Un conseiller dans la rue

Vivre dehors, comme un itinérant, le conseiller de Verdun Sterling Downey connaît. Depuis trois ans, il passe une semaine au centre-ville dans le cadre de l’événement «Cinq jours pour les sans-abris», qui vise à amasser des fonds pour des organismes venant en aide aux gens dans la rue. Cette année, le défi a été beaucoup plus ardu puisque confronté aux éléments d’une météo peu clémente.
M. Downey a passé la majeure partie de la nuit de mardi, en pleine tempête de neige, au coin de la rue MacKay et du boulevard de Maisonneuve. «Ça nous fait réaliser ce qu’ils vivent vraiment, bien qu’on n’ait pas du tout la prétention de reproduire exactement leurs conditions de vie. Eux n’ont pas de sac de couchage ou de manteau d’hiver aussi performants que nous», fait-il valoir.
Comme plusieurs sans-abris qui ne trouvent pas de place dans un refuge les soirs de tempête, il a multiplié les efforts pour se garder au chaud.
Au-delà des statistiques
L’objectif premier des bénévoles qui se rassemblent depuis dix ans pour prendre part à cette campagne vise d’abord à sensibiliser le public, pas de vivre une expérience immersive. Mais le conseiller Downey voit tout de même dans ces journées un apprentissage important pour son travail, puisqu’il est également porte-parole de l’opposition en matière d’itinérance.
En plus de recueillir des vêtements et de l’argent pour l’organisme Dans la rue et le refuge pour femmes Chez Doris, ces jours passés à l’extérieur lui servent à mieux comprendre et interpréter les rapports qu’il doit lire dans le cadre de ses fonctions.
«Les gens deviennent vite des chiffres, des numéros. En partageant ne serait-ce que quelques heures leur quotidien, ça m’aide à trouver des solutions et à voir au-delà des statistiques», soutient-il.
Pour l’élu, tous ceux qui sont responsables du dossier concernant les itinérants à Montréal devraient passer une vingtaine d’heures dans cette situation. Ils comprendraient mieux l’importance des haltes-chaleur et même certains enjeux comme la privatisation du centre-ville.
«C’est un problème grandissant. Plus les terrains anciennement occupés par des sans-abris sont privatisés, plus on éloigne les itinérants du centre-ville. Mais ce n’est pas sans conséquence, puisque ça les sépare également des ressources qui sont en place pour eux et de leur réseau», croit M. Downey.
Un sourire qui fait du chemin
Pour trouver des solutions efficaces, le conseiller croit qu’il faut prendre en considération la multiplicité des histoires, des trajets et des problèmes des itinérants. «C’est un cocktail de solutions qu’il faut parce que les femmes, les autochtones, les jeunes garçons, les vétérans, personne ne vit les mêmes difficultés dans la rue», affirme M. Downey.
En discutant avec plusieurs d’entre eux, il a toutefois constaté un point commun, un besoin que chaque Montréalais peut aider à combler: la solitude.
«À force d’être ignorés, ils se sentent isolés, même dans une foule. C’est très blessant et ça complique le chemin du retour en société. Il suffit de les regarder, leur sourire, leur répondre pour les aider.»
M. Downey rappelle que les sans-abris ne sont pas nés dans la rue. Ils sont d’abord et avant tout des filles, des pères, des frères qui, eux aussi, ont droit à un peu d’attention et de dignité.