Zoom sur l’économie de la pige au Canada
Nous possédons une image de plus en plus claire de l’importance de l’économie de la pige.
Plusieurs d’entre nous gagnons notre croûte, en tout ou en partie, grâce à une variété de petits boulots. Il peut s’agir d’offrir divers services domestiques, des soins aux enfants ou aux personnes âgées, voire des services plus qualifiés, comme la rédaction ou la programmation. Ceux qui offrent et ceux qui occupent ces boulots forment ce qu’on a nommé en anglais «gig economy», que je traduis par «l’économie de la pige». Dans cette économie, les gens travaillent uniquement lorsque leurs «donneurs d’ouvrage» ont besoin d’eux, et peuvent donc rester inactifs plus ou moins longtemps. Le revenu qu’ils découlent de ces activités varie donc d’un mois et d’une année à l’autre.
Jusqu’à maintenant, nous n’avions pas d’études ou de statistiques qui nous permettaient de saisir l’ampleur de cette économie de la pige. Pourtant, tout le monde semble convaincu qu’elle est devenue très importante. Pour combler cette lacune, la Banque du Canada a décidé de mener un sondage, en ajoutant quelques questions à son Enquête sur les attentes des consommateurs. Cette dernière permet de suivre un panel de 1 000 chefs de ménages partout au Canada, afin de recueillir leurs prévisions quant à l’évolution de leur situation financière (difficultés liées à l’inflation, perte d’emploi, etc.). Les nouvelles questions demandaient à cet échantillon d’identifier les boulots à la pige occupés au cours des deux dernières années.
Les réponses ont permis de découvrir que, durant les trois derniers trimestres de 2018, 30 % des répondants canadiens occupaient un boulot à la pige (27 % au Québec). Plusieurs de ces répondants prévoyaient perdre leur emploi régulier dans un avenir plus ou moins rapproché et la pige leur servait donc de garde-fou financier sur lequel se rabattre si leur emploi venait bel et bien à disparaître.
Les réponses ont aussi permis de découvrir que 58 % de ceux qui occupent des boulots à la pige sont des jeunes de 24 ans ou moins. Ces boulots sont en fait la source principale de revenus de 42 % d’entre eux. Or, seulement 24 % des travailleurs de 55 ans et plus qui occupent un boulot semblable en tirent leur revenu principal. Pour plusieurs des aînés, la pige est plutôt une façon de rester occupé.
Finalement, les travailleurs à temps partiel sont plus nombreux parmi ceux qui occupent également un boulot à la pige, soit 46 % d’entre eux. Ce n’est le cas que de 29 % des «pigistes» qui occupent aussi un emploi régulier à temps plein. Les travailleurs à temps partiel ont évidemment plus de temps, mais ont aussi besoin de la pige pour combler leurs revenus.
Comme la grande majorité des «pigistes» rapportent qu’ils échangeraient leurs petits boulots pour en emploi plus régulier et plus stable, j’en conclus que, malgré tout ce qui se dit, notre économie ne produit pas assez d’emplois pour tous.