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Le dîner de cons: un pari risqué mais réussi

Photo: Yves Provencher/Métro

Dur d’aborder sans a priori cette adaptation à la québécoise du Dîner de cons pour qui connaît par cœur chacune des savoureuses répliques du film-culte de 1998 de Francis Veber – et nous en sommes. L’histoire de Pierre Brochant, riche éditeur méprisant qui, avec ses amis, organise chaque semaine un dîner-concours où chaque convive doit emmener le type le plus con possible, et qui, à cause d’un tour de rein, se retrouve coincé dans son appartement avec son con, François Pignon, alors que les malheurs lui tombent dessus l’un après l’autre, notamment à cause du gaffeur Pignon, on la connaît comme le fond de notre poche. Comment allait-on réussir à ne pas comparer par la négative la livraison de ces textes typiquement parisiens dans la bouche de comédiens québécois? Mais mine de rien, mercredi soir au Théâtre Maisonneuve, le metteur en scène Normand Chouinard et son équipe sont parvenus à éviter la plupart des écueils qu’on craignait.

Pourtant, les premières séquences – une vidéo d’introduction assez inutile montrant sur un terrain de golf la bande de copains qui organisent les fameux «dîners de cons», puis une entrée en mode «slapstick» du Pierre Brochant (André Robitaille) au dos en compote, suivie enfin d’une discussion avec sa femme (Geneviève Rochette) dans un parler à mi-chemin entre le québécois et le français – nous ont fait grincer des dents et fait craindre le pire.

Mais c’était sans compter sur le talent (trop peu souvent exploité) de Marcel Lebœuf. Dès son entrée sur scène, celui-ci, qui pourtant livre une interprétation bien différente de celle de Jacques Villeret dans le rôle de l’adorable con, se glisse dans la peau de François Pignon avec une aisance incroyable. L’air naïf et un peu hagard, le sourire béat, l’acteur dose savamment la comédie physique et réussit à se mettre en bouche les répliques avec un naturel et un rythme qui faisaient mouche à tout coup. La réussite du spectacle est due en très grande partie au comédien.

Ses comparses ne s’en tirent pas mal non plus. Si on regrette par moments le flegme suave de Thierry Lhermitte, dont les nuances et subtilités du jeu rendaient les éclats d’impatience plus percutants, Robitaille, une fois qu’il a trouvé son rythme, offre tout de même d’excellents moments de jeu; Antoine Durand est un Juste Leblanc efficace (bien qu’on ne peut pas s’empêcher de s’ennuyer du rire inimitable de Francis Huster); et Jean-Pierre Chartrand est très drôle en impitoyable Lucien Cheval.

Du reste, en dépit de quelques moments un peu plus faibles – comme la scène finale trop longue avec Marlène Sasseur (Myriam LeBlanc) – la mise en scène recèle de véritables trouvailles (cette scène où François Pignon sort en vitesse de l’appartement après avoir lâché qu’il sait, lui, où se trouve le loft du playboy qui tente de séduire la femme de Brochant, est du véritable bonbon) et l’adaptation québécoise est fort bien réalisée, glissant clins d’œil et références à la culture d’ici à des moments opportuns qui servent la pièce. Grâce à cette adaptation, la scène-culte de l’appel à Juste Leblanc («Ah bon, il a pas de prénom?»), alors que Pignon se fait passer pour un Belge (pour un Français, dans ce cas-ci) parvient à être tout aussi comique que dans la version cinématographique.

Il s’agissait d’un pari très risqué, mais l’un dans l’autre, Normand Chouinard et son équipe peuvent se dire mission accomplie.

Il sera possible de revoir Le dîner de cons à Montréal au Théâtre Outremont, le 5 décembre à 20h.

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