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Rénoviction: «On nous traite comme des animaux»

Photo: Guillaume Ledoux / Métro

Chauffage coupé, fuite d’eau depuis un logement inoccupé, menace et détérioration volontaire de l’immeuble: les locataires du 95, boulevard Deguire en voient de toutes les couleurs. Les événements de ce type se multiplient depuis l’acquisition de l’immeuble par un nouveau propriétaire connu pour ses nombreuses rénovictions.

Les 15 locataires de l’immeuble de 77 logements qui demeurent encore dans le bâtiment tentent tant bien que mal de résister à la pression incessante qui est exercée pour les faire partir depuis que l’immeuble a été acheté en avril 2022 par Henry Zavriyev et son entreprise Leyad. Ils sont attachés à leur domicile et ne comptent pas le quitter.

Photo: Guillaume Ledoux / Métro

Une pression incessante

«Pendant plusieurs semaines, ils ont coupé le chauffage. Ça atteignait des températures glaciales dans l’appartement et mon père, des fois, il gèle, mais il ne s’en rend pas compte», témoigne le fils d’un locataire qui était aux prises avec un froid intense pendant plusieurs semaines dans son logement. Son père, M. Jourji, 92 ans, est une personne à mobilité réduite et ne peut pas facilement quitter son logement. «En plus, les ascenseurs sont souvent non fonctionnels depuis avril. Il ne peut pas utiliser l’escalier», témoigne M. Hassoun, un voisin qui a apporté une chaufferette à M. Jourji.

Le locataire du 310, de son côté, a vu son eau courante être presque totalement coupée après l’achat de l’immeuble par le nouveau propriétaire. L’eau de sa cuisine et de son bain est limitée à un débit inutilisable depuis quelques mois.

Le faible débit d’eau du logement 310 est tel depuis juillet 2022.
Photo: Guillaume Ledoux / Métro média

En ce qui concerne l’ensemble des locataires, les services de conciergerie ont été abandonnés, ce qui rend les aires publiques très sales et infestées de souris.

Selon eux, le nouveau propriétaire aurait volontairement abîmé les corridors, en retirant les tapis et planchers sans en installer de nouveaux. Une fuite d’eau depuis un logement inoccupé au 5e étage a aussi affecté tous les logements situés sous ce dernier. Probablement un geste volontaire, croient les locataires. «Les tapis des corridors ont été retirés tout simplement parce qu’il est prévu de remplacer les planchers incessamment», se défend le propriétaire dans un communiqué.

«On vit un stress constant. On nous traite comme des animaux», déplore l’un d’eux. Une dame qui réside depuis plusieurs décennies dans l’immeuble a dû doubler sa dose de médicaments pour la pression artérielle en raison du stress généré par la situation.

L’accumulation de déchets depuis la fin du service de conciergerie.
Photo: Guillaume Ledoux / Métro média

Si des rénovations ont été entamées dans leurs logements, les travaux se sont éternisés «dans le but de déranger le plus longtemps possible», croit l’un des locataires. Les travaux dans sa salle de bain, qui auraient pu durer une à deux journées, se sont étalés sur cinq semaines.

Entre-temps, les locataires reçoivent des offres en argent en échange de leur départ.

Une partie du plancher d’un logement a été retiré dans le but d’en poser un nouveau, mais le sol a été laissé ainsi par le propriétaire.
Photo: Guillaume Ledoux / Métro média

Insalubrité ou obsolescence volontaire?

Ce que le propriétaire veut, il ne s’en cache pas, c’est les faire déménager dans un ses immeubles avoisinants pour avoir libre cours sur les rénovations au 95, boulevard Deguire. Si les locataires y voient une tentative de rénoviction où le propriétaire voudrait seulement rénover l’immeuble pour en augmenter la valeur en vue de louer les appartements beaucoup plus cher, ce dernier soutient dans un communiqué qu’il s’agit plutôt de préserver la santé publique. Ce serait parce que les lieux sont insalubres et nécessitent des «rénovations majeures» que les locataires devraient quitter l’immeuble. Un bluff, affirment les locataires. La seule insalubrité est arrivée à la suite de la détérioration engendrée par les coupures de services et les mauvais travaux du nouveau propriétaire. Les rénovations nécessaires, selon eux, sont mineures.

Un combat kafkaïen

Les plaintes formulées auprès de la Ville par des locataires du 95, boulevard Deguire sont nombreuses. La Ville envoie sporadiquement des inspecteurs, mais rien ne change. Les inspecteurs tentent parfois de convaincre les locataires de «prendre l’argent et partir», disent-ils. «Ils n’ont pas le droit de faire ça. C’est de la manigance», dénonce M. Hassoun, qui juge intolérable le fait que les inspecteurs aient un parti pris pour l’avis du propriétaire.

Le maire de l’arrondissement de Saint-Laurent, Alain DeSousa, affirme qu’il n’y a pas de manigances ni de mot d’ordre à l’intention des inspecteurs qui les pousserait à avoir un parti pris. «Les inspecteurs ont un but: c’est de régler les situations le plus rapidement possible», dit-il.

La Ville a promis aux résidents que l’entreprise Leyad n’aurait pas de permis de rénovation pour l’ensemble de l’immeuble ni pour les logements inoccupés tant que les réparations mineures des logements toujours occupés ne seront pas terminées. Par contre, les locataires affirment que ces rénovations n’avancent pas, le but étant, selon eux, de faire de leurs logements des lieux où il est désagréable de vivre.

Les locataires mentionnent également que malgré l’absence de permis, le propriétaire semble déjà entamer des rénovations illégales dans les logements inoccupés. De plus, la promesse de la Ville serait vaine, selon eux, parce qu’un permis de rénovation serait quand même en train d’être préparé, selon les dires d’un inspecteur, rapportés par les locataires.

Leyad et M. Zavriyev n’ont pas retourné notre demande d’entrevue, nous faisant plutôt parvenir un communiqué de presse résumant leur position.

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