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«Les mauvaises herbes»: la belle idée

Étoiles: *** et demie

Le film s’ouvre au théâtre. Trois acteurs s’échangent des répliques en tenues d’époque devant un public peu attentif. L’un d’eux, Jacques (Alexis Martin), un acteur qu’on devine ne pas être au sommet de son art, termine sa scène et quitte par les coulisses.

Le public le suivra dans la ruelle jusqu’à la taverne, puis jusqu’aux machines à sous. Le pied droit tremblote sur le tabouret. On devine que le jeu n’est plus un jeu pour celui qui devra faire face à son «shylock» (Luc Picard).

Ne pouvant rembourser la somme empruntée, Jacques s’enfuira comme un voleur dans un édifice en construction, anciennement l’îlot Voyageur.

Un incident durant la poursuite fait tourner celle-ci au drame et l’acteur prendra la première option de sortie qui s’offre à lui: l’autobus en direction de Val-d’Or.

Relations impromptues
C’est à son arrivée dans les confins de l’Abitibi que Jacques fait la rencontre de Simon (Gilles Renaud). Le bienfaiteur s’avère finalement être un homme rustre et aigri par la vie qui a choisi la culture du pot en guise de gagne-pain.

Le récit du long-métrage de Louis Bélanger (Gaz Bar Blues), coscénarisé avec Alexis Martin, n’en est pas un qui porte sur le monde interlope. Il est celui de la rencontre de ces deux hommes qui, par la force des choses, devront passer l’hiver à faire pousser autre chose que des tomates.

Le pacte est celui-ci: «Tu restes m’aider et je ferme ma gueule», lance Simon à Jacques. «Deal», lui répond le fugitif toujours vêtu de sa redingote bleu poudre.

S’ensuit une histoire qui fera dévier l’obligeant travail en amitié naissante. Viendra alors se greffer au duo une employée d’Hydro Nord (Emmanuelle Lussier-Martinez) qui aura eu la mauvaise tâche de venir vérifier le compteur de la maison rattachée à la vieille grange convertie en serre de fortune.

Performance
La beauté du film «Les mauvaises herbes» réside dans la qualité de la complexité des personnages qui forment le trio d’ouvriers. L’ermite, l’artiste et la jeune femme s’apprivoiseront au rythme des nouvelles boutures, faisant fleurir une amitié aux racines métissées.

L’arrivée d’Emmanuelle Lussier-Martinez est salutaire dans ce film qui fait le funambule entre le drame et la comédie. La jeune employée acceptera de rester après avoir pleuré comme une collégienne lors de ses premières heures de captivité.

Elle apporte une nouvelle couche scénaristique qui dépeindra les difficultés et l’isolement des homosexuels en région. Une interprétation loin des clichés qui est tout à l’honneur de celle qui signe son premier rôle au cinéma après avoir arpenté la province avec la pièce «Tu te souviendras de moi» aux côtés de Guy Nadon.

La performance de Gilles Renaud est sobre et imprégnée d’une grande vérité, soit celle d’un père oublié qui tente de se réconcilier avec son fils et du même coup avec sa vie.
Même constat du côté d’Alexis Martin et de Luc Picard qui ont réussi à construire des personnages véridiques bien qu’à l’origine un peu caricaturaux (l’acteur déchu accro au jeu et son usurier)

Campagne lointaine
L’opposition entre la ville et la campagne d’où naissent les problèmes et d’où vient la rédemption est bien dessinée dans le long métrage d’une heure quarante-huit minutes.
L’action qui se déroule majoritairement dans un petit village typique du Nord montre une campagne calme et où le temps semble rouler plus lentement.

Chapeau aux scénaristes qui ont osé parler de cette économie parallèle des campagnes québécoises qui abritent bien des granges comme celle de Simon.

La culture du cannabis n’est pas représentée ici comme le mal, mais plutôt comme une possibilité d’éponger ses dettes et de payer sa maison pour les habitants ayant une morale un peu plus élastique que les autres.

L’opposition entre la saison froide et la chaleur des lampes UV utilisées pour la pousse apporte une grande poésie au film qui possède un discours bien plus grand que celui des personnages.

Une belle œuvre, réalisée sobrement et efficacement par Louis Bélanger, et qui fera certainement germer quelques réflexions dans la tête des cinéphiles.

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