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Quand une femme autochtone reprend son destin en main

Kyra lutte désormais contre la traître d'êtres humains et l'exploitation sexuelle auprès des victimes et en sensibilisant la population aux côtés du SPVM
Kyra lutte désormais contre la traître d'êtres humains et l'exploitation sexuelle auprès des victimes et en sensibilisant la population aux côtés du SPVM Photo: Gracieuseté/Kyra

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, Métro est allé à la rencontre de Kyra, une femme inuite et mohawk de 33 ans. Cette mère de deux enfants vivant dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, incarne ce qu’est d’être résiliente face à une vie semée de tragédies.

Depuis la séparation tragique avec sa mère biologique jusqu’au jour de son kidnapping, Kyra n’a jamais baissé les bras ni renoncé à sa passion pour les chevaux. Cette dernière lui a permis de rester en vie face aux épreuves que la vie lui réservait.

La vie n’aura pas épargné Kyra, qui, dès la naissance, s’est vue enlevée à sa mère biologique. Elle explique avoir été retirée à sa mère dans le cadre de la rafle des années soixante, une politique gouvernementale qui a conduit à l’enlèvement massif d’enfants autochtones à leurs parents, pour ensuite, être adoptés par des familles de classe moyenne.

«Chacun de ses enfants lui a été enlevé à la naissance, lance Kyra. Ma mère a perdu la tête après la naissance de ma plus jeune sœur […] c’est comme avoir trois décès sans pouvoir en faire le deuil, car aucun décès n’est vraiment arrivé.»

Il y a sept ans, la jeune femme apprend que sa mère a été retrouvée morte dans la rue alors qu’elle essayait de se sortir de la précarité dans laquelle ses traumatismes l’avaient plongée.

«La plupart des familles d’immigrants, ici, travaillent dur et, après une génération, ils ne sont plus dans la pauvreté, dit-elle. Pourquoi après cinq ou six générations, nous, les Premières Nations, on est encore dans cette pauvreté à se battre contre l’itinérance?» se demande-t-elle.

«Je sais que juste le fait d’être une femme autochtone vient avec son lot de défis et que ce ne sera pas facile pour le reste de ma vie, car je vais devoir mettre dix fois plus d’effort pour survivre et y arriver», explique-t-elle.

De foyer en foyer

Après avoir été agressée sexuellement dans sa première famille d’adoption, Kyra est placée dans une famille dans l’ouest de l’île de Montréal, où elle restera une dizaine d’années. Au sein de cette maison, elle trouvera une stabilité et un endroit pour une vie normale.

À la suite du décès de sa mère adoptive et de l’arrivée d’une belle-mère qui, selon Kyra, voulait se débarrasser d’elle, la jeune fille se retrouve placée à l’Hôpital de Montréal pour enfants, puis les foyers pour jeunes s’enchaînent.

Pendant ces longues années, elle est confrontée à la violence des autres jeunes et à l’autorité illégitime et abusive exercée par les surveillants d’établissement, avec qui les relations sont toxiques.

Kyra explique qu’elle aurait été agressée sexuellement par un employé d’un foyer sans qu’aucune mesure ne soit prise pour la protéger.

«J’ai été sexuellement abusée par un employé de l’équipe de nuit et quand je l’ai dit à l’équipe de jour, ils ne m’ont pas crue, explique Kyra. J’ai gardé ça pour moi pendant 14 ans.»

À 17 ans, elle quitte ce qui sera son dernier foyer avec une autre jeune fille qui se serait avéré être, contre son gré, une recruteuse pour des trafiquants d’êtres humains.

Alors qu’elle pensait enfin découvrir la liberté, elle se serait fait kidnapper et séquestrer pendant de longs mois par un groupe criminel.

«La première fois que j’ai voulu m’enfuir, je me suis fait frapper […] il y avait toujours cinq à six gars autour de moi, explique Kyra. On m’a mis un pistolet sur la tête plusieurs fois […] J’ai vu des filles se faire frapper et violer devant moi, une d’entre elles s’est fait battre et je n’ai plus jamais entendu parler d’elle […] Je venais juste d’avoir 18 ans», raconte-t-elle.

Son calvaire s’arrête le jour où elle réussit à s’échapper et à trouver secours dans un commerce avoisinant. Elle utilise désormais le nom de Kyra pour ne pas être identifiée et retrouvée par ses ravisseurs.

Une passion pour les chevaux salvatrice

Grâce à l’héritage de son père adoptif, décédé peu de temps après son départ, Kyra a pu continuer à nourrir sa passion pour les chevaux. Juste avant son enlèvement par le groupe criminel, elle obtient un certificat pour pouvoir enseigner l’équitation aux enfants ayant des besoins spéciaux.

C’est dès l’âge de 3 ans que Kyra commence l’équitation; Photo: Gracieuseté/Kyra

«Quand j’étais petite, je savais que je voulais travailler avec les chevaux […] Pour ma santé mentale, les chevaux m’amènent de la paix, explique Kyra. Si je n’avais pas eu cette passion pour les chevaux et mes enfants, je ne pense pas que je serais en vie aujourd’hui».

Après avoir été éloignée de sa passion par un ex-mari abusif, elle veut désormais mettre à jour ses compétences et attend avec impatience que commencent les enseignements pour obtenir un certificat de thérapie équine.

Un regard optimiste vers l’avenir

Dans l’avenir, Kyra souhaite ouvrir son propre centre équestre et y construire des serres pour y faire pousser des légumes frais destinés à des personnes autochtones et d’autres communautés marginalisées dans le besoin.

Désormais, Kyra est impliquée dans la lutte contre le trafic d’humains et l’exploitation sexuelle. Elle intervient auprès de victimes dans le cadre du programme Les Survivantes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Elle donne aussi des conférences aux étudiants en médecine pour les sensibiliser à la condition des femmes autochtones.

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