Sur les traces des Canadiens noirs
À la recherche de ses origines, l’artiste prairivoise Martine Chartrand a suivi la trace de Macpherson, le héros de la chanson de Félix Leclerc, pour finalement découvrir l’histoire de la richesse du multiculturalisme.
«Mon film “Macpherson” est un portrait différent de celui de notre poète Félix Leclerc et montre que des hommes et des femmes de cultures différentes ont habité le territoire depuis les débuts. En se rencontrant, ils se sont métamorphosés pour devenir encore plus poètes», affirme l’artiste.
L’influence de Macpherson
Durant toute son enfance, Mme Chartrand a été habitée par les paroles de la chanson «Macpherson» de Félix Leclerc: «Quand le Noir s’est vu au large tout seul avec sa bouée d’éternité qui lui jazzait au nez […] Les chaînes arrachées […]», fredonne la peintre.
Ce n’est toutefois que vers l’âge de 12 ans qu’elle a réalisé que ce héros avait la peau noire.
«Le fait d’être différente ne m’a jamais dérangée. Par contre, je trouvais qu’il n’y avait pas assez de référence positive noire dans les livres et au cinéma. Pour moi, Macpherson a été le premier héros noir du Québec et je me suis dit que, peut-être, j’étais de sa famille», raconte-t-elle.
Si l’artiste n’a finalement pas de lien de sang avec le Jamaïcain, à force de recherches, elle s’est tout de même taillé une véritable place dans sa famille, comme le héros s’était taillé une place dans la famille Leclerc.
«À partir de ce moment-là, j’ai compris qu’il y avait eu des Noirs au Québec et qu’ils ont contribué à former le pays, alors je trouvais ça important d’en parler», dit l’artiste.
Mme Chartrand estime que les Noirs ont été occultés de l’histoire du Canada qui a été écrite par ceux qui possédaient les esclaves, soit des ecclésiastiques et des notables.
Elle juge d’ailleurs que plusieurs membres de familles québécoises, comme les Trottier, les Desrosiers et les Leduc, ignorent qu’ils ont des Noirs parmi leurs ancêtres.
«Je crois que c’est important pour tous les jeunes du Québec de se rendre compte qu’on s’influence mutuellement. C’est vraiment un métissage fabuleux», affirme l’artiste.
L’histoire de Macpherson, l’histoire des Noirs
Comme Félix Leclerc l’a fait dans sa chanson, Mme Chartrand a voulu illustrer cela dans son œuvre. Dans son animation «Macpherson», elle est retournée à la source de sa quête identitaire.
Par des images colorées, elle raconte l’histoire de la rencontre entre Félix et Frank Randolph Macpherson, dans les années 1930, en s’inspirant des paroles de la chanson du poète.
En 1917, Macpherson a quitté sa Jamaïque natale pour immigrer au Québec. Après avoir servi dans le Canadian Forestry Corps durant la Première Guerre mondiale, le jeune homme a obtenu un diplôme d’études supérieures en ingénierie chimique à l’Université McGill.
Il a alors été embauché par la compagnie de pâte et papier Wayagamack de Trois-Rivières.
C’est à cette époque qu’il a rencontré Félix Leclerc.
«Lorsque Félix était adolescent, Frank est arrivé avec un pain chez les Leclerc parce qu’il voulait écouter la jeune sœur de Félix jouer du piano. Gertrude en avait un peu peur au début, mais ils sont devenus de très grands amis. Il y avait une grande ouverture chez les Leclerc qui ouvraient la porte à un étranger, tous les dimanches, et qui l’ont accepté comme un membre de la famille», raconte Mme Chartrand.
L’artiste explique que le Jamaïcain a grandement influencé le poète.
«C’est Frank qui a dit à Félix de sortir d’ici, de voyager. Félix ne voulait pas partir et devenir chanteur, il voulait être écrivain. C’est parce qu’il est allé en Europe qu’il a connu le succès», raconte Mme Chartrand.
Cette profonde amitié n’a pas empêché Macpherson de s’éteindre seul, à l’âge de 53 ans. Au même moment où Félix remportait le grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros.
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<@CP>(Photo Collaboration spéciale)<@$p>
Pour voir les films de Martine Chartrand, visiter son site.