Construire plus de logement en économie sociale, une solution à coût nul
LETTRE OUVERTE – Dans le cadre du Sommet québécois de l’aménagement du territoire, la semaine dernière, quelque 500 participant.e.s ont débattu des solutions qu’ils et elles espèrent voir être intégrées à la future Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire, que le gouvernement provincial doit dévoiler plus tard cette année.
Les panélistes ont universellement reconnu la nécessité d’adopter une politique d’aménagement ambitieuse favorisant un développement conforme à nos objectifs sociaux et environnementaux. L’idée de consolider les cœurs de villes et de villages et de permettre une densification plus élevée près des grands axes de transports collectifs dans les centres urbains afin de lutter contre l’étalement urbain et de réduire notre dépendance à l’automobile était sur toutes les lèvres.
L’UTILE, entreprise d’économie sociale spécialisée dans la construction de logements étudiants abordables, partage évidemment cette vision. Nous voyons aussi dans cet exercice de planification une occasion en or de débloquer le plein potentiel des outils de planification et de réglementation dans le but de favoriser l’atteinte d’objectifs collectifs, comme l’augmentation de l’offre de logement abordable et de qualité.
Une proposition concrète: le zonage différencié
D’abord, rappelons que la valeur marchande d’un terrain est étroitement liée à ce qui est permis d’y construire. Lorsqu’une municipalité augmente la densité permise sur un site donné, elle en augmente d’autant la valeur, ce qui peut représenter une appréciation instantanée s’élevant à des millions de dollars.
Cette réalité révèle une facette peu exploitée de nos outils de planification et réglementation urbaine: ce sont de puissants outils de création de richesse. Et si on mettait réellement ces outils au service d’objectifs ambitieux de développement de logements abordables et de développement durable?
Pour y arriver, il s’agirait de donner aux municipalités le pouvoir d’appliquer des normes de densité distinctes lorsqu’un projet immobilier permettra la réalisation de logements sociaux ou communautaires.
Concrètement, cela pourrait se traduire par exemple par l’autorisation de construire un étage supplémentaire pour de tels projets. En apparence technique, un tel pouvoir, considérant l’effet de création de richesse mentionné plus haut, pourrait faire office de subvention indirecte et permettre de construire des milliers d’unités de logement abordable supplémentaires, et ce, sans que ni l’État ni les villes ne déboursent un rond!
Évidemment, puisque le bâtiment construit sera permanent, il faudra que son caractère abordable le soit également, et donc qu’une telle mesure vise les projets de coopératives ou d’OBNL d’habitation, ou encore d’offices municipaux. Il s’agirait de donner aux municipalités le pouvoir de reconnaître et encourager ces projets. Des mesures réglementaires incitatives similaires pourraient aussi être mises en place pour viser l’atteinte d’objectifs environnementaux.
L’heure est à l’innovation réglementaire
Le monde de l’économie sociale, la société civile tout comme le palier municipal semblent partager la volonté du gouvernement Legault et de la ministre Laforest d’innover et de se donner les moyens de nos ambitions pour répondre aux besoins de nos communautés. Les réformes législatives à venir dans le monde de l’aménagement sont une occasion unique pour mobiliser tous les pouvoirs de nos gouvernements, dont la réglementation, au service de nos aspirations collectives.
Laurent Levesque, Directeur général et cofondateur de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) et président du Chantier de l’économie sociale