Mommy, l’amour à mort
Mommy pourrait bien être le film qui fera taire les détracteurs de Xavier Dolan et qui permettra au jeune réalisateur de figurer parmi les cinéastes québécois les plus importants de son époque.
J’ai tué ma mère, Les amours imaginaires, Laurence Anyways et Tom à la ferme annonçaient de belles choses. Mais rien ne pouvait préparer le spectateur à Mommy. Pourtant, les thèmes abordés sont sensiblement les mêmes que dans les films précédents (une histoire d’amour entre une mère colorée et son fils adolescent tourmenté, à laquelle vient se greffer une voisine bègue), et on retrouve pratiquement les mêmes acteurs (Anne Dorval, Suzanne Clément, Antoine Olivier Pilon, qui était du vidéoclip College Boy d’Indochine – réalisé par Xavier Dolan). Le résultat est toutefois plus près d’une œuvre de la maturité.
«Mommy est le film qui me ressemble le plus, le film duquel je me détourne le moins, confie son réalisateur, rencontré plus tôt cette semaine. J’aime ce que j’ai fait avant, mais il y a des choses que je ne referais jamais… Et Mommy, ce n’est pas le cinéma que j’ai appris à faire c’est le cinéma que je voulais faire depuis toujours.»
Récompensé du Prix du jury au dernier Festival de Cannes (ex æquo avec Adieu au langage, de Jean-Luc Godard), ce cinquième long métrage s’apparente à un croisement improbable entre le Sweet Sixteen de Ken Loach et le Requiem for a Dream de Darren Aronofsky, avec une langue dont la richesse est digne des classiques d’André Forcier.
Le style viscéral et flamboyant du metteur en scène ressort à nouveau des engueulades souvent improvisées de ses comédiens, qui forment une Sainte Trinité aux considérations freudiennes, de la musique omniprésente en forme de mémentos et de ce rythme tendu et explosif à l’image des relations mère-fils dépeintes. Surtout que le format d’image utilisé, un carré parfait façon Instagram, rend littéralement claustrophobe (heureusement, le réalisateur se permet quelques évasions poétiques). Une fulgurance technique qui est dictée par l’intrigue.
«Je pense que du monde comme Steve, c’est du monde qui naît en société mais qui ne “fitte” pas dans le moule.» – Antoine Olivier Pilon, en décrivant son personnage d’adolescent
«Ce qui me tient de plus en plus à cœur, c’est la qualité du fil narratif, du récit, admet Xavier Dolan. C’est ça qui m’obsède maintenant.»
Ça et avoir le temps de dire tout ce qu’il a à dire dans ses films. «J’ai l’impression que je pourrais manquer de temps, laisse tomber le jeune homme de 25 ans. Peut-être que dans 15 ans, dans 10 ans, financer des films ne sera plus une priorité. On aura d’autres choses à financer: une épidémie, une pandémie, une crise sociale, une crise financière. On marche sur le fil du rasoir. J’ai l’impression qu’il faut qu’on fasse des films maintenant, pendant qu’on le peut…»
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Mommy
En salle dès le 19 septembre
