Vivre dans un open mic
La Forêt Dorée, au coin de Sainte-Catherine Est et De Lorimier, héberge chaque semaine une scène ouverte à tous, où convergent plus d’une quarantaine de personnes. Avec ses quatre locataires qui ont décidé de ne pas se soumettre aux normes habituelles d’habitation, le lieu est un hybride entre un cabaret, une résidence d’artistes et un appartement.
Si la Forêt Dorée organise d’autres événements artistiques, ce sont les scènes ouvertes du jeudi qui font sa renommée. Une scène, un micro, des instruments de musique et un public ouvert d’esprit sont alors mis à la disposition des participants.
Plutôt que dans un bar ou un café – lieux qui semblent a priori plus propices à la tenue d’un tel événement public –, c’est dans le salon d’un appartement où vivent quatre colocataires que se déroulent les scènes ouvertes à tous.
«Dans un bar, quand tout le monde parle, on n’entend pas grand-chose. Ici, on essaye de cultiver une écoute et une harmonie envers les gens qui viennent sur scène. […] Notre but, c’est de mettre l’art de l’avant pour ce que c’est: une recherche, un regard sur soi-même», dit Tomy Jo, l’un des quatre résidents de la Forêt Dorée.
Ce dernier, avec ses colocataires, a hérité d’un lieu qui a l’habitude d’héberger des groupes d’artistes montréalais. Dans les dix dernières années, le 2401, rue Sainte-Catherine Est a aussi hébergé les collectifs nommés «Réacteur nucléaire» et «Univarium», avant de devenir le lieu de rencontre des artistes qui le connaissent aujourd’hui sous le nom de «la Forêt Dorée».
Ouverture d’esprit demandée
«Ici, il n’y a pas de moins bon ou de meilleur», dit Tomy Jo. Cette culture d’ouverture d’esprit est palpable lors des événements artistiques de la Forêt Dorée. Avant les performances, des séances de méditation de groupe sont parfois animées par l’un des colocataires, et le public est alors invité à expulser ses jugements négatifs hors du lieu.
L’idée est de créer un espace qui sort de la hiérarchisation et des impératifs économiques. Pour Maxime William, un participant du micro ouvert, la Forêt Dorée serait un «troisième espace».
Troisième espace: notion sociologique qui voit l’habitation comme le premier lieu et le travail comme le deuxième. Le troisième se trouverait dans des espaces qui ne sont que des lieux de vie et de rencontres.
«Ces espaces-là, qui ne nécessitent pas nécessairement que tu achètes quelque chose pour être là et qui sont concentrés sur l’entretien des liens sociaux et la créativité, je trouve ça important. Ce sont des lieux où on peut partager des idées. C’est un lien de guérison et de partage», dit Maxime, qui est aussi écrivain.
Avoir un mini-Broadway dans son salon
Si, au départ, la Forêt Dorée organisait encore plus d’événements, comme des soirées de découverte musicale ou encore des projections de court-métrage, les locataires en sont venus à la conclusion qu’un équilibre devait être trouvé entre les deux vocations du lieu, qui est leur demeure et un lieu d’accueil. Ils ont donc décidé de limiter les activités offertes. «On a des valeurs et un way of life […], mais l’important, c’est de se respecter soi-même», explique Tomy Jo, qui admet que le groupe s’est parfois trop laissé emporter par le désir de proposer le plus d’activités possible.
«Cet endroit, ça aurait pu être juste un loft, [mais ça demeure] chez nous, dans nos affaires, qu’on reçoit soixante personnes chaque semaine», dit Tomy Jo.
Pour lui, «le lieu parle», et c’est à travers l’écoute du lieu que son évolution sera déterminée. N’ayant pas de protocoles ou de règles inscrites en charte comme d’autres communes, les colocataires de la Forêt Dorée optent pour le maintien de la salle de spectacle et de l’appartement selon leurs propres sentiments vis-à-vis leur confort et de leurs valeurs. «Pour l’instant, ça va bien, y a personne qui s’est arraché la tête!», plaisante Tomy Jo.
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