Revivre Act up Montréal et la crise du sida en photos
Dans le cadre de Fierté Montréal, les Archives gaies du Québec font revivre le mouvement Act Up en images. Avec l’exposition L’Activisme esthétique d’Act Up Montréal: une histoire en photos et en affiches, présentée jusqu’au 13 août, le public plonge au début des années 90, en pleine crise du sida.
Si quelques factions d’Act Up existent toujours dans le monde, notamment à New York et Paris, celle de Montréal n’a opéré que de 1990 à 1993. «Le problème, c’est qu’il y avait beaucoup de gens qui mourraient, alors il n’y avait plus de relève», explique à Métro Pierre Pilotte, le coordonnateur des Archives gaies du Québec, dont les bureaux sont situés sur Atateken.
Un peu partout en Occident, Act Up critiquait les instances gouvernementales en raison de leur inaction dans la crise du sida. Au Québec, à l’époque, le premier ministre Robert Bourassa, le ministre de la Santé Marc-Yvan Côté et la responsable d’un comité gouvernemental de lutte contre le sida, Denise Laberge-Ferron, ont été les têtes de Turcs du mouvement, dont les manifestations ont été marquantes de par leur grande théâtralité.
Des manifestations théâtrales
On a beau connaître le mouvement, on ne connaît pas nécessairement toute sa créativité. L’archiviste Simone Beaudry-Pilotte pointe une photo sur laquelle on voit toute une mise en scène: une pendaison pour manifester contre le manque de traitement du VIH dans les prisons. «C’était frappant, ça allait chercher les foules.»
Frappant, c’est bien le mot. Des die-in avec la célèbre phrase de Claude Péloquin – «vous êtes pas écœurés de mourir bande de caves» – font partie des moments saisissants capturés dans la lentille de René LeBoeuf, cet activiste gai bien connu entre autres pour son mariage avec Michael Hendricks, le tout premier entre personnes de même sexe au Canada.
Le couple a laissé un fonds aux Archives gaies du Québec il y a une dizaine d’années. En plus des photos de René LeBoeuf, qu’on peut voir dans l’exposition en cours, leur fonds comprend entre autres des documents pour les démarches de la création du parc de l’Espoir, cet espace commémoratif à la mémoire des victimes québécoises du sida.
«J’en ai connu beaucoup des personnes atteintes du sida, j’en ai accompagné, se souvient Pierre Pilotte. Mais les nouvelles générations ne connaissent pas nécessairement des gens séropositifs ou décédés du sida. C’est très important qu’on montre ce qui s’est passé.»
D’où l’idée de l’exposition L’Activisme esthétique d’Act Up Montréal: une histoire en photos et en affiches, la troisième que les Archives gaies organisent dans leurs locaux depuis l’an dernier. Se souvenir de la crise du sida, c’est un devoir de mémoire, estime le coordonnateur.
Organiser des expositions, c’est aussi une façon de se faire connaître et d’obtenir du financement. L’organisme fondé par Jacques Prince et Ross Higgins célèbre ses 40 ans d’existence et ne reçoit à ce jour aucune subvention annuelle. Si l’exposition est gratuite, on peut faire un don.
Les «injustices systémiques»
L’un des symboles importants d’Act Up, comme on peut le voir sur des affiches exposées dans les locaux des Archives gaies du Québec, c’est le triangle rose accompagné des mots «silence = mort».
Ce triangle était, durant le régime nazi, l’équivalent pour les homosexuels de l’étoile jaune pour les personnes juives. L’afficher dans les manifestations était en quelque sorte une façon de rappeler que la discrimination envers les communautés 2SLGBTQIA+ n’était pas née avec la crise du sida.
«La crise du sida a fait ressortir beaucoup d’injustices systémiques qui sont encore très présentes maintenant», souligne Simone Beaudry-Pilotte.
Parce la discrimination envers les communautés 2SLGBTQIA+ existe toujours. Suffit de voir comment une certaine droite répond aux drag queens et aux personnes trans pour comprendre que la lutte n’est pas terminée.
Les Archives gaies du Québec, dont le mandat s’étend à l’ensemble des communautés 2SLGBTQIA+, cumulent des coupures de journaux qui remontent jusqu’aux années 1940. En ont-elles aussi des plus récentes, histoire de conserver ce qui s’écrit de nos jours sur les questions d’identité de genre?
«Je fais ça chez moi. Ils ne veulent pas que je les apporte tout de suite!», répond Pierre Pilotte, qui aura un jour de quoi lui-même léguer un fonds.
L’Activisme esthétique d’Act Up Montréal: une histoire en photos et en affiches
Aux Archives gaies de Montréal (1000 Atateken, bureau 201A)
Jusqu’au 13 août
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