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Le cri du cœur d’une maman et directrice générale d’un CPE

Photo: Archives
 Lilia Lemire-Bertrand - Collaboration spéciale

Je suis une personne bien ordinaire qui accomplit l’extraordinaire un jour à la fois, et je sais que je suis entourée de toutes ces collègues tout aussi ordinaires, que je ne changerais pour rien au monde. Nous travaillons ensemble. Plusieurs, tout comme moi, ont dû combattre la Covid dans la dernière année. Pour certaines, il y a la fatigue, pour d’autres des maux de tête ou l’attente pleine d’espoir de retrouver l’odorat et le goût après plusieurs mois. Nous traversons cette tempête ensemble.

Tous les jours depuis plus d’un an, je vis avec des craintes. La crainte d’aller au travail et de transmettre le virus, la crainte de revenir à la maison et de le transmettre à ma famille. Au début, on se dit que c’est comme une guerre. On y met toute notre énergie et plus encore … Ensuite, cette guerre devient la routine du quotidien et on continue de s’investir, jour après jour. Malgré tout, je suis chanceuse de pouvoir continuer à avoir des interactions sociales.

Nous n’avons aucun plaisir à annoncer de mauvaises nouvelles aux parents. Plusieurs doivent se réorganiser au quotidien, et je préfèrerais vraiment pouvoir accueillir toutes les familles au CPE plutôt que d’envoyer des lettres de la Direction de santé publique. Je suis également la maman d’Alicia 11 ans et d’Antoine 9 ans qui vont à l’école primaire et, comme parent, je fais face aux mêmes défis. Sans mon conjoint Alexandre, je serais incapable d’assumer toutes les responsabilités de gestionnaire.

J’aimerais vous partager mon quotidien en tant que directrice générale d’un CPE. Mes journées commencent très tôt le matin et se terminent très tard le soir. Je dois m’assurer de la santé et la sécurité du personnel et des familles, ce qui est toujours le plus important. Dès 5h, je jongle avec les absences imprévues du personnel, je réorganise l’horaire de la journée pour assurer le service, j’appelle les remplaçantes disponibles, je fais une demande à un service de remplacement externe, j’appelle les éducatrices en congé. Si toutes ces options sont impossibles, notre éducatrice spécialisée ou notre adjointe à la pédagogie s’occupe d’un groupe pour une journée. Finalement, je deviens, à mon tour, éducatrice pour quelques heures pour pallier au manque de personnel.

Quand tout va bien jusqu’à 7h, je passe à l’évaluation de qui peut entrer au CPE et qui ne le peut pas. Les parents s’inquiètent et je m’inquiète avec eux. Je prends le téléphone pour clarifier de vive voix la bonne décision à prendre, dans les circonstances. L’outil d’auto-évaluation du gouvernement devient le seul repère qui diminue la pression que j’ai sur les épaules. Je dois m’assurer de la santé, de la sécurité et du bien-être des tout-petits.

Une fois les enfants arrivés au CPE, la magie prend place. Les enfants ont ce pouvoir de nous faire vivre le moment présent. C’est étonnant ! Les métiers en lien avec la petite enfance sont toujours les plus beaux et les plus exigeants à la fois. On se concentre sur les enfants, les activités, les jeux extérieurs, le boisé, les livres, etc. jusqu’à ce qu’un appel vienne tout bousculer. Parfois, c’est l’appel d’une école qui demande à une personne de notre équipe d’aller chercher ses enfants qui ont été en contact avec un cas positif; c’est l’appel d’un parent qui vient d’apprendre que son enfant ou que lui-même est atteint de la Covid; c’est la Santé publique qui appelle directement. À chaque fois, je prends une grande respiration. Il faut savoir s’adapter à toutes situations imprévues même mettre un tablier de cuisine pour faire le service du repas.

C’est à ce moment que mes tâches administratives sont mises de côté et que je sais que je devrai poursuivre en dehors de mes heures habituelles de travail. Avant la pandémie, l’organisation était ma meilleure amie, maintenant il m’arrive de ne plus trop savoir par où commencer. Heureusement, notre merveilleux CA me redonne des ailes. Tous ces parents bénévoles qui me soutiennent et qui se présentent en réunion d’urgence veulent ce qu’il y a de mieux pour le CPE. Vous devriez voir leur implication et le dynamisme dans leurs yeux, tout aussi fatigués que les miens.

Je me dois de rester attentive à différentes informations et toujours être capable de retracer les contacts pour chaque jour de contagiosité d’un cas positif. Le moindre geste devient important. Prendre un porte-clé sur un tableau semble peut-être anodin, mais pour moi, il est rendu essentiel. C’est à ce moment que les téléphones et l’envoi de lettres débutent, selon les dates de derniers contacts étroits. C’est souvent au moment où je dois me concentrer que le plafond coule ou que la toilette déborde. Il faut éteindre les urgences, une à la fois. Une commande de jouets arrive… Qui a le temps d’aller répondre à la porte ? Vient le moment d’informer le personnel et les parents des procédures à suivre. Isolements obligatoires, test de dépistage et bulle familiale, sans oublier de transmettre une bonne dose d’énergie positive et rassurante.

C’est là qu’entre en jeu tout le travail de désinfection supplémentaire à nos mesures déjà en place. Pendant que j’anime une entrevue virtuelle, que je traite les paies ou que je réponds à un parent qui cherche désespérément une place en CPE pour son enfant, notre préposée prends la température à la porte d’entrée, en plus de réaliser un travail de désinfection quotidien colossal.

Il est à peu près 14h, et le travail continuera comme ça jusqu’à ce que mes obligations familiales ou la fatigue se fassent sentir, ou après que je me sois assurée – par des appels faits le soir – qu’un groupe ou une éducatrice ne vient pas au CPE le lendemain.

Lilia Lemire-Bertrand

Laval

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