Les quartiers TOD sont efficaces? Assez vrai
Expression chère aux urbanistes, l’approche Transit-oriented development, ou TOD, est souvent présentée comme une panacée, autant pour réduire l’étalement urbain et limiter les déplacements en voiture que pour faciliter le recours aux transports en commun. À tort et à raison, nuance le Détecteur de rumeurs.
Qu’est-ce qu’un quartier TOD ?
Le Transit-oriented development (TOD), ou développement axé sur le transport en commun, est avant tout une manière d’articuler le développement immobilier et la croissance des villes autour des transports en commun.
Les projets étiquetés TOD sont des zones de moyenne à haute densité de population (plus de 40 logements à l’hectare) structurées autour de gares de train, de stations de métro et d’arrêts d’autobus.
Les habitants de ces collectivités vivent à distance de marche (moins de 1 km) de ces pôles de mobilité, mais aussi des commerces, espaces publics et autres lieux d’emplois et de services.
Un vieux concept
L’approche TOD a été créée au début des années 1990 par l’urbaniste américain Peter Calthorpe. Le concept que ce dernier a alors imaginé repose sur quatre principes fondamentaux.
- La croissance d’une ville doit tout d’abord s’appuyer sur les axes structurants de transport en commun.
- La ville doit naturellement favoriser les transports actifs grâce à la densification et à la mixité des usages.
- Elle se doit d’être à « échelle humaine », ce qui veut dire parsemée d’espaces publics nombreux, variés et de qualité.
- Ses quartiers doivent être de véritables milieux où il fait bon vivre, et non uniquement des projets immobiliers.
Dans les faits, les villes se sont essentiellement bâties de cette manière à travers l’histoire de l’humanité, pour des raisons évidentes d’efficacité, et ce, jusqu’au milieu du 20e siècle. Ce qui a changé les choses a été la démocratisation de l’automobile, qui a mené à l’explosion des banlieues.
L’approche TOD peut donc être perçue comme une remise au goût du jour de vieux principes, dans le but de freiner les dérives occasionnées par un modèle récent d’urbanisme basé sur la voiture.
Des bénéfices bien réels aux quartiers TOD
Au Québec, la vision TOD transparaît dans les planifications d’urbanisme de plusieurs municipalités, surtout dans la grande région de Montréal. En 2015, la Communauté métropolitaine s’est en effet dotée d’un plan qui prévoit que 60 % des nouveaux ménages de son territoire seront logés dans des aires TOD d’ici 2031.
Une poignée de projets immobiliers autour de la métropole se réclament déjà de l’aménagement axé sur le transport collectif — quartier Pointe-Nord à L’Île-des-Sœurs, le TOD de la gare de Candiac, etc.
L’approche TOD permet en théorie d’atteindre plusieurs objectifs simultanés, notamment en matière environnementale. Par exemple, la réduction des déplacements automobiles au bénéfice de ceux réalisés en transport en commun — ou aux piétons et cyclistes — se traduit évidemment par une diminution des émissions de gaz à effet de serre et une amélioration de la qualité de l’air.
Les impacts de ce type de développement ont fait l’objet d’au moins 300 recherches, selon une revue de la littérature parue en 2020. Il semble que l’aménagement de quartiers TOD se traduise par une hausse de l’utilisation des transports en commun par les résidents du quartier, de même que par une augmentation du prix de l’immobilier. On parle aussi d’impacts positifs sur l’économie, le bien-être, les interactions sociales. Toutefois, comme la densification qui s’ensuit peut s’étaler sur des années, ces impacts prennent parfois du temps à se manifester ou peuvent être difficiles à mesurer par les chercheurs.
Quelques critiques
Si plusieurs développements immobiliers se réclament de l’étiquette TOD, tous ne répondent pas stricto sensu aux critères tels que définis par Calthorpe et les premiers penseurs. Des choix d’aménagement urbain, comme la proximité d’un grand centre commercial, qui génère des déplacements automobiles, ont ainsi été critiqués.
L’embourgeoisement résidentiel et commercial est également un risque. Le fait de ne pas prendre en compte les besoins et attentes des populations déjà en place peut en effet mener à une flambée des prix de l’immobilier, rendant les nouveaux logements moins accessibles aux ménages moins aisés. La solution à ce problème serait d’allouer une portion de tout nouveau développement TOD à des résidences à prix abordable.
Le dernier bémol a souvent été sous-estimé depuis les années 1990 : l’idéal du TOD se heurte à notre forte dépendance à l’automobile. Si on ajoute à l’équation une offre de transports collectifs insuffisante, on peut en arriver à un statu quo difficile à changer.
Verdict
L’aménagement axé sur le transport collectif permet bel et bien de relever plusieurs défis urbains propres au 21e siècle. Mais encore faut-il que les conditions nécessaires à la mise en place de quartiers TOD soient réunies.
Une idée qui a attiré des théories du complot
Étonnamment pour une approche qui relève de l’urbanisme et qui est ancrée dans l’histoire des villes, le TOD est devenu récemment un aimant pour de multiples théories du complot. En particulier, le concept dit de « ville des 15 minutes » — où tous les services essentiels seraient à moins de 15 minutes de marche ou de vélo — a été décrit, notamment dans des vidéos TikTok, comme une forme de confinement, un quartier dont les résidents n’auraient plus le droit de sortir. L’idée d’imposer une tarification aux déplacements automobiles à certaines heures de la journée, discutée ici et là dans le monde, a été transformée, dans l’imaginaire des défenseurs de théories fumeuses, en des barrières interdisant d’entrer et de sortir. Il faut savoir que des villes comme Paris et Montréal ont adhéré il y a des années au concept de « ville des 15 minutes » et que les quartiers TOD s’inscrivent dans cette même tendance qui cherche à réduire les gaz à effet de serre et à ralentir l’étalement urbain.
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