Coronavirus : la vulnérabilité de Montréal-Nord sous la loupe de la Santé publique
Les autorités de la Santé publique de Montréal envisagent d’effectuer une intervention ciblée à Montréal-Nord afin de freiner la hausse fulgurante des cas de coronavirus. La surreprésentation de la pauvreté dans le secteur rend plus difficile de s’y défendre contre les maladies contagieuses.
Selon les plus récents chiffres de la Direction régionale de la santé publique (DRSP), avec un total de 722 cas répertoriés, Montréal-Nord a dépassé Outremont et est désormais le deuxième arrondissement affichant le plus haut taux d’infection par 100 000 personnes (857,1) derrière Côte-Saint-Luc (973,9).
En réaction à cette tendance inquiétante, la DRSP envisage une stratégie spécifique pour le quartier. «Nous rencontrons les principaux acteurs (élus) et décideurs du quartier avec le portrait demain (mercredi) et nous déterminerons la pertinence d’une intervention ciblée dans le quartier de Montréal-Nord», a indiqué le conseiller aux relations médias Eric Forest par courriel.
Ce dernier a également annoncé qu’un portrait «plus détaillé de la situation de la COVID-19 avec les données disponibles» allait être rendu public demain.
La semaine dernière, la députée de Bourassa-Sauvé Paule Robitaille avait déploré le peu d’informations disponible sur la situation dans son secteur, durement touché par la contagion.
La pauvreté met à risque
Pour le professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et chercheur au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal Grégory Moullec, «une grande partie de l’explication» derrière ces chiffres pourrait être la pauvreté, qui est surreprésentée dans le secteur.
«Les facteurs structurels comme le logement et leur condition sont extrêmement importants, explique-t-il. Je pense aux immeubles et aux HLM où il y a des logements plutôt précaires. La promiscuité y est importante et c’est sûr que, l’espace de vie étant plus limité, la contagion est plus élevée.»
Autre facteur aggravant, les personnes qui habitent dans les quartiers défavorisés sont plus souvent des travailleurs de première ligne.
«Il y a une surreprésentation des personnes dont les emplois ne permettent pas toujours de travailler à distance, affirme M. Moullec. Ce sont des emplois plutôt précaires qui les exposent au risque d’être contaminé.»
Ce phénomène qui met en relief les inégalités sociales peut également s’observer ailleurs dans le monde, en période de pandémie. Dans la ville de New York, une carte produite par les autorités sanitaires montre une corrélation entre les zones les plus touchées par la contagion et les quartiers les plus défavorisés de la métropole américaine.
Santé précaire et complications
M. Moullec insiste sur un autre point inquiétant, celui de la santé précaire d’une population défavorisée.
« Il y a une littérature scientifique très riche là-dessus. La moins grande accessibilité aux soins, à la nourriture de qualité, à l’activité physique sont des facteurs qui rendent plus à risque de développer des maladies chroniques et donc de développer des complications de la COVID-19 et d’être admis aux soins intensifs, dit-il. C’est là où il y a un double fardeau pour les quartiers défavorisés».
Le luxe de la distanciation sociale
L’organisme Un itinéraire pour tous confirme que les mesures de distanciation sociale sont particulièrement difficiles à mettre en place dans le secteur nord-est, le plus défavorisé de l’arrondissement.
«Le nord-est est un petit territoire, qui est densément peuplé, avec des immeubles vétustes, explique son directeur, Ousseynou Ndiaye. On risque de retrouver les gens à l’extérieur et ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas respecter les consignes, mais c’est parce qu’ils n’ont pas de bonnes conditions de vie.»
M. Ndiaye croit primordial que des solutions alternatives soient trouvées pour aider les citoyens du quartier à se protéger. «On pourrait peut-être doter la communauté de masques et d’autres choses pour l’aider», suggère-t-il.