L'apport des Haïtiens au Québec sous la loupe
« Sak Pase c’est un mot créole qui veut dire “comment ça va?”. Mais si tu le traduis littéralement, ça veut dire “qu’est-ce qui s’est passé?” », explique-t-il.
Son film, qui est d’une durée de 46 minutes, est en fait divisé en trois volets. « Dans le premier épisode, je parle de l’intégration de notre communauté dans la société québécoise », dit-il. Son film se veut d’ailleurs une suite de sa première œuvre cinématographique appelée également Sak Pase?, créée en 1986.
« Il y avait à ce moment-là à Montréal un mouvement qui s’appelait MAS [Mouvement haïtien solidarité]. C’était un groupe de résistance à la dictature, raconte-t-il. Je leur avais proposé de faire un film sur la communauté haïtienne et l’émergence de ce groupe-là.
« À l’époque, les Haïtiens qui venaient ici étaient là pour travailler, faire de l’argent et retourner dans leur pays. »
Le nouveau Sak Pase, réalisé en 2007, se voulait donc une façon de revoir l’intégration des Haïtiens, mais 20 ans plus tard. Selon le cinéaste, les Haïtiens québécois forment une communauté remarquablement bien intégrée à leur société d’accueil.
« On n’a pas eu à demander aucun accommodement raisonnable parce que nous sommes catholiques, francophones. On est animés par ce souci politique d’autodétermination. »
Dans un autre volet de ce même film, M. Boisrond « parle de la contribution de la communauté haïtienne à la société québécoise qui est devenue moderne ». C’est, entre autres, à ce moment qu’il fait vraiment interagir plusieurs professionnels haïtiens.
Ce premier épisode—il y en aura trois—se termine avec un volet intitulé « Haïti, le rêve du retour ». Il s’agit d’aborder la nostalgie qu’ont les immigrés pour une terre qu’ils n’ont jamais vraiment quittée dans leur cœur.
« C’est pas réaliste parce que tu rentres ici, tu travailles pendant des années, tu te fais un fonds de retraite, tu t’achètes une maison, et tout à coup, tu voudrais retourner en Haïti? C’est pas gagnant-gagnant, laisse-t-il entendre.
« Ce que j’aimerais que les gens retiennent de ce film, c’est que nous sommes là pour rester, parce que nos enfants sont nés ici et tout ce qu’ils connaissent c’est le Québec. Malgré qu’ils demeurent viscéralement attachés au pays de leurs ancêtres. »
Rivière-des-Prairies dans la peau
M. Boisrond est arrivé au Québec en 1970, à l’âge de 13 ans. Sa famille fuyait alors le régime répressif du président François Duvalier, appelé « Papa doc ». D’abord installés à Montréal-Nord, ses parents ont tôt fait d’adopter Rivière-des-Prairies, un quartier que le cinéaste habite toujours.
« Je suis vraiment un Prairivois pure laine, lance-t-il fièrement. C’est à partir de là que mon sentiment d’appartenance pour Rivière-des-Prairies s’est dessiné. »
M. Boisrond a effectué des études en communication et en cinéma avant de fonder sa propre boîte de production, FRAP-TEK cinéma et communications.
Cofondateur du festival Vues d’Afrique, il s’est beaucoup impliqué au sein des organismes communautaires du quartier dans les années 1990 en plus de soutenir quelques politiciens locaux.
N’ayant jamais abandonné le milieu cinématographique, il compte encore de nombreux projets, comme les deux derniers morceaux de sa trilogie amorcée en 2007 avec Sak Pase?.
Les prochains épisodes devraient d’ailleurs s’attarder aux phénomènes des gangs, aux succès des Haïtiens et à l’entreprenariat.
« Je veux que nous nous projetions l’image qu’on se fait de la communauté haïtienne, affirme-t-il. C’est très important pour nous et pour notre progéniture.
« Moi, j’aimerais avoir un gros succès collectif pour notre communauté […]. J’aimerais ça qu’on ait une grande entreprise, pas seulement de petits commerces. […] On a les ressources humaines pour le faire, mais on n’a pas encore une idée assez forte pour rallier toutes les personnes pour le faire. »
Le documentaire Sak Pase?: Au cœur de la communauté haïtienne sera présenté au centre récréatif Rivière-des-Prairies (7650, boulevard Maurice-Duplessis), le jeudi 23 février, à 18 h.