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«Les chambres rouges»: troublant et tordu

Laurie Babin (à gauche) et Juliette Gariépy dans «Les chambres rouges». Photo: Nemesis Films

«Je vous souhaite d’être hanté par ce film», a lancé le réalisateur Pascal Plante à la foule assemblée jeudi soir pour voir Les chambres rouges en ouverture du 27e festival Fantasia. Et ce souhait «sadique», mais «assumé» a de quoi être exaucé.

Avec Les chambres rouges, le réalisateur du drame adolescent Les faux tatouages et du drame sportif Nadia, Butterfly change complètement de registre pour livrer un troublant suspense psychologique qui plonge le public dans le monde des groupies de tueurs en série, mais aussi des pirates informatiques.

Kelly-Anne (Juliette Gariépy) est complètement obsédée par Ludovic Chevalier, alias le «démon de Rosemont», assistant à toutes les audiences de son long procès. Le présumé tueur est accusé d’avoir enlevé, violé, torturé, assassiné et démembré trois adolescentes, diffusant en direct sur le dark web ces meurtres contre de l’argent, le concept de ces légendaires «chambres rouges» du net.

Deux des vidéos, la troisième n’ayant pas été retrouvée, sont déposées comme preuve, mais le tueur y apparaît masqué. Ludovic Chevalier plaide donc non coupable, son avocat assurant qu’il y a erreur sur la personne, d’autant plus qu’il n’y a aucune trace de l’argent que son client aurait gagné. Une version que personne ne croit, sauf Clémentine (Laurie Babin), une jeune femme qui fréquente aussi le palais de justice et qui s’acoquine avec Kelly-Anne.

Maxwell McCabe Lokos incarne Ludovic Chevalier, le présumé «démon de Rosemont». Photo: Nemesis Films

Un film tout en contraste

Si Kelly-Anne et Clémentine partagent la même obsession, elles ne pourraient être plus différentes. La première est grande, posée, froide, brillante, mais déviante. Toujours habillée de vêtements sombres et moulés à son corps, comme une armure médiévale, elle économise ses mots et camoufle ses intentions. La seconde est petite, naïve, émotive, verbomotrice, limite conspirationniste, vêtue de morceaux larges et déballe à qui veut bien l’entendre ses convictions sur l’inocence du présumé tueur.

Et ce contraste, on le constate aussi dans la direction photo. On passe de longs et lents travellings – Pascal Plante, affectionnant les plans-séquence pour leur temporalité plus que pour leur effet spectaculaire, en glisse ici un d’une douzaine de minutes – à une caméra à l’épaule vive et mouvementée. On passe aussi de la blancheur éclatante de la salle d’audience au noir plombant de l’appartement vide de Kelly-Anne, une mannequin photo et joueuse de poker en ligne qui n’a besoin chez elle que de son ordinateur, son mélangeur pour ses smoothies protéinés et de Guenièvre, l’intelligence artificielle qu’elle s’est créée.

Socialement isolée, la jeune hackeuse a quelque chose de terrifiant, son hyperconnectivité ébranlant presque autant, peut-être même plus, que les meurtres sordides qui nous sont décrits, mais jamais montrés, malgré les terribles cris qu’on entend ou la salle aux murs recouverts de sang qu’on aperçoit. La suggestion est parfois plus horrifiante que le gore.

Le réalisateur Pascal Plante. Photo: Gracieuseté Danny Taillon

Recentrer l’attention

Les films de tueurs en série se concentrent généralement sur le criminel ou les forces de l’ordre qui le pourchassent, occasionnellement sur les victimes, mais très rarement sur les groupies. Ici, c’est le point de départ de l’histoire, qui part dans une spirale infernale de technologies rendant la vie privée accessible à quiconque sachant où chercher.

Pascal Plante l’a dit durant la première montréalaise des Chambres rouges, qui a été présenté il y a quelques semaines au festival Karlovy Vary: il ne voulait pas d’un Zac Efron comme tueur. Sans rien enlever à Maxwell McCabe Lokos, l’acteur qui incarne le «démon de Rosemont», il n’est pas spécialement beau ou séduisant. Rien n’explique que des femmes lui envoient des lettres d’amour en prison, comme le dénonce Francine (Elisabeth Locas), la mère d’une des jeunes victimes qui est spécialement impliquée dans le procès.

Non, c’est sur Kelly-Anne que l’attention est mise, au point où le tueur ne parle jamais. Pas un mot ne sort de sa bouche dans les deux heures que dure le film. Tout se joue dans ses mouvements, qui sont amplifiés par son silence.

Et Juliette Gariépy est à la hauteur du rôle. Portant le film sur ses épaules, elle fait passer tout son jeu par ses yeux, gardant son corps droit et dur, renvoyant à cette image d’armure médiévale évoquée plus haut.

Après la projection, l’actrice a adressé quelques mots aux personnes présentes, expliquant avoir imaginé son personnage comme s’il s’agissait d’un superhéros: un être isolé, expert dans un domaine. De quoi souhaiter au film Les chambres rouges un succès digne de Marvel.

Fantasia se poursuit jusqu’au 9 août. Ce soir, on peut entre autres voir la comédie d’horreur française Vincent doit mourir de Stéphan Castang qui sortira en salle au Québec seulement en 2024. Samedi, place à un autre film québécois, soit Emptiness d’Onur Karaman.

Les chambres rouges prend l’affiche le 11 août.

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