Sébastien Froidevaux: «L’Église a encore un bel avenir»
Le Grand Séminaire de Montréal, où a lieu la formation des futurs prêtres, a été conçu, il y aura bientôt 175 ans, pour recevoir 350 séminaristes. Cette année, signe des temps, seuls 24 jeunes y font leur entrée. Si la religion est moins populaire qu’avant, elle a cependant toujours sa place, croit Sébastien Froidevaux, 33 ans, qui dirige la Fondation du Grand Séminaire. Mais l’Église doit s’adapter.
Quel est le profil des séminaristes en 2014?
Même si la religion n’a pas nécessairement bonne cote dans la société, il y a encore des jeunes qui s’y intéressent et nous accueillons ainsi cette année 24 séminaristes. Leur profil est très varié. Le plus jeune a 23 ans et, l’an dernier, nous avons ordonné quelqu’un de 61 ans! Il n’y a pas de profil type. Même chez les candidats issus de l’immigration, il n’y a pas de tendance qui se dessine. C’est différent chaque année. Nous ne pouvons donc pas affirmer que les Québécois ne s’intéressent plus du tout à la prêtrise.
Quel est le rôle du prêtre en 2014?
C’est de remettre les valeurs humaines à la base, comme la solidarité et l’entraide. On voit beaucoup de monde au confessionnal mais, parfois, c’est simplement que les gens ont besoin de parler à quelqu’un. C’est pourquoi le prêtre doit être proche des gens. Elle est finie, l’époque où tout était péché et où le prêtre était vu comme un dieu. Il faut rejoindre les gens dans la société, s’intéresser à ce qu’ils vivent.
Comment l’Église peut-elle se rapprocher de la société, et des jeunes en particulier?
Pendant un bon moment, l’Église n’a pas su bien communiquer. Ternie par de grands scandales, elle n’a pas su montrer ce qui se passe de bon dans le monde catholique. Oui, il y a un déclin de la religion, mais il se passe quand même de belles choses. Il faut montrer cette image plus sereine. Pour ce qui est des jeunes, ils ne se reconnaissent peut-être plus dans la messe dominicale, mais ils sont très interpellés par des projets d’entraide avec les gens de la rue ou des prisonniers, par exemple. La plupart des jeunes manquent de repères, et l’Église peut leur en donner et amener chez eux du respect et de la dignité. Des gens de tous les horizons ont besoin d’aide en 2014. Parfois, malgré d’autres services d’aide offerts ailleurs, ils ne trouvent le calme et des repères qu’à l’église.
L’Église n’est-elle pas déconnectée des valeurs et des choix de société québécois?
Je ne pense pas. L’Église prône le respect de la personne. C’est sûr qu’il y a eu, à une époque, une mainmise de l’Église. Il y a eu quelques générations qui ne voulaient plus rien savoir de la religion. Mais je crois qu’elle revient gentiment. C’est à nous de montrer que l’Église n’est plus celle que nous avons connue. Elle se reconstruit. Elle fait partie de la société et elle a un bel avenir, même au Québec.
Mais tout de même, sur des questions précises comme l’homosexualité ou l’avortement, les tensions demeurent. Le Vatican devra-t-il inévitablement moderniser ses positions?
Par rapport à l’homosexualité ou à l’avortement, l’Église peut offrir de l’accompagnement. Il faut cheminer avec ces gens-là. Quand on dit non à quelque chose, il faut, en tant que catholique, se demander ce qu’on peut offrir.
Je repose la question: est-ce qu’il y a des prises de position de l’Église qui devront changer?
Le changement prend du temps dans l’Église. Il faut accueillir les réflexions. L’Église doit se révolutionner et être plus consciente de ce qui se passe dans le monde. C’est ce qu’on voulait avec Vatican II. Cinquante ans après, il y a des choses qui n’ont pas encore été faites. Il faut se poser les bonnes questions par rapport à ce que la société attend de la religion et du monde catholiques. Peut-être qu’on arrivera un jour à des changements de position. Tout ça prend du temps. Le pape François est peut-être en train de faire bouger les choses. Peut-être verrons-nous une division différente du pouvoir afin que tout ne soit pas concentré au Vatican. Il y a une réorganisation à penser.
Qu’est-ce que le règne de François va changer?
Il y a déjà une cassure avec le pape Benoit XVI, qui était beaucoup plus intellectuel. François touche les gens avec les gestes qu’il pose. C’est la simplicité et l’humilité de cet homme qui touchent les croyants, et même les non-croyants. C’est le pape qu’il nous faut présentement pour montrer que nous sommes présents dans la société.
Peut-on parler, à votre avis, d’une mini-révolution?
Un changement s’opère. On le voit avec les cardinaux qu’il a déjà nommés. Il y a de nouvelles réflexions qui se font. Il peut faire souffler un vent nouveau. On peut donc parler, en effet, d’une petite révolution.