Hauterive: les complices Mara Tremblay et Catherine Durand à l’état folk
Chaussées de leurs plus seyantes bottes western et mues par une passion viscérale pour la musique folk, Mara Tremblay et Catherine Durand s’unissent en tant que duo. Leurs voix enlacées semblent faites l’une pour l’autre sur le tout premier opus de Hauterive, aux sonorités americana empreintes de douceur.
De la symbiose de leurs univers mélodiques ont émergé sept chansons originales, en plus d’une reprise absolument bouleversante de Woman in Love de Barbra Streisand et d’Un dernier regard, adaptation émouvante de One Last Look de Tom Waits.
Métro a vu la complicité de ces meilleures amies briller de Mille feux (tel l’ardent solo de guitare de Joe Grass sur cette chanson) au Café des bois, dans Le Plateau-Mont-Royal, où demeurent les autrices-compositrices-interprètes accomplies.
Histoire d’amitié
Mara Tremblay, dont la ville d’origine sur la Côte-Nord a inspiré le fort joli nom Hauterive, se souvient très bien de sa première rencontre avec Catherine Durand, en 1999.
Il lui est apparu incontestable qu’elle ferait partie de sa vie. « Moi, Mara m’intimidait un peu », avoue son amie à ses côtés. « Elle était pas mal plus rock que moi. Je ne trouvais pas que j’étais dans sa ligue. T’avais déjà un enfant, aussi. » « C’est vrai, j’étais une mère rock! », pouffe Mara.
C’est la tournée avec le collectif Toutes les filles, qu’elles ont formé en 2005 avec Marie-Annick Lépine et Ginette le temps d’une série de concerts, qui a soudé leur amitié. Et, bercée par la complicité et l’humour, celle-ci n’a cessé de se fortifier depuis.
De Nashville à Catherine
Si la musique de Hauterive nous caresse aujourd’hui le cœur, c’est certainement grâce à la ténacité de Mara Tremblay.
Lors de l’enregistrement de son superbe album Uniquement pour toi, sorti à l’aube de la pandémie, Mara, qui était incapable d’exécuter toutes les lignes de guitare à cause de sa fibromyalgie, a demandé à son amie de l’accompagner, « même si c’est pas sa job dans la vie d’accompagner du monde ».
Contrairement à Mara, qui a notamment joué du violon au sein des Colocs et des Frères à ch’val, Catherine Durand a toujours fait cavalier seule, fondant même sa propre étiquette, KatMusik, afin de tenir le plus possible les rênes de sa carrière.
« Je n’ai pas de formation en musique, je ne sais pas lire la musique. J’ai bien réfléchi… », admet la guitariste. « Et elle a dit oui! », s’exclame Mara, brandissant les bras en signe de victoire.
De plus, inspirée par un séjour à Nashville, où la coécriture est coutume (comme le dépeint la série portant le nom du berceau de la musique country), Mara a proposé à son amie de s’unir pour créer.
Mais cette dernière n’a une fois de plus pas accepté sur-le-champ. « Je me laisse désirer, han », lui dit Catherine, facétieuse, d’autant que la création de son plus récent opus, La maison orpheline, paru l’automne dernier, avait été précédée d’un long passage à vide. « Je me sentais incapable d’écrire d’autres chansons. »
Un « déblocage » s’est toutefois opéré durant la pandémie. « À partir du moment où je me suis dit : si on le fait, c’est sans attente, pour le fun, j’ai embarqué », explique Catherine.
Union féconde
La collaboration de leurs corps parallèles s’est révélée féconde dès la première soirée où Mara a envoyé à Catherine un riff de guitare qu’elle venait de créer. Le lendemain, l’émouvante Le temps d’avance était née.
« Elle m’a jetée à terre », souffle Mara, qui espérait foncièrement cette collaboration. « Voyons que c’est facile de même, que je lui bounce de quoi et qu’elle me revoie une toune toute faite le lendemain qui me met les larmes aux yeux… »
Même leurs accords de prédilection se complètent! « Je fais tout le temps do, si, la. C’est niché comme remarque, mais j’avais jamais vécu ça, un sol mineur! », s’esclaffe Mara. « C’est si beau, ne pas sous-estimer le pouvoir du sol mineur », répond Catherine, sourire en coin, qui a elle-même été prise de « vertige » dans une chanson comme Dolly (inspirée du séjour de Mara à Music City). « J’ai pas tendance à jouer ce genre de demi-ton à côté. »
Quant à leur enivrante reprise de Woman in Love, dans laquelle leurs voix sensibles et les guitares qui écorchent le cœur traduisent toute la force de l’amour, Catherine s’était simplement amusée à dénuder à la guitare ce succès composé par Barry et Robin Gibb, qu’elles adorent toutes les deux. « Il doit y avoir un sol mineur là-dedans! », blague Mara, qui a été bouleversée lorsque sa complice la lui a chantée en studio.
On ne peut en outre que se réjouir que Mara n’ait jamais endisqué Un dernier regard auparavant, qu’elle avait traduite à la suggestion de son ex-amoureux à l’époque de Cassiopée, sorti en 2017, tant la facture éthérée et vaporeuse de la chanson se conjugue à Hauterive. La musicienne a d’ailleurs reçu directement l’aval de Tom Waits, qui a écrit la chanson en l’honneur de l’animateur David Letterman, qui quittait la barre du Late Show.
De légèreté et de complicité
Pour la suite des choses, Catherine Durand et Mara Tremblay, qui ont toutes deux franchi le cap de la cinquantaine, se souhaitent simplement d’être bien.
On se souvient avoir entendu la créatrice de Tu m’intimides évoquer au micro de La chaîne musicale, en janvier 2022, la crainte d’être oubliée dans le milieu. Qu’en est-il aujourd’hui?
« C’est complètement différent! affirme sans hésitation Mara. Je sens quelque chose cette année que je ne sentais pas quand j’ai fait La chaîne. J’ai catché que je suis dans l’histoire. Je suis apaisée, je n’ai plus besoin d’essayer de faire un chemin, la trail est faite. Je suis satisfaite, je peux juste m’amuser. »
Et c’est exactement ce que feront sur scène les complices de Hauterive, délestées du poids de devoir prouver quoi que ce soit. « Faire de la musique avec Catherine, c’est comme m’installer dans un divan avec une couette. T’es ma doudou! », lance Mara à son amie avec tendresse.
Pour voir Hauterive en concert, c’est ici.