Une croix « patrimoniale » divise le conseil de RDP-PAT
Des artefacts religieux, dont une croix en fer forgé, seront installés à l’entrée de la Maison du citoyen, un ancien couvent transformé en immeuble municipal dans lequel siègent les élus de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles. Le conseil d’arrondissement a adopté une motion en ce sens malgré l’opposition de la mairesse Caroline Bourgeois, qui y voit un accroc au principe de la laïcité.
Soutenue par une majorité de conseillers, la motion a été acceptée lors de la dernière séance du conseil d’arrondissement. La mairesse s’y est toutefois opposée.
«Je prends acte du vote du conseil», assure Caroline Bourgeois. Cependant, elle regrette que «dans un débat de laïcité où des actes forts ont été pris par le conseil de ville de Montréal et à l’Assemblée nationale en retirant les crucifix, nous à l’arrondissement de Rivière-des-Prairies – Pointe-aux-Trembles, on remet une croix à l’entrée […] Tout le monde doit être à l’aise en entrant dans la Maison du citoyen», déclare la mairesse.
La statue et la croix de fer se trouvaient sur le terrain qui accueillait le couvent des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, avant que la Ville n’en fasse l’achat en 2011 pour y aménager la Maison du citoyen. Entre temps, la statue de Marguerite Bourgeoys a été vandalisée, puis restaurée avant d’être remisée dans l’église Saint-Enfant-Jésus où elle siège toujours.
C’est une manière «de remettre l’histoire à sa place», explique la conseillère Suzanne Décarie, qui y voit son «leg pour Pointe-aux-Trembles». Elle avait d’ailleurs soutenu une demande de l’Atelier d’histoire de la Pointe-aux-Trembles (AHPAT) au printemps 2019, devant le conseil municipal, en vain. En 2017 aussi, une demande en ce sens avait été refusée par l’administration de l’ancienne mairesse Chantal Rouleau.
Patrimoine
La croix qui sera installée prochainement est une reproduction conçue en 2009. L’originale, forgée en 1690, avait été volée en 2004.
«C’est difficile d’exposer cet artefact […] il n’a pas la même valeur historique et patrimoniale, soutient la mairesse Bourgeois. Si elle avait été originale, j’aurais pu [voter en faveur de la motion], à la limite ».
Un argument que réfute l’abbé Maurice Vanier, prêtre retraité et ancien maire de Pointe-aux-Trembles. «Dire que la croix n’est pas un artefact authentique est faux! Les ailes du moulin de Pointe-aux-Trembles ont été reconstituées, est-ce que ça enlève le côté historique du moulin ?», demande-t-il.
«Toute son histoire [de Pointe-aux-Trembles] est catholique. Historiquement, ce bâtiment [le couvent devenu la Maison du citoyen] était un bâtiment avec une congrégation religieuse qui faisait de l’enseignement confessionnel», insiste-t-il.
Contacté par l’Avenir de l’Est, le Mouvement laïque québécois (MLQ), regroupement qui milite pour la laïcisation de l’État, dénonce la décision du conseil d’arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles d’installer une croix. Selon sa présidente, Lucie Jobin, apporter un élément religieux comme une croix dans un bâtiment public «où tous les citoyens peuvent se présenter» est une manière «de faire du prosélytisme religieux», peu importe la valeur patrimoniale de l’objet.
Le MLQ, avait entre autres obtenu gain de cause devant la Cour suprême du Canada pour forcer l’hôtel de ville de Saguenay de cesser les prières et de retirer tout signe religieux dans les salles où les conseillers municipaux se réunissaient.
La statue de Marguerite Bourgeoys, la croix et la plaque commémorative devraient, selon la motion entérinée, être installées au courant de l’année 2020 dans la Maison du citoyen de Pointe-aux-Trembles.
Des dates pour comprendre
1690
Le Couvent de Pointe-aux-Trembles est fondé, c’est la première école pour les filles de Pointe-aux-Trembles. La même année où la croix de fer a été forgée. Après avoir été reconstruit plusieurs fois, il part en flammes en 1922. En 1924, un 4e couvent est inauguré.
1959
Un monument commémoratif est inauguré en l’honneur de Marguerite Bourgeoys, contenant une statue à son effigie et la croix de fer forgé en 1690.
1975
Les sœurs se retirent de l’enseignement.
2004
Le monument commémoratif de 1959 est vandalisé, la croix est dérobée et ne sera jamais retrouvée.
2009
Les sœurs quittent définitivement le couvent. Cette même année, un étudiant en métiers d’art de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île forge une nouvelle croix qui sera bénie.
2011
La Ville, intéressée par le terrain, l’achète en 2011 pour y construire la maison du citoyen qui sera inaugurée en 2016.