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Sylvie Drapeau: Agnès, la misanthrope

Mademoiselle Agnès
Sylvie Drapeau incarnera le rôle-titre de « Mademoiselle Agnès » du 27 septembre au 15 octobre au Prospero. Photo: Melissa Gamache, Design de Principal

L’impériale Sylvie Drapeau proférera les mots de Mademoiselle Agnès dans la comédie homonyme grinçante présentée au Prospero dès le 27 septembre. 

Agnès, c’est la version féminine et actuelle du Misanthrope de Molière, imaginée par l’auteure et dramaturge allemande Rebekka Kricheldorf. Adaptation que le metteur en scène Louis-Karl Tremblay a ensuite lui-même transposée au Québec. 

Foi de Sylvie Drapeau, les dialogues s’annoncent mordants et très, très drôles. «C’est délicieux. J’ai lu le texte et je me suis dit: “Ben voyons, on peut pas refuser ça, c’est trop intéressant”», nous confie en entrevue celle qui embrase et embrasse les planches depuis une quarantaine d’années. 

Les excès d’Agnès 

C’est avec délectation que Sylvie Drapeau répète en ce moment les lignes de son décapent personnage, une ancienne écrivaine qui balance crûment la vérité tant aux artistes qu’elle côtoie qu’à ses ami.e.s (nous avons hâte de découvrir s’ils et elles le sont vraiment…), répudiant toute forme de non-dit ou de politesse — une honnêteté absolue frôlant la sociopathie, aux yeux de ses proches. 

«Agnès est hyper critique envers ses semblables. Et c’est très drôle, parce qu’elle haït tout. Elle va trop loin. C’est à broil, c’est exacerbé parce que c’est du théâtre. Si elle n’allait pas trop loin, il n’y aurait pas lieu de faire une pièce de théâtre», expose la comédienne pour qui les excès au théâtre permettent de « se voir aller » collectivement, de cerner avec emphase nos revers. Dans le cas de Mademoiselle Agnès, «pour que ce soit bien clair qu’on est tous un peu misanthropes ».  

Agnès a tort 

Nuances, diplomatie, très peu pour la protagoniste, au détriment de son humanité.  

Elle se targue de dire la vérité, mais au fond, elle voit les détails, elle est comme une tête chercheuse de défauts. Elle les nomme. Mais elle a perdu la vision d’ensemble de l’humanité.

Sylvie Drapeau, au sujet de son personnage éponyme dans Mademoiselle Agnès

«Oui, on est certes tous extrêmement imparfaits, sans exception. Mais si on se met à détailler les défauts de quelqu’un, est-ce que c’est la voie de notre humanité, voir les défauts avant l’ensemble de la personne?», s’interroge la lumineuse interprète… qui espère que le public ne donnera pas raison à Agnès en quittant la salle! 

«J’espère que ça va donner le goût de moins juger. J’espère qu’il va plutôt se dire : ah, mais pourquoi on juge? À quoi ça rime? Qu’est-ce que ça donne? Est-ce qu’on aide l’humanité?» 

Drôle parce qu’intelligent 

C’est l’intelligence du texte qui dès la première lecture a happé l’actrice originaire des forêts de la Côte-Nord. «C’est tellement un beau texte, un texte fort, moderne. C’est très, très brillant, et c’est juste. C’est pour ça que c’est si drôle : c’est parce qu’on se reconnaît.»  

Car une mademoiselle Agnès sommeille en chacun.e de nous, estime-t-elle, «plus ou moins grande, selon les jours, tannés, insupportés par nos semblables». Et à notre époque, «parce que ça brasse en tabarnouche dans le monde», cette exaspération, voire ce mépris, envers autrui semble attisée, observe l’actrice.  

«Et quand toutes ces vérités sont lancées avec humour par l’auteur, c’est plus percutant parce qu’on rit jaune», ajoute celle qui a campé nombre de rôles iconiques, tels que Blanche DuBois dans Un tramway nommé désir de Tennessee Williams. 

Le jeu de l’oiseau
Sylvie Drapeau a fait paraître Le jeu de l’oiseau en janvier dernier. Image : Leméac

Entre Rome et Agnès 

Par son interprétation, Sylvie Drapeau « veut faire honneur au texte » de Louis-Karl Tremblay, avec qui elle collaborait pour la première fois et en qui elle avait entièrement confiance, louangeant son travail sur Quatre filles, à l’affiche du Théâtre Denise-Pelletier le printemps dernier.  

«Je savais que c’était un bon metteur en scène, alors j’ai plongé», dit la comédienne et autrice qui a voué la pause théâtrale forcée de la pandémie à l’écriture de deux romans: Le jeu de l’oiseau, paru au début de l’année, et un livre pour enfants qui sortira dans quelques mois.  

En ce moment, lorsqu’elle ne répète pas Mademoiselle Agnès, elle travaille sur une fresque de six heures signée Brigitte Haentjens, tirée du cycle romain de Shakespeare. «C’est pas plate, c’est intense!», lance la comédienne acclamée en décrivant son emploi du temps.  

Intitulée Rome, la fresque théâtrale réunissant Le viol de Lucrèce, Coriolan, Jules César, Antoine et Cléopâtre ainsi que Titus Andronicus sera présentée le printemps prochain à l’Usine C, à Montréal, et au Centre des arts d’Ottawa.  

«Rome, Shakespeare, c’est sublime. Et Mademoiselle Agnès, c’est tellement délicieux», réitère Sylvie Drapeau, qui s’estimait « rouillée » depuis la pandémie.  

«Mais ça revient bien», assure-t-elle, solaire. C’est sans l’ombre d’un doute qu’elle éblouira de nouveau le public, avec l’ardeur qu’on lui connaît sur scène, dans quelques semaines — et le foudroiera de répliques cinglantes. Et sardoniquement savoureuses.  

Mademoiselle Agnès 
Du 27 septembre au 15 octobre 
Théâtre Prospero 
1371, rue Ontario Est 

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