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Fermeture d’une ressource en santé mentale: Incompréhension et indignation

Les pères rencontrent des défis du point de vue de la santé mentale durant la pandémie.
Photo: Katarzyna Białasiewicz / 123rf
Intervenants et psychologues - Collaboration spéciale

Alors que la question de la santé mentale est en principe au cœur des priorités gouvernementales, voici que le CIUSSS de la Capitale-Nationale contribue à fermer une des rares ressources d’hébergement en santé mentale pour les jeunes adultes à Québec. Ainsi, la ressource L’Athénée, après plus de 25 années d’existence, fermera ses portes le 31 décembre prochain. C’est la consternation et l’indignation chez nombreux et nombreuses intervenants-es. C’est d’autant plus incompréhensible qu’il y a un manque flagrant de places dans le réseau de la santé et dans le communautaire.

Situé dans le quartier St-Sauveur, L’Athénée est un milieu de vie structuré avec un programme psychosocial qui permet de restaurer, développer et consolider les compétences personnelles et sociales pour faciliter un retour en toute autonomie dans la communauté. Elle accueille 9 jeunes adultes entre 18 et 35 ans qui arrivent souvent en début de maladie (première psychose, trouble bipolaire, trouble lié à l’usage de substances, etc.), marginalisés pour certains-es et isolés-es pour la plupart. Les intervenants-es sont présents-es à tous les jours, pour leur offrir un soutien et un accompagnement personnalisés dans leur vécu singulier et leurs démarches, qui reflètent leurs besoins et leurs forces respectives. Dans le non jugement, le respect de leur capacité et de leur intégrité. L’Athénée travaille dans une perspective de rétablissement et de réinsertion sociale. Une étape à la fois, un jour à la fois.

En ce sens, si aucune intervention d’urgence n’a lieu, non seulement la ressource n’existera plus, mais on viendra déstabiliser des jeunes adultes en situation de vulnérabilité, en tentant de les relocaliser. Certains d’entre eux ressentent le besoin d’être plus préparés et aidés dans leurs objectifs et leurs défis, avant de retourner vivre de manière autonome dans la communauté. Plusieurs risquent de se retrouver en chambre ou dans une ressource non-adaptée à leurs besoins ou encore dans un autre milieu de vie non-adéquat. Certains se retrouveront peut-être en situation d’itinérance. On crée malheureusement un risque de rechutes et de nouvelles hospitalisations. On mine sérieusement leur confiance envers le réseau public, en plus de perdre de la crédibilité auprès d’eux. Par ailleurs, pensons à tous ces jeunes dans le futur qui ne pourront pas bénéficier d’une telle ressource.

Alors que la fermeture aura lieu en pleine période hivernale et du temps des Fêtes, on aurait souhaité choisir le pire moment qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Et ce dans le contexte où les ressources de dépannage implosent, que la crise du logement frappe actuellement toutes les régions du Québec, sans oublier le contexte pandémique.

La fermeture de L’Athénée s’inscrit malheureusement dans une perspective plus large. En effet, plusieurs ressources en santé mentale ont fermé durant les dernières années. Qu’on pense seulement à La Maisonnée et aux appartements supervisés du Centre de Traitement et de Réadaptation (CTR) de Nemours. Certains évoquent même un nouveau processus de désinstitutionnalisation.

Ultimement, on semble préférer parker des personnes dans des chambres, avec cafétéria dans des résidences, avec peu ou pas de suivi psychosocial, plutôt que de miser sur le potentiel de maintenir et d’enrichir leurs acquis. Pas grave si on hypothèque la jeunesse. Et pas grave si on coupe – encore – une ressource avec une expertise en santé mentale. La réadaptation ne semble pas être une priorité.

Et tout cela pour une question de chiffres, pour une question de 120 000$. Pour faire court: le CIUSSSCN a fait traîner les négociations ; a sciemment contribué à l’endettement de la ressource ; a balayé du revers de la main nombreuses propositions et concessions de l’autre partie ; peine à comprendre la mission d’une ressource comme l’Athénée ; et ne semble pas souhaiter la financer dignement.

Il nous semble que ce n’est pas rendre justice à notre société que de contribuer à rendre des personnes dépendantes de services résidentiel à long terme. C’est leur envoyer le message qu’on ne croit plus en eux, alors qu’ils ont des qualités humaines et contribuent à la société. C’est de considérer et de gérer des personnes comme de simples numéros. C’est faire passer des chiffres avant des êtres humains. Comment ne pas être bouleversé-e par ce manque total d’empathie et de bon sens ?

Pourtant, il n’est jamais trop tard pour bien faire. De reconsidérer une décision, notamment si elle concerne un secteur aussi névralgique que la santé mentale. Ne mesure-t-on pas la qualité d’une société à la manière dont elle s’occupe de ses membres les plus vulnérables ? Ne partageons-nous pas une même dignité, une même humanité ? Les personnes vivant avec un trouble de santé mentale sont des citoyens à part entière et méritent d’être soutenues. En ce sens, nous gardons espoir que le CIUSSSCN et Action-Logis seront en mesure d’agir conjointement avec courage et éthique.


Signataires

Étienne Boudou-Laforce, Intervenant à la ressource L’Athénée

Mélanie Ladouceur, Intervenante responsable à la ressource L’Athénée

France Harvey, Intervenante à la ressource L’Athénée

Robert Gagné, Employé à la ressource L’Athénée

Sophie René de Cotret, Responsable de la résidence Chapeleau

Alexandre St-Hilaire, D.Psy., Neuropsychologue

Frédérique Gervais, D.Psy, Neuropsychologue

Alexandre Hamel, D. Psy, Psychologue

William Pothier, Ph.D., Psychologue/neuropsychologue

Pierre-Luc Lachance, Conseiller et Candidat pour Québec Forte et Fière (St-Sauveur/St-Roch)

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