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Madame Plante, permettez-nous de vous rappeler vos engagements en matière d’itinérance

Un campement érigé dans le boisé Steinberg. Photo: Archives
Annie Savage - Collaboration spéciale

LETTRE OUVERTE – Madame Plante, félicitations pour votre victoire qui marque le début de votre deuxième mandat comme Mairesse de Montréal. Soyons honnêtes, la collaboration entre vous et le RAPSIM n’a pas été facile ces derniers temps. Vous nous aviez dit: « On ne laissera personne derrière », reprenant le nom du collectif soutenant les personnes s’installant en tente ou dans les entrées de commerces. On se rappellera pourtant longtemps les nombreux démantèlements qui ont suivi celui particulièrement violent du campement Notre-Dame. Ces démantèlements, sans que des alternatives adaptées et sécuritaires soient proposées, ont pour conséquence de repousser un peu plus loin chaque fois celles et ceux qui n’ont plus rien. 

Ne passons pas sous silence non plus la manière avec laquelle vous vous êtes désistée de votre participation au débat organisé par le RAPSIM durant la campagne électorale, alors que la Chambre de Commerce de Montréal et l’Office du Tourisme de Montréal ont eu l’honneur de votre présence. Cette indifférence en matière d’itinérance n’est plus une option pour la mairie de Montréal, de la même manière qu’il n’est plus possible d’ignorer le fait que l’itinérance se vit partout à Montréal et qu’il faut développer, sur l’ensemble du territoire, des solutions pérennes et adaptées face à des enjeux persistants et grandissants. 

L’an dernier, la décision de la Ville de reconduire les mêmes sommes destinées aux organismes en itinérance malgré l’augmentation importante des besoins a contribué à l’appauvrissement des groupes et par le fait même aux difficultés de recrutement de personnel que vivent nos membres. Investir massivement dans le réseau communautaire est d’autant plus nécessaire pour éviter des dépenses d’urgence en période de crise. Pensons notamment aux millions de dollars qui ont été déboursés par la Ville pour l’embauche d’agent.es de sécurité dans les refuges. Pensons aussi à toutes ces sommes investies dans des hôtels pour pallier le manque d’infrastructures adéquates et suffisantes, un fléau depuis longtemps décrié par le RAPSIM et ses membres. Nous sommes prêts à regarder vers l’avenir Madame Plante, et nous saluons votre promesse d’augmenter le budget annuel destiné aux organismes en itinérance de 3 millions à 6 millions, dans l’espoir que ce rehaussement sera effectif dès votre prochain budget. 

Comme vous le savez Madame Plante, en matière d’itinérance, beaucoup reste à faire. Votre parti s’est engagé à soutenir le développement de ressources à haut seuil de tolérance pour répondre aux besoins des femmes, des personnes autochtones, des jeunes, des aînées et des personnes qui vivent en situation de handicap et à soutenir le développement de sites d’hébergement d’urgence 24-7. Ces besoins sont reconnus par le RAPSIM et ses membres, et nous voyons d’un très bon œil votre volonté à faire partie des réponses qui doivent émerger rapidement pour Montréal. Vous disiez récemment en entrevue à Radio-Canada que vous vouliez « mettre les bonnes personnes autour de la table ». Il nous fera plaisir de remplir ce rôle. Si lors d’annonces publiques au cours de votre premier mandat, vous avez choisi de mettre de l’avant des voix influentes mais non représentatives de l’ensemble du milieu, il est essentiel de vous rappeler madame la Mairesse que le RAPSIM regroupe 114 organismes qui œuvrent partout à Montréal afin de prévenir et réduire l’itinérance. Parmi ceux-ci, une quinzaine opèrent des ressources d’hébergement communautaire et d’urgence pour répondre aux besoins spécifiques des femmes, des jeunes et des personnes autochtones, en complémentarité avec les groupes qui ont développé à travers le temps des centaines d’unités en logement social avec soutien communautaire, d’autres qui accueillent les personnes dans des centres de jour, des centres de soir, d’autres qui déploient des haltes-chaleur, qui œuvrent en réinsertion sociale, en travail de rue ou en sécurité alimentaire. Travaillons ensemble, dans le respect de l’approche globale et communautaire, des principes inscrits au cœur de notre politique nationale et du plan d’action interministériel en itinérance dans lequel la Ville souhaite s’intégrer. 

Vous connaissez le fameux adage : « si l’itinérance n’est pas qu’un problème de logement, c’est toujours un problème de logement ». La crise d’abordabilité actuelle est brutale – à Montréal, c’est près de 100 000 ménages locataires montréalais qui ont des besoins impérieux de logement, parce qu’ils vivent dans un logement trop petit, en mauvais état ou trop cher. La déresponsabilisation et l’inaction de la CAQ dans ce dossier nous font craindre de votre capacité à tenir votre promesse de développer 1200 logements sociaux avec soutien communautaire pour les personnes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir. Le gouvernement provincial a préféré jusqu’ici privilégier l’accompagnement individuel à travers des suppléments au loyer (PSL) au détriment d’investir pour la construction de nouveaux logements sociaux adaptés aux besoins variés des personnes en situation d’itinérance. Le contexte ne permet pas de demi-réussite; il faut rapidement remédier aux problématiques de logements dans la métropole. Sachez que le RAPSIM continuera à faire les représentations en ce sens auprès des acteurs concernés et que vous pourrez compter sur nous pour vous alimenter sur les projets qui pourraient être développés par nos membres mais qui n’attendent que le financement nécessaire pour se concrétiser. 

Une grande métropole comme Montréal comporte son lot de défis en matière de partage de l’espace public. Bien que vous vous soyez engagée à davantage de concertation en matière de cohabitation sociale, nous vous encourageons à reconnaître l’expertise des organismes déjà présents sur le terrain en prévention ou en travail de rue plutôt que de créer de nouvelles initiatives (p. ex. ÉMMIS) qui répondent davantage à des objectifs propres à la Ville ou à la police qu’aux besoins réels des personnes pour qui l’espace public est souvent la seule option. La judiciarisation de l’itinérance est une réalité persistante. À cet effet, nous attendons avec impatience l’aboutissement de vos travaux sur la révision des règlements municipaux menant encore trop souvent à du profilage racial et social. 

Terminons en vous félicitant de nouveau, Madame la Mairesse. À l’aube de votre second mandat, nous nous permettons de croire au fait que vous oserez cette fois prendre les décisions nécessaires pour faire respecter l’autonomie et la dignité des personnes vivant des situations complexes et variées et qui sont trop souvent laissées pour compte. En souhaitant que votre réélection amène un changement significatif dans le cycle des injustices répétées, par la mise en place de solutions structurelles ainsi qu’une réelle écoute de l’ensemble des partenaires communautaires qui travaillent en prévention et en réduction de l’itinérance.

par Annie Savage, directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)

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