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«I/O»: le théâtre pour réfléchir au transhumanisme… et à ses limites  

Dominique Leclerc dans «I/O». Photo: Valérie Remise

Dominique Leclerc et Posthumains, la compagnie qu’elle codirige, sont de retour avec I/O, une pièce qui s’interroge sur le rapport des humains à leur propre finitude dans un contexte d’avancées technologiques à la fois fascinantes et effrayantes. Le spectacle, présenté pour la première fois à la fin de 2021 au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, jouera tout le week-end au Festival TransAmériques (FTA), qui bat son plein jusqu’au 8 juin.

Biotechnologies, transhumanisme, posthumanisme et autres utopies technologiques peuvent ressembler à de la science-fiction. Mais pour Dominique Leclerc, qui s’intéresse activement à ces concepts depuis 10 ans, tout ça est très concret. Ce l’est devenu d’autant plus quand elle a perdu son père, qui, pendant la pandémie, est passé par «un processus hospitalier très long et pénible», raconte l’autrice et comédienne en entrevue avec Métro.

«Les transhumanistes parlent beaucoup du souhait d’allonger la vie radicalement, raconte-t-elle. C’est ce que la médecine a fait avec mon père, sans égard à sa vie et sa volonté. La médecine est entrée dans une sorte de performance pour le sauver à tout prix, un peu comme les transhumanistes essaient de le faire avec les technologies.»

S’inspirant à la fois de cette épreuve de la vie et des recherches qu’elle a menées sur le terrain dans le cadre d’un documentaire sur lequel elle travaille avec l’ONF, Dominique Leclerc a accouché d’un spectacle qui combine autofiction et documentaire.

Témoignage pour les humain.e.s de demain

C’est ainsi que, sur scène, Dominique Leclerc porte un récit inspiré de ce qui est arrivé à son père en plus de projeter des extraits des entrevues qu’elle a faites au fil des années avec des spécialistes de ces nouvelles idéologies et technologies. Mais ce n’est pas tout: le public assiste aussi à «la construction d’une archive destinée aux humains de demain».

Cette archive, c’est une façon de prendre un pas de recul, de créer une distance avec son sujet pour mieux l’analyser. Mais c’est aussi une façon d’injecter une dose d’humour dans un spectacle aux thèmes qui, à première vue, s’y prêtent peu.

«En essayant d’expliquer à des humains de demain comment on vit aujourd’hui, évidemment, ça amène à rire de nous-mêmes», croit la metteuse en scène, qui dit avoir expérimenté des situations absurdes en lien avec la mort de son père.

«Je ne mets pas en scène ma propre histoire pour faire une thérapie! C’est vraiment pour servir le propos et visiter tout plein de racoins, comme l’absurdité et le non-sens», lance Dominique Leclerc.

Poser les questions

Dans I/O, Dominique Leclerc ne prend pas position. L’artiste n’y fait pas une conférence sur les dérives des technologies ni une lettre d’amour à l’intelligence artificielle. Son objectif, à ce stade, est d’amener le public à s’intéresser à ces enjeux et à se questionner sur les aspects éthiques qui en émergent.

«Je trouve que c’est extrêmement important de sortir ces connaissances-là du milieu académique et de créer un pont avec le grand public. Nos spectacles sont une invitation à changer ses algorithmes et à regarder ce qui se passe. Ce qui me fait le plus peur dans l’immédiat, c’est qu’il n’y ait pas de discussion», dit-elle.

Dominique Leclerc. Photo: Robby Reis

Ne pas prendre position ne signifie pas que Dominique Leclerc ne répond pas aux propos des intervenant.e.s qui jouent tout au long de la pièce. Quand l’un d’eux vante les technologies en affirmant qu’elles vont sauver l’avenir de notre espèce et que la décroissance n’est pas nécessaire, elle recrée la nature sur scène, comme pour lui faire un pied de nez. «Ce n’est pas pamphlétaire, nos réponses sont plus poétiques, incarnées et réflectives», précise la dramaturge.

Si elle soulève des enjeux en lien avec les avancées technologiques, elle ne les voit pas nécessairement toutes d’un mauvais œil. Dominique Leclerc est en fait souvent nuancée: modifiez votre génétique si ça vous chante, mais ouvrons la discussion avant de le faire sur des embryons et de prendre une tendance eugéniste, dit-elle. L’artiste ne croit pas en «l’immortalité du corps», mais plutôt en «une forme de l’allongement de la qualité de vie».

Et si elle ne s’identifie pas elle-même comme biohacker, cyborg, transespèce, transhumaniste ou posthumaniste (cette dernière philosophie étant celle dans laquelle elle se reconnaît le plus) à l’image des personnes qu’elle rencontre, elle laisse les autres se définir comme ils l’entendent.

I/O est présenté jusqu’à dimanche, date pour laquelle il reste quelques billets disponibles, au Théâtre Prospero dans le cadre du FTA. Cet automne, le spectacle sera en tournée en région au Québec.

Si le FTA se termine le 8 juin, le OFFTA (penchant plus émergent qui se déroule en marge du festival), lui, prend fin le 4 juin.

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