«Shérif Junior»: la nouvelle série du bédéiste Samuel Cantin
Le bédéiste Samuel Cantin, dont certaines œuvres sont adaptées au théâtre et au cinéma, lance une nouvelle bande dessinée, Shérif Junior: Il y a quelque chose de poussiéreux à Sorel-sur-Poussière.
Publié aux éditions Pow Pow, ce premier tome des aventures de Shérif Junior s’amuse avec les codes du western, un genre peu exploité au Québec. On y trouve la faune typique d’un Lucky Luke, mais avec une touche propre à Samuel Cantin: une institutrice détective, un journaliste poltron, un croque-mort sans remord, des bandits pas très beaux, un prête pas si gentil, une prostituée existentialiste, ainsi qu’un shérif qui a genre 11 ans.
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«Ç’a fait longtemps que je traîne ce personnage. Après ma BD Vil et misérable en 2013, c’était censé être mon prochain projet», raconte Samuel Cantin qui en plus du cowboy de Morris, apprécie beaucoup la série de bande dessinée de western franco-belge Blueberry.
Finalement, c’est l’écriture des deux tomes de Whitehorse – dont une version théâtrale sera présentée en novembre chez Duceppe – qui a été priorisée par l’auteur, repoussant ainsi la rédaction des aventures du Shérif Junior.
Des aventures que Samuel Cantin souhaite décliner en plusieurs tomes, mais les prochains seront moins longs, promet-il. L’illustration du premier, qui fait 440 planches, a été une tâche plutôt difficile.
«Je ne suis pas pressé de les faire d’un coup, précise-t-il. Ma prochaine BD sera une suite à Whitehorse. Je souhaite alterner entre le Shérif Junior et d’autres projets.»
Un western du terroir, mais moderne
Dans ce «western du terroir», Samuel Cantin ne fait pas que parodier les codes de ce genre, il s’amuse aussi avec divers thèmes qui font l’actualité. Par exemple, l’un des bandits dans la BD décide de se réapproprier le mot «rustre» – une insulte de prime abord – pour baptiser le manège qu’il fait construire dans la ville: «la montagne rustre».
Qualifiée de puissante et de subversive par l’un des frères du bandit, cette idée fait évidemment penser à un débat qui a entre autres fait rage à l’Université d’Ottawa.
Il y a aussi la prostituée Pistachia, l’un des personnages les plus intéressants de la bande dessinée, qui s’interroge sur les contradictions entre le fait que d’un côté elle vend son corps «au plus offrant» et de l’autre, elle pourfend «la société patriarcale et la tyrannie constante de l’objectivation du corps des femmes dans notre société» dans ses pamphlets et fanzines « à tirage limité».
«À part Shérif Junior qui est sûr de lui, tout le monde est en crise existentielle, constate le bédéiste en rigolant. Il a comme un élément satirique dans tout ce que je fais.»
Même si cela fait «anachronique à fond», Samuel Cantin tient à ce que ses personnages soient modernes et souhaite aborder – et parfois caricaturer – des sujets touchant l’actualité, mais sans livrer de «message» pour autant.
«C’est le décalage et le contraste qui m’intéressent. C’est stylistique.»
Un bédéiste privilégié
Principale force de Samuel Cantin, les dialogues sont succulents et portent à réfléchir, même si l’absurde revient vite au galop.
C’est d’ailleurs peut-être justement son grand talent de dialoguiste qui explique pourquoi Whitehorse est adapté au théâtre et que le tournage d’une version cinéma de Vil et misérable aura bientôt lieu. Une chose qui est peu courante dans le monde de la BD québécoise, à l’exception de cas comme Paul, de Michel Rabagliati, ou Red Ketchup de Fournier/Godbout.
«Quand on regardait le tome 1 de Whitehorse, on a réalisé que c’était quasiment déjà une pièce de théâtre. Il y a cinq scènes, cinq lieux, de longs monologues. C’est très théâtral.»
En attendant que la pièce de Whitehorse soit présentée et que le film de Vil et misérable soit tourné, le premier tome de Shérif Junior sera quant à lui lancé ce 23 mai au Ministère et sera disponible en librairie le jour suivant.