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Philippe, un papa amputé mais «handicapable»

Philippe, sa conjointe Vanessa et leurs enfants, Laure et Léonard Photo: Gracieuseté

Invalide depuis trois ans à la suite d’un accident du travail, Philippe Côté, papa de 38 ans, s’est fait amputer d’une jambe l’automne dernier. Épaulé par sa compagne et leurs deux enfants, il soigne aujourd’hui sa blessure physique, en même temps que ses maux de cœur.

Un jour d’été ensoleillé de 2019, à la veille des vacances de la construction, la vie de Philippe, un grand sportif de 1,90 mètre, a été chamboulée. Sur son lieu de travail, le vent a fait basculé le balcon qu’il installait et l’a emporté dans une chute de 5 mètres qui s’est terminé avec son pied droit broyé.

Conscient que sa vie venait de changer, Philippe a rapidement fait le deuil de sa jambe. Il a insisté auprès des médecins de l’Hôpital général de Montréal pour se faire amputer. Convaincus de pouvoir sauver le membre, les spécialistes ont plutôt planifié un plan d’intervention de deux opérations étalées sur deux ans.

Malheureusement, le confinement lié à la pandémie a rendu les soins de réadaptation trop rares, partage Philippe à Métro.

Ainsi, l’automne dernier, lors d’un suivi de routine chez son médecin de famille, ce dernier a remarqué une boule de pus se former et éclater sur sa jambe. Le 21 septembre, Philippe se faisait enfin amputer.

Après l’amputation, la réadaptation

Sous la supervision de l’équipe de réadaptation de l’Institut Gingras-Lindsay-de-Montréal, Philippe a appris, en plus d’apprendre à vivre sans sa jambe, à être plus empathique avec lui-même et à prendre soin de sa santé mentale.

«Le but n’est pas juste de guérir de ma blessure physique, mais aussi d’être à l’écoute de ce que je vis à l’intérieur», confie Philippe. Ainsi, les spécialistes de l’Institut lui ont apporté les outils nécessaires pour développer une résilience qui le rend «handicapable», déclare-t-il, ému. 

«Chaque fois, on voit les patients environ deux ou trois heures, livre Virginie Imbeault, technicienne en orthèse-prothèse depuis 24 ans, à l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal. On les regarde marcher, on touche à leur jambe. C’est une relation privilégiée et de confiance qui se développe avec les patients.»

Malgré tout, la réadaptation peut être longue et ardue.

Plus le temps passe, plus j’ai des deuils à faire au quotidien.

Philippe Côté, ancien ouvrier de la construction aujourd’hui amputé d’une jambe

Première étape: la prothèse pneumatique

Lourde et provisoire, la prothèse pneumatique est générique. La jambe enflée du patient est maintenue dans la pochette noire pneumatique de cette prothèse. Le patient la porte peu après l’amputation, pendant les séances de rééducation supervisées par un ergothérapeute ou un physiothérapeute. Ainsi, le nouvel amputé apprend pendant environ deux semaines à se réapproprier son corps dans sa nouvelle forme.

La première fois qu’il a porté la prothèse pneumatique, Philippe a été envahi par les larmes. Enfin, après trois ans, son pied droit a touché le sol sans douleur. Il a vu «la lumière au bout du tunnel», se souvient-il.

Étape 2 : la prothèse temporaire

Moulée sur le corps, cette prothèse permet de tester le confort et la mobilité du patient pendant huit à douze semaines et de sélectionner les éléments adaptés qui seront ensuite utilisés pour la fabrication de la prothèse finale.

«La première prothèse temporaire est arrivée tellement vite! Le corps est connecté avec l’esprit. Mon esprit s’est apaisé, ce qui a fait que ma cicatrisation s’est faite vite. Ma guérison s’est faite vite. Passer par-dessus les douleurs pour avancer aussi», énumère Philippe. 

«Je n’ai pas de complexe à montrer ma prothèse. Essayer de la cacher est plus problématique que la montrer», ajoute Philippe.

«Certains vont vouloir une prothèse très discrète, d’autres vont s’afficher et veulent que ça soit brut. On répond à ce besoin», explique Mme Imbeault, qui confectionne des prothèses réalistes aux teintes de couleur chair, claires et brunes.

Un deuil continu

«[Le plus dur pour le patient récemment amputé] est d’avoir perdu les capacités qu’il avait avant. Ça crée beaucoup de frustrations. Certains se remettent bien mais pour d‘autres, c’est plus difficile. Ça dépend de la santé physique et psychologique de la personne», confie Mme Imbault.

Certains deuils peuvent être anticipés, comme celui de ne pas courir après son fils quand il apprendra à faire du vélo. D’autres prises de conscience sont plus douloureuses. Philippe craint entre autres de ne pas réussir à se sauver, lui et sa famille, en cas d’incendie, alors qu’il a besoin de 12 minutes pour enfiler sa prothèse.

Un jour, je me sens fort, j’oublie que je suis handicapé, je réussis à passer au-dessus de ma journée. C’est le regard des autres qui me rappelle que je suis handicapé. Ça me ramène à la colère.

Philippe Côté, ancien ouvrier de la construction aujourd’hui amputé d’une jambe

Cela fait trois ans que la routine de sa famille a chargé et qu’elle vit au rythme de l’invalidité de Philippe. Dès que Vanessa, sa conjointe, rentre à la maison, la famille compose avec la mobilité limitée de Philippe pour donner le bain et préparer les repas des enfants. La route est donc encore longue pour le couple, qui aimerait bien trouver le temps de profiter d’un souper en amoureux…

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