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L’énigmatique David Sylvian

Photo: Collaboration spéciale

La toute nouvelle compilation A Victim of Stars, 1982-2012 rassemble des œuvres tirées des 30 dernières années de carrière solo du complexe et fascinant David Sylvian. Pour l’occasion, l’ancien leader du groupe glam Japan, qui a tourné le dos à la célébrité pour se consacrer à une vie faite d’explorations musicales, s’est confié à nous dans une rare entrevue.

A Victim of Stars débute avec un remix du morceau phare Ghosts, que vous chantiez avec Japan en 1981. Était-ce important pour vous de commencer avec cette pièce?
J’ai toujours dit que Ghosts était un point tournant pour moi en termes d’arrangements et d’écriture. Ç’a ouvert la porte pour mon travail solo.

Depuis Ghosts, vous vous êtes éloigné de la musique pop traditionnelle. Vous continuez toutefois de vous décrire comme un musicien pop. Est-ce possible d’être un musicien pop sans nécessairement faire de chansons pop?

Je crois que oui. Après tout, c’est la musique avec laquelle j’ai grandi, qui m’a influencé. J’aime utiliser le terme « musicien pop», car il reste très vague. C’est un terme générique qui me permet de mêler diverses sensibilités, diverses influences. Je me qualifie ainsi parce que ça me laisse énormément de liberté.

À l’écoute des deux albums de cette compilation, nous sommes témoin de l’incroyable évolution de votre voix. L’avez-vous toujours perçue comme un instrument?
Plutôt comme une nécessité. Aussi longtemps que je devrai travailler avec les mots, ma voix fera partie de l’équation, et je dois accepter ce fait. C’est une chose étrange, vous savez, travailler avec sa propre voix. Une chose inconfortable aussi. Je ne me suis jamais senti à l’aise avec ça. Avec l’écriture de la musique en général non plus, d’ailleurs. Quand je commence un nouveau projet, je dois toujours repartir à zéro. On dirait que j’ai oublié comment écrire, comment chanter… Je dois alors tout redécouvrir. C’est très nébuleux et inconfortable!

Et comment faites-vous pour rendre le processus plus agréable?
Il ne l’est jamais! J’ai travaillé avec plusieurs chanteurs qui se sentent très à l’aise avec leur voix. Ils peuvent interpréter n’importe quelle chanson à n’importe quel moment et ils réussissent à la rendre parfaitement. Pour moi, c’est différent. Je ne me considère pas comme un chanteur-né. Je suis davantage un auteur qui chante parce qu’il écrit.

Vous avez parfois dit que votre musique est une réaction au monde qui vous entoure, à ce qu’il vous apprend. Quelle est la chose la plus importante que vous ayez apprise au cours des 30 dernières années?
C’est une question très difficile, car ce fut un long voyage. Tant de portes se sont ouvertes pour moi, au cours de mon existence! J’ai eu la chance de rencontrer plein de gens intéressants qui m’ont initié à la richesse, à la plénitude et à l’intensité de la vie. J’ai toujours tenté de traduire ces choses dans mon travail.

Vous avez toujours été guidé par le désir d’expérimenter. Vous sentez-vous mieux lorsque vous vous mettez en danger que lorsque vous restez confortablement au même endroit?

Oui. Si on évolue en tant qu’individu – et j’espère que je le fais –, il me semble naturel que le travail reflète cette évolution. Ce qui me semblerait anormal, c’est de rester immobile à la fois dans mon existence et mon travail. Vous savez, à l’époque où elle était encore puissante, l’industrie de la musique freinait l’évolution des artistes et des groupes dès qu’elle sentait qu’elle tenait avec eux une formule à succès. Je ne crois pas qu’on ait vu beaucoup d’artistes de mon époque s’éloigner de leur zone de confort ou du style dans lequel ils avaient du succès. Certes, certains l’ont fait, et d’autres ont tenté de le faire, mais lorsqu’ils se sont aperçus qu’ils avaient perdu un nombre important de spectateurs, ils ont réendossé les rôles dans lesquels ils étaient aimés. Peut-être qu’avec la mort de l’industrie, il y aura plus d’artistes qui se sentiront libres d’évoluer dans divers styles musicaux sans se soucier du nombre de gens qui les suivront ou pas.

Vous-même avez tourné le dos aux projecteurs [en quittant le groupe Japan au sommet de sa gloire, en 1982]. Diriez-vous que, sous les projecteurs, vous vous sentiez plongé dans l’obscurité?

En fait, les projecteurs m’incommodaient. Certaines personnes sont faites pour vivre dans cette lumière et s’y sentent bien. Pour moi, c’était une distraction. Il m’a donc paru nécessaire de laisser tout ça derrière moi. Mais je ne l’ai pas fait dans le but de devenir un musicien ésotérique, complexe et incompréhensible. Tout ce que je voulais, c’était avoir la liberté pour manœuvrer et explorer tous les styles que j’avais le goût d’explorer, sans compromis.

Dans une entrevue que vous avez accordée au Rolling Stone en 2001, vous avez dit que lorsqu’on écrit, on doit être aussi sincère et vulnérable que possible. Est-ce plus difficile d’être sincère et vulnérable lorsqu’on écrit que, par exemple, lorsqu’on se retrouve sur scène?
En fait, c’est le contraire. Du moins pour moi. Être sincère lorsqu’on écrit, c’est la chose la plus naturelle au monde. Je crois que, dans mon travail, je suis très vulnérable et je me mets à nu. Sur mes derniers disques, j’ai procédé à une véritable fouille archéologique de l’âme! (Rires) C’est toujours éreintant, mais je ne me censure jamais. Plus une chanson est honnête, plus elle a de chance de toucher quelqu’un, et ça, c’est le but absolu que j’ai toujours souhaité atteindre.

David Sylvian
A Victim of Stars, 1982-2012 (EMI)
Dans les bacs

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