Saint-Léonard: des locataires se mobilisent pour sauver leurs logements
Des locataires d’un immeuble de 22 logements de la rue Jean-Talon Est craignent de perdre leur domicile en raison de ce qu’ils qualifient de tentative de «rénoviction».
En mars, le bâtiment en question a été vendu au groupe Inspire, «une firme d’optimisation et rentabilisation d’immeubles résidentiels» dont la spécialité est de «repositionner et de restaurer des actifs immobiliers pour les transformer en lieux inspirants», selon le site Internet de l’entreprise.
Rapidement après la signature de l’acte de vente, un collaborateur de la compagnie aurait cogné à la porte des résidents afin de remettre une entente de départ à chacun, selon les dires de plusieurs locataires rencontrés lors d’une manifestation qui s’est déroulée devant leur immeuble le jeudi 8 avril.
Consulté par Métro Saint-Léonard, ce document indique que «les parties se donnent quittance complète et total» à partir du 1er juillet 2021. Aucun motif n’y est indiqué.
Les locataires de l’immeuble se disent «choqués» par le procédé employé par le nouveau propriétaire. Ils avancent que la compagnie n’a pas suivi les règles de la Régie du logement et n’a pas envoyé d’avis de fin de bail par courrier recommandé.
«Il m’a dit qu’il y a des problèmes de plomberie, [que les propriétaires] veulent changer la tuyauterie et qu’ils veulent vider l’immeuble. Mais ça me parait bizarre d’évacuer tout l’immeuble juste pour ça», témoigne Abdennacer Bennajah, un résident de l’endroit.
Selon le site du Tribunal administratif du logement, «le locateur d’un logement peut en évincer le locataire pour subdiviser le logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation. Il doit alors donner un avis écrit au locataire. Cet avis doit indiquer la date, le motif de l’éviction et reprendre le contenu de l’article 1959.1 du Code civil du Québec (restriction au droit à l’éviction lorsque le locataire est âgé de 70 ans ou plus). Il doit également être suffisamment précis pour que le locataire soit en mesure d’apprécier pleinement les intentions du locateur et d’en mesurer les impacts. Le locataire peut contester le bien-fondé de cette éviction auprès du Tribunal administratif du logement.»
Un propriétaire peut également demander une évacuation temporaire de plus d’une semaine pour des travaux majeurs. Il doit alors donner un avis qui indique explicitement «le genre de travaux envisagés», «la date du début des travaux et l’estimation de leur durée», «la période d’évacuation» et «le montant offert au locataire à titre d’indemnité afin de couvrir les dépenses (ex.: frais de déménagement, d’entreposage, excédent du loyer payé pour le logement temporaire, etc.)».
Les locataires craignent pour l’avenir
Contacté par la rédaction, Sébastien Gariépy, directeur acquisition et développement du groupe Inspire, n’a pas voulu indiquer quels sont les projets de la compagnie pour l’immeuble.
Interrogé sur l’absence de courrier recommandé, le directeur a indiqué qu’il préférait «les relations humaines.»
«Je me suis déplacé deux fois pour voir tous les locataires afin de chercher des solutions. On est de très bonne foi. On a pris la peine d’aller rencontrer chaque locataire de façon hyper cordiale. C’est sûr que s’il n’y a pas de conciliation à l’amiable on ira à la Régie du logement», a mentionné M. Gariépy.
Situé sur une rue commerçante, entre deux futures stations de la ligne bleue, l’édifice est cher au cœur de ses résidents. Plusieurs d’entre-deux affirment vivre ici depuis 10, 20, voire 30 ans. La majorité des appartements est occupée par des familles avec enfants ou des ainées aux revenus modestes.
Quitter Saint-Léonard
Avec la montée des prix des loyers à Saint-Léonard, ces résidents indiquent qu’ils ne pourraient plus se loger dans l’arrondissement. «Nous louons un cinq et demi pour 800$ par mois depuis plus de 10 ans. J’ai regardé les annonces, pour la même taille je ne trouve rien en dessous de 1500$ à Saint-Léonard. Si je quitte l’appartement, je devrais quitter l’île de Montréal», raconte Imane Jaloute.
Une autre locataire indique que le propriétaire ne s’occupe plus de l’immeuble depuis plusieurs mois et que c’est son mari qui effectue lui-même l’entretien des parties communes.
La majorité des habitants de l’immeuble a refusé de signer l’entente de départ et prépare un recours collectif auprès du Tribunal administratif du logement de Montréal. d’Action dignité, Sylvie Dalpé, directrice du comité logement Action Dignité, accompagne les résidents dans leur démarche.
Maxime Roy-Allard du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, sur place jeudi, a déclaré: «On observe cette manière de faire dans tout Montréal mais ce qui est étonnant, c’est que ça touche maintenant des quartiers plus éloignés du centre comme Saint-Léonard. On informe les locataires sur leurs droits et on leur offre de l’aide logistique et juridique s’il veulent aller au tribunal.»