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Les femmes aussi aiment l’argent

Judith Lussier

Hier, c’était la Journée internationale des travailleurs, mais permettons que l’on parle plus spécifiquement des travailleuses, car force est de reconnaître que l’équité en matière d’emploi n’est pas atteinte, dans les faits comme dans les esprits.

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que j’étais choquée de voir une offre d’emploi pour une usine de fruits de mer affichant un salaire horaire de 12,69 $ pour les femmes et de 13,28 $ pour les hommes.

J’ai bien sûr attendu les explications de l’entreprise avant de grimper au plafond (ce qu’on fait, les féministes, quand on est fâchées).

Entre-temps, je suis allée lire la section des commentaires sous la nouvelle: «Il y en avait une femme à notre usine avec un salaire égal et il fallait tout le temps lâcher notre poste pour aller l’aider», «C’est NORMAL que, quand tu produis beaucoup moins que les autres, tu sois payé moins que les autres», ou encore «Travailler avec une femme, c’est forcer à sa place.» Je doute que les femmes soient moins rapides que les hommes à décortiquer des crabes, mais qu’est-ce que j’en sais…

Il y avait bien sûr parmi les commentateurs des gens qui s’offusquaient de ce traitement sexiste, et il y avait aussi ceux qui soulignaient avec raison qu’une rétribution quelques sous au-dessus du salaire minimum, c’est pas assez.

L’histoire a été portée à l’attention de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

Je doute que les femmes soient moins rapides que les hommes à décortiquer des crabes, mais qu’est-ce que j’en sais…

Puis, l’explication d’Unipêche est venue : «Dans les usines de pêche, de manière traditionnelle, il y a ce qu’on appelle des lignes d’hommes et des lignes de femmes», pouvait-on lire dans le communiqué de presse, où on expliquait par la suite qu’il s’agissait de lignes comportant des tâches différentes et un salaire différent. On précisait que, si une femme travaillait sur une ligne d’hommes, elle recevait le salaire de la ligne d’hommes. Je comprends qu’on puisse être attaché aux traditions, mais je pense qu’il serait temps, dans ce cas, de réviser la nomenclature des lignes.

Cette histoire d’usine de pêche a fait des vagues. La grève des stages qui a occupé des dizaines de milliers d’étudiants cette année a suscité moins d’indignation. Il s’agit pourtant également d’un enjeu d’équité salariale, quand on sait qu’environ les trois quarts des stages non rémunérés sont faits par des femmes. Les domaines d’emploi typiquement masculins, comme le droit, la mécanique ou l’ingénierie, rémunèrent habituellement leurs stagiaires.

Le cas des étudiantes sages-femmes est particulièrement difficile à concevoir. On exige d’elles 2 352 heures de stages non rémunérés – l’équivalent d’une année de travail gratuit à temps plein – à effectuer dans au moins deux régions du Québec – ce qui les contraint à déménager –, durant lesquels elles sont sur appel, ce qui les empêche techniquement d’occuper un emploi rémunérateur pendant leur formation.

Notre premier ministre a déjà dit que «les filles attachent moins d’importance au salaire que les garçons». Même si c’était vrai, il ne serait pas juste pour autant qu’on les rétribue moins.

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