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Les arbres mal-aimés de Saint-Léonard

Alors que l’arrondissement fait piètre figure en matière de verdissement, une vingtaine de citoyens demandent aux autorités d’abattre les tilleuls qui longent la rue de Cap-Chat. Une requête qui met en relief une relation parfois conflictuelle entre les Léonardois et leurs arbres.

Salvatore Lopez habite sa maison de la rue de Cap-Chat depuis une quarantaine d’années. Un imposant tilleul trône dans sa cour avant. Certains y verraient sans doute un arbre majestueux. M. Lopez, lui, y voit plutôt une nuisance.

« On veut couper ces arbres. Ils sont dangereux », affirme d’entrée de jeu M. Lopez, rencontré à l’ombre de son arbre par une belle journée de fin d’été.

Pour s’expliquer, il pointe du doigt le toit d’une maison voisine.

« Vous voyez? La corniche est abimée », remarque-t-il.

Selon lui, le dommage aurait été causé en octobre dernier lorsqu’un tilleul similaire au sien s’est fracassé sous la force d’un vent modéré.

« Ce n’est pas que je suis contre les arbres, c’est que je suis contre ceux qui sont dangereux et qu’il faut constamment entretenir », soutient-il.

M. Lopez n’est pas le seul à vouloir se débarrasser des tilleuls du secteur. Une vingtaine de ses voisins, septuagénaires et octogénaires pour la plupart, ont signé une pétition demandant aux élus de permettre un abattage sélectif.

« Il faut qu’on enlève les feuilles à tous les jours à partir du mois d’avril jusqu’à la fin octobre », fait valoir M. Lopez, précisant que c’est un labeur difficile pour des personnes âgées.

« Si on ne les ramasse pas, elles vont bloquer les renvois d’eau et la pluie va se déverser dans le garage », poursuit-il.

Avant les tilleuls, les marronniers

« Ailleurs, on s’enchainerait aux troncs pour qu’ils ne soient pas abattus. Ici, il y a une aversion chronique aux arbres », remarque Gilles Rainville, directeur de l’arrondissement.

Cette aversion a fait les manchettes en 2012 lorsque l’administration a annoncé une politique controversée : elle allait permettre l’abattage de marronniers matures et en santé, sous condition que ceux-ci soient remplacés par de jeunes arbres d’une autre espèce.

Pendant des années, des citoyens se sont plaints de la présence sur leur terrain de ces arbres fruitiers appartenant à la ville, arguant que la chute de marrons abîmait pelouses et carrosseries de voiture.

L’annonce avait fait bondir le maire de Rosemont – La-Petite-Patrie, François W. Croteau. Celui-ci avait même déclaré publiquement que son arrondissement était prêt à servir de « refuge » pour les quelque 140 marronniers léonardois.

Au final, l’arrondissement de Saint-Léonard s’est ravisé. De toute façon, la Ville-centre ne permettrait pas de déraciner un arbre sain dont les branches ne risquent pas de casser.

Malgré cela, les demandes d’abattage sont encore monnaie courante.

Selon M. Rainville, bon an mal an, les plaintes par rapport aux arbres sont parmi les cinq types de doléances qui lui sont le plus souvent acheminées, après les taxes et la neige.

« Les citoyens, de façon récurrente, nous demandent d’abattre des arbres. Demain matin [NDLR : mercredi 3 septembre], j’ai une rencontre avec un résident qui s’est construit une maison et qui veut couper l’arbre qui est devant chez lui. On est intolérant par rapport à ça. On le lui a dit, on le lui a expliqué, mais il revient à la charge auprès de mes employés et des élus. »

Comment expliquer cette antipathie qu’ont certains citoyens pour leurs arbres?

« On a l’une des populations les plus âgées de Montréal. Ils s’en plaignent parce qu’ils n’ont pas toujours la capacité de remédier aux inconvénients de l’arbre, note M. Rainville. Je pense aussi qu’il y a aussi une tradition qui s’est établie. Ils vont avoir tendance à paver entièrement leur cour arrière, au point où il n’y a même plus de gazon. »

Moins d’arbres, plus de chaleur

L’indice de canopée à Montréal est de 20 %. À Saint-Léonard, il n’est que d’environ 10 %; le plus faible des 19 arrondissements.

Cette carence est inquiétante.

L’indice de canopée, c’est l’étendue du couvert arborescent d’un territoire – c’est-à-dire, les zones d’ombres créées par les branches et les feuilles des arbres. Plus il est faible, plus un secteur est susceptible de développer des îlots de chaleur.

Ceux-ci favorisent la formation du smog, composé de polluants qui peuvent exacerber les symptômes dont souffrent les personnes atteintes de troubles pulmonaires.

De plus, la chaleur accablante peut provoquer des malaises et même accroitre la morbidité chez certaines populations vulnérables, dont les personnes âgées atteintes de maladies chroniques.

Saint-Léonard a donc la plantation en tête plutôt que l’abattage. L’an dernier, on a mis 350 arbres en terre. Cette année, ce sera 450. D’ici 2017, on veut en avoir ajouté 1700.

Garder le cap

M. Lopez n’est pas insensible au problème arboricole de Saint-Léonard. D’ailleurs, il ne s’opposerait pas à ce qu’on remplace son tilleul par une autre espèce.

Lors de la séance du conseil d’arrondissement, les élus lui ont clairement dit que cela serait impossible; les règlements l’interdisent.

« Les lois peuvent se changer », répond-il, promettant de revenir à la charge lors de futures assemblées.

En attendant, il souhaite que l’arrondissement vienne plus souvent tailler les branches de cet arbre dont il ne veut plus.

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