Une entente bidon
Le gouvernement a essayé d’entortiller les étudiants avec une entente bidon. Si la grève continue, il n’aura que lui-même à blâmer. Dimanche, je n’en croyais pas mes oreilles. Non seulement le gouvernement et les étudiants étaient-ils parvenus à une entente, mais ces derniers avaient également réussi à se négocier une place sur le futur Conseil provisoire des universités. D’après l’entente, le mandat de ce Conseil sera d’identifier des économies récurrentes pouvant être dégagées de la gestion financière des universités. Ces économies devaient être refilées aux étudiants sous la forme d’une réduction des frais afférents d’abord, puis des frais de scolarité ensuite, dans la mesure où elles s’avéreraient suffisantes.
Du moins, c’est ce que les étudiants disent avoir compris lors des négociations. Ils ont alors fait le pari qu’il était tout à fait possible de réduire les dépenses des universités de sorte que la hausse des frais de scolarité devienne inutile. Malheureusement, quand c’est trop beau pour être vrai, ça l’est souvent.
En effet, une fois mise sur papier, l’entente ne dit rien du tout d’une réduction potentielle des droits de scolarité. Elle ne parle que de celle des frais afférents, c’est à dire des frais que les étudiants doivent payer pour couvrir les dépenses autres que celles liées à l’enseignement : frais d’administration, frais technologiques, frais pour le centre sportif et ainsi de suite. Ces frais peuvent représenter 20 % ou 25 % de la facture annuelle des études.
Les étudiants ont pris conscience qu’ils se sont fait avoir, et plusieurs associations étudiantes ont refusé d’entériner l’entente. Il y a donc de fortes chances que la grève continue, et le gouvernement n’aura que lui-même à blâmer.
Il est maintenant clair que ni le premier ministre ni la ministre de l’Éducation ne voulaient vraiment négocier avec les étudiants. Ils ont plutôt essayé de leur en passer une «petite vite», comme on dit si bien. En acceptant la création du nouveau Conseil, ils ont laissé croire aux étudiants qu’ils pourraient exercer une influence sur la gestion financière des universités. Or, les étudiants seront minoritaires sur ce Conseil, comme ils le sont sur les autres instances universitaires auxquelles ils participent. Déjà, les universités ont annoncé clairement qu’elles ne peuvent concevoir comment il serait possible de réaliser quelque économie que ce soit dans leur fonctionnement. Dans ce futur Conseil, toute proposition faite par les étudiants pour réduire la facture recevrait sans doute une fin de non-recevoir. Il suffirait aux recteurs et au ministère de présenter quelques analyses plus ou moins bien ficelées pour justifier leur position et de voter contre toute proposition étudiante.
Line Beauchamp leur a donc offert ce beau château en Espagne pour les convaincre de retourner en classe et de reporter aux calendes grecques la question épineuse des frais de scolarité. L’échec de cette stratégie, à la fois méprisante et machiavélique, ne devrait surprendre personne.