, François Plante… – pour enregistrer des pièces tous ensemble. «J’aime la liberté que ça permet, enregistrer live; dans la mouvance de la chanson pop d’aujourd’hui, ce n’est plus comme ça que ça se passe, fait-il remarquer. Le défi, c’est d’accepter de lâcher prise, il va forcément y avoir des imperfections, mais il faut les laisser aller. Je n’aime pas quand tout est trop parfait, trop pesé, soupesé. Et pour moi, c’était en quelque sorte un hommage à la manière dont ont été conçus des disques que j’aime, comme ceux de Bob Dylan ou des Stones.»

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La notion d’«hommage», on la retrouve aussi dans plusieurs des textes de Fabriquer l’aube – à commencer par son titre, inspiré de celui du roman de Jean-François Beauchemin La fabrication de l’aube. Vallières puise chez Marie Duguay pour entamer une pièce avec «En regardant finir le monde / Et naître mes désirs», emprunte à Félix Leclerc pour écrire «Mais oublie pas /Que t’as toujours en banque / Quelques jours de chance / Et un peu d’espérance»…

«L’amour, c’est pas pour les peureux, le vers de la chanson du même nom, vient d’un recueil de Patrice Desbiens, note le chanteur. Mon texte était pratiquement tout fini, mais le refrain ne marchait pas. Et quand je suis tombé sur cette phrase… c’était exactement ça. Alors que dans le cas d’En regardant finir le monde, c’est le vers de Marie Uguay qui a inspiré la création de la chanson. C’est comme ça que ça arrive; les mots s’imposent un peu comme la synthèse de ce que j’ai envie de dire dans une chanson. Ce sont de beaux moments dans l’écriture, et c’est très humblement que je lis et que je cite ces poètes.»

Un autre type d’hommage est celui que rend Vallières à ses grands-mères dans Asbestos et aux travailleurs dans Fermont, deux pièces plus engagées. «Ce sont un peu des chansons sœurs, l’une a mené à l’autre, explique le chanteur. Je ne sais pas si on peut les qualifier d’“engagées”; Asbestos, c’est avant tout une chanson d’amour, de solidarité dans le couple, mais c’est vrai qu’il y a un côté social aussi, puisque j’aborde un conflit marquant de l’histoire syndicale québécoise, le début de la syndicalisation.»

Asbestos, Vincent Vallières l’a chantée un jour à Fermont, où elle a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements. «Deux travailleurs sont venus me voir pour me dire qu’ils avaient vraiment connecté avec cette pièce, se souvient l’artiste. J’ai écrit Fermont – qui est une autre chanson d’amour, un gars qui parle à sa blonde – pour rendre hommage à ces travailleurs qui vont là-bas, travaillent 21 jours, reviennent 7 jours à Montréal. Je les trouve vraiment courageux. On me dit des fois que ça ne doit pas toujours être facile, la tournée; ce n’est rien en comparaison de ce qu’eux vivent!»

Et parlant de tournée, celui qui a fini il n’y a pas si longtemps sa série de spectacles pour Le monde tourne fort pense déjà à la prochaine, qui devrait s’amorcer à la mi-novembre. «Ce sera avec les mêmes musiciens que la dernière, peut-être un de plus, s’enthousiasme-t-il. C’est toujours excitant, parce que les chansons prennent une autre forme en spectacle; parfois elles sont collées sur le disque, puis il y a une espèce de détachement, ça devient autre chose. Mais il faut quand même que les gens retrouvent l’énergie de la chanson qu’ils aiment.»

***
Les mots des autres
Si on retrouve des citations de poètes et d’écrivains dans les chansons de Vincent Vallières, c’est que les livres l’accompagnent souvent en tournée. Il nous parle de ses trois derniers coups de cœur littéraires :

  • Autoportrait de l’auteur en coureur de fond
    Haruki Murakami

«Je ne sais pas trop pourquoi, mais le geste d’écrire est pour moi intimement lié à celui de courir», écrit Vincent Vallières dans le livret de Fabriquer l’aube. Ce qui explique sa fascination pour les livres sur le sujet, dont cet essai autobiographique de Murakami.

  • Born to Run
    Christopher McDougall

Et il en va de même pour le best-seller de Christopher McDougall. «J’ai adoré ce livre-là», assure celui qui dit toutefois préférer lire de la poésie quand il est en période d’écriture.

  • Ils vivent la nuit
    Dennis Lehane

Mais quand il est sur la route, les romans l’accompagnent aussi. «Je n’ai pas encore lu celui-là, mais je compte le faire bientôt. C’est la suite d’Un pays à l’aube, que j’ai adoré. J’aime beaucoup Dennis Lehane.»

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Fabriquer l’aube
En magasin dès mardi
Lancement mardi à 17 h au Cabaret La Tulipe

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