La tonnellerie à l’air du temps
Tonnelier à temps plein depuis trois ans, Réal Beaudin était présent lors des Journées de la culture au Musée des métiers d’art du Québec (MUMAQ) pour montrer comment fabriquer une barrique. L’artisan témoigne que ses services sont en forte demande, du fait de la multiplication des vignobles et microbrasseries de la province.
Durant le mois de septembre, M. Beaudin a fourni 7 barils de 225 litres, à 800$ chacun. Il a aussi produit 25 fûts de 3 litres au prix individuel de 125$. Un contenant plus grand nécessite près de trois jours de travail.
Des contrats de rénovation de barriques se sont additionnés. «Faire de la réfection, c’est tout nouveau au Québec, alors que c’est longuement établi en France», avance-t-il.
Les parois internes du tonneau développent une couche en raison du contact prolongé avec un liquide. M. Beaudin rabote les plaques de bois — ou douelles — pour que le chêne respire à nouveau et diffuse son goût à la boisson.
Vu le volume du travail, le tonnelier a recruté un apprenti au moment où il s’est lancé pleinement dans son entreprise, «Les fonds de tonnes». La fabrication des barils sur mesure l’amène à côtoyer plusieurs producteurs de boissons.
Le retraité de l’industrie aéronautique a commencé à pratiquer le métier vers 2002, sous la tutelle d’un Sherbrookois d’origine française, Gérard Maratie. Après le décès de ce dernier quelques années plus tard, M. Beaudin a continué son instruction de manière autonome.
«Je ne saurais répondre pourquoi je me suis intéressé à ce métier», avoue l’habitant de Saint-Antoine-sur-Richelieu. Il stipule que son père en est la raison, car celui-ci fabriquait son vin et le jeune Beaudin allait chercher les tonneaux. L’objet et ses propriétés le fascinaient.
Comme la roue
Le tonnelier québécois connaît la technique ainsi que l’histoire de la profession. À l’instar de la roue, la conception ne se réinvente pas, mais s’améliore.
Plusieurs corps de métier existaient autrefois autour du récipient, en raison de son omniprésence dans les villes portuaires. Le contenant était construit en Nouvelle-France pour les denrées alimentaires et non l’alcool. Le royaume de France y interdisait la fabrication des spiritueux, qui devaient être importés.
«Le tonneau circule depuis 5000 ans avant notre ère, juste après l’amphore. Sa forme est restée la même», raconte M. Beaudin.
La beauté de nos vignobles, de nos microdistilleries et microbrasseries, c’est la recherche de l’originalité. Ils ont tous leurs recettes, leurs astuces et leurs secrets.
Réal Beaudin
La profession a connu un déclin vers la fin des années 1700, jusqu’aux années 1850. La demande était si élevée que la production a dû être industrialisée, l’opérateur remplaçant l’artisan.
«Maintenant, la tonnellerie revient», observe M. Beaudin, qui utilise des outils modernes et traditionnels pour assembler ses barriques.
Il raconte que lors d’une visite au premier marché aux puces de l’Histoire, dans la ville de Saint-Ouen en France, il a rencontré une femme qui vendait un rabot au prix de 580$, ce qui l’a surpris. Cet outil permet de retoucher les couvercles d’un tonneau, paradoxalement nommé fonds de tonneau.
La dame a révélé que, derrière un des boulons, se logeait une pièce de lire, l’ancienne monnaie du royaume de France. Un précédent propriétaire y avait caché ses économies. La vendeuse a choisi de laisser la médaille à sa place.
Mythe
Il est souvent présumé que les Gaulois aient inventé le tonneau, bien qu’on trouve des traces de l’objet chez des peuples plus anciens. En revanche, c’est en Gaule que l’usage du chêne a débuté. Ce bois est encore utilisé aujourd’hui, car il permet de fermenter le vin à la vitesse idéale.