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Du côté obscur du rire

Photo: Josie Desmarais/Métro

Spécialisés dans l’humour grinçant qui fait réagir, Charles Deschamps, Pascal Cameron et Colin Boudrias-Fournier unissent leurs forces pour un spectacle au titre sans équivoque : Humour noir.

Sympathiques comme tout, Colin Boudrias-Fournier, Charles Deschamps et Pascal Cameron n’ont pas du tout l’air méchant qu’on pourrait imaginer dans le cas de garçons spécialisés dans l’humour qui mord. Et justement, ceux-ci espèrent que leur spectacle aidera à «décriminaliser l’humour noir», avance Pascal. «On veut que des gens soient curieux de venir voir le spectacle, de découvrir ce que c’est, l’humour noir, de constater que ce n’est pas méchant. J’aimerais ça, en fait, que ce ne soit pas que des fans qui y assistent, qu’il y ait aussi des gens qui sont un peu contre nous, à la base!» «Dans les soirées d’humour “normales”, parfois, c’est plus dur d’aller dans ces eaux-là, mais dans ce cas-ci, on annonce d’emblée que ce seront des sujets tabous, plus touchy», ajoute Charles.

Et ce ne sera pas fait de manière gratuite. assurent les trois comparses, qui expliquent que le spectacle se veut entre autres une critique de la «matantisation» du Québec. «C’est un peu un contrecoup du fait que l’humour est contrôlé par des gens assis à la maison qui se plaignent sans prendre le temps de voir le message en arrière de ce qu’on fait, décrit Pascal. Pour moi, ignorer des sujets tabous, c’est comme les oublier, dire qu’ils n’existent pas. À mon avis, c’est beaucoup plus méchant envers une personne handicapée de faire comme si elle n’existait pas que de faire une blague sur elle.»

Il ajoute que l’humour noir cherche à provoquer non seulement des rires mais surtout des réactions. «Il y a un côté interdit à ce genre de gags, analyse-t-il. Il y a des gens qui trouvent ça très drôle et d’autres qui sont un peu traumatisés, qui ont l’air de se dire : “Vient-il vraiment de parler de ça?” Cette réaction-là est aussi bonne parce que cette personne-là m’a compris.»

Mais existe-t-il des sujets qu’ils n’oseraient pas aborder? «Moi, je ne censure jamais mes jokes, dit Colin. J’écris sur un sujet et je sors des gags super trash mais qui servent mon propos, et ça passe mieux que si je faisais juste lancer un gag vraiment heavy sans l’élaborer, juste pour passer à autre chose tout de suite après.»

«Pour moi, tous les sujets sont exploitables si tu le fais de la bonne façon, sans que ce soit gratuit, ajoute Pascal. C’est important de ne pas s’arrêter sur le mot plutôt que sur l’idée en arrière du mot. Une joke sur l’Holocauste peut être très mal faite et gratuite. Mais si l’idée en arrière est bonne et que la blague est bien livrée, ça devient une dénonciation pertinente d’un aspect de notre société.»

«Quand l’humour noir est bien réussi, le plus beau résultat, c’est de voir quelqu’un qui se dit qu’il ne devrait pas rire… mais qui en a vraiment envie.» –Pascal Cameron

Liberté, je crie ton nom
Le procès de Mike Ward à la suite de son gag sur le petit Jérémy, le retrait du numéro d’ouverture du gala Les Olivier… Ces événements ont-ils donné envie au trio de consacrer une soirée à l’humour noir?

«On avait déjà le projet en tête avant, mais ça nous a beaucoup influencés, acquiesce Charles, instigateur du spectacle. On est rendu frileux de diffuser certains trucs à la télé, alors que l’humour est le dernier bastion de la liberté d’expression.»

Celui qui est copropriétaire du Bordel Comédie Club affirme aussi que, sur scène, il n’y a que dans les galas Juste pour rire que les textes sont révisés, alors que dans les autres soirées d’humour, il n’y a jamais de censure. «Le problème, c’est qu’on est conscients que si on va dans ces eaux-là, jamais on ne pourra se rendre à la télé et, donc, gagner notre vie. Donc, on se censure nous-mêmes. Et c’est ça qui est dangereux.»

Charles se rappelle notamment avoir fait une audition devant public pour le Comédie Club ComediHa! à Québec avec, entre autres, un gag sur l’avortement. «Il avait vraiment bien marché, mais quand on m’a retenu pour la captation télé, on m’a dit que je ne pouvais pas faire ce numéro-là.» Colin renchérit : «C’est ça qui est bizarre, cette espèce de censure préventive. La censure ne vient pas de plaintes du public mais de la peur des plaintes du public.»

On peut aussi voir les trois gars d’Humour noir :

  • Colin Boudrias-Fournier. À Zoofest, il prend part au spectacle des finissants de l’École nationale de l’humour et à la soirée Humour dans le noir, pendant laquelle la salle est plongée dans l’obscurité.
  • Charles Deschamps. Il prend part au Show du roast à Zoofest et prépare un spectacle sur la mort et le deuil, dont le titre donne le ton : Mon père est plus mort que le tien.
  • Pascal Cameron. Il retravaille un spectacle présenté au théâtre Sainte-Catherine en mars dernier, qu’il compte emmener en tournée au Québec.


Humour noir

Aux Katacombes vendredi, samedi et dimanche à 23 h 30

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