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Tu dors Nicole de Stéphane Lafleur: l’été de ses 22 ans

Photo: Caroline Hayeur/collaboration spéciale

«Me semble qu’on avait plus de fun avant.» Cette réplique de Tu dors Nicole, résume tout: le moment où, sans être encore adulte, on n’est plus ado non plus, la langueur, un certain mal-être de n’avoir aucune certitude. Pourtant, le nouveau film de Stéphane Lafleur ouvre dans cette période de la vie une brèche de fantaisie et en dégage une beauté certaine, sans lourdeur.

Au cours d’un été qui s’annonçait pourtant tranquille dans la maison familiale en l’absence des parents, Nicole (Julianne Côté), 22 ans, est plutôt perturbée par son frère (Marc-André Grondin), qui se ramène avec son groupe pour enregistrer un album, par sa relation qui s’étiole avec sa meilleure amie Véronique (Catherine St-Laurent, sa première apparition au cinéma) et par l’insomnie. Ses projets tombent à plat, son emploi ne fonctionne pas trop non plus. Même Martin (Godefroy Reding, avec la voix d’Alexis Lefebvre), un garçon de 10 ans amoureux d’elle, trop mature pour son âge et à la voix trop grave, la confronte sur ses certitudes, alors qu’elle, elle n’en a aucune, de certitude. «Tout la gosse et ça va mal, observe Julianne Côté. C’est comme un gros tremblement de terre intérieur.»

Tu dors Nicole est le troisième long métrage du touche-à-tout Stéphane Lafleur (Continental, un film sans fusil, En terrains connus), aussi du groupe folk Avec pas d’casque. «Je voulais faire un film sur des filles qui ont le début de la vingtaine, qui ont coché pas mal d’affaires sur la liste des “premières fois” et qui commencent à avoir des responsabilités, à avoir des jobs, même si c’est pas ce qu’elles veulent faire dans la vie. Elles ne savent pas trop ce qu’elles veulent faire dans la vie», raconte le réalisateur.

«Qu’est-ce qui est le plus invraisemblable, un petit gars avec une voix grave ou les Transformers? C’est la même chose. On est dans la fantaisie […], et on recherche ça au cinéma. Les gens vont au cinéma pour s’évader. Moi, je le fais de façon très minimaliste.» – Stéphane Lafleur

Se cachait aussi derrière l’idée du film la volonté d’exposer cette période de l’existence, peu exploitée, alors que l’adolescence, mais aussi la trentaine et ses peurs de l’engagement sont souvent portées au cinéma. «J’aimais aussi l’idée de me pencher sur l’amitié entre filles. Je trouve que c’est un sujet qui est riche et complexe», précise Stéphane Lafleur en riant. Puis, pour le musicien, inclure un band dans un film, qui ne soit pas le sujet principal, était aussi intéressant. Et finalement, filmer l’été. «Pis là, tu mêles tout ça. Je travaille beaucoup par collage d’idées. Souvent, je sais le début du film, souvent je sais exactement comment ça va finir, mais je ne sais pas le chemin que je vais prendre entre les deux pour m’y rendre.»

Tourné en 35mm («Ça fait deux films qu’on me dit que c’est mon dernier en 35mm, avance Lafleur. Je ne suis pas encore convaincu par le numérique.»), Tu dors Nicole présente une banlieue vivante et intemporelle, magnifiée par le noir et blanc et par un souci esthétique constant. Au départ, d’ailleurs, le noir et blanc ne faisait pas partie des plans. C’est la directrice photo, Sara Mishara, qui a fait découvrir au réalisateur en cours d’écriture cette ambiance, inspirée du travail du photographe Robert Adams.

À travers la lentille de la caméra, la banlieue – milieu dans lequel Lafleur a passé la moitié de sa vie – révèle ses beautés, par l’intrusion gentille du regard à travers les fenêtres d’une maison aux lumières allumées, la nuit, notamment.

«Quand j’étais jeune, on faisait du camping dans la cour, on sortait pendant la nuit et on allait se promener. C’était ça, notre gros trip, se souvient le réalisateur. Et là, tu fais juste te promener dans ton quartier, tu regardes à travers les fenêtres, tu vois ce que les gens font la nuit. C’est un peu ce sentiment-là que j’essayais de retrouver avec Nicole et son insomnie. Je pense que la nuit, dans le film, appartient vraiment à Nicole. C’est le moment où elle est seule, où elle est plus dans son monde intérieur.»

tu dors Nicole crédit Sara_Mishara
Tu dors Nicole, avec Julianne Côté et Catherine St-Laurent, a été bien reçu à son passage à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, dernièrement. /Sara Mishara

Des éléments fantastiques viennent aussi agrémenter le récit en lui apportant un peu de magie. «Une espèce de conte de fées en noir et blanc, c’est comme ça qu’on devrait présenter le film!» rigole Stéphane Lafleur. Par petites touches, la fantaisie se taille une place. À la faveur d’une mélodie de harpe pour souligner un tournant de l’histoire – qui rappelle les livres de Disney et la Fée Clochette qui indique le moment où tourner la page – ou dans le personnage du petit Martin, à qui on a collé une voix d’adulte avec un résultat surréaliste. «Ça rend le plate beau, souligne Julianne Côté. Il y a du beau dans tout. On dirait que ça fait juste plus le montrer. L’humour aussi passe beaucoup dans les petites choses, et dans la vie, c’est ça aussi. Ça dynamise le film et ça l’allège.»

«J’appelle ça de la “petite science-fiction”, explique Lafleur. Le cinéma n’est pas obligé d’être juste ça, mais je trouve que c’est un bon lieu pour qu’il se passe des choses qui, justement, ne se passent pas dans la vie. Les choses qui se peuvent dans la vie, je peux les vivre tous les jours.»

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=IBm_yWEUpVM&w=640&h=360]
Tu dors Nicole
À l’affiche à Montréal le 22 août
Partout au Québec le 29 août

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