Du poétique dans le toponymique
Les noms de lieux au Québec sont imprégnés par la parlure riche et mélodique des gens qui ont habité le pays. Le «parc du Ruisseau-du-Pont-à-l’Avoine» possède assurément des qualités poétiques, lui qui figure parmi 12 autres toponymes «coups de foudre» entérinés en 2020 par la Commission de toponymie du Québec (CTQ).
Cette dernière se base sur quatre critères pour choisir les plus beaux toponymes qui ont vu le jour dans la dernière année: «l’originalité des toponymes, leur valeur poétique, leur capacité à inspirer des images fortes et leur contribution en matière de promotion du patrimoine culturel», peut-on lire dans un communiqué.
Dans le passé, une foule de ruisseaux traversaient l’île de Montréal. Aujourd’hui, la plupart sont desséchés.
Cependant, le nom du parc situé à l’intersection de la rue Everett et de la 8e Avenue, dans Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension, rappelle la présence du ruisseau du Pont-à-l’Avoine qui coulait autrefois près de la limite sud du parc et qui était affluent au ruisseau Molson. «Ce ruisseau porte le plus joli nom qui puisse se trouver, est-il écrit dans un article du Devoir de 1937, cité par la CTQ. […] Ce nom […] lui vient de ce qu’il allait du côté des grandes prairies où l’on devait probablement cultiver l’avoine.»
Climax poétique
Le parc du Ruisseau-du-Pont-à-l’Avoine possède «une aura poétique», observe Pierre Popovic, professeur émérite de littérature française à l’Université de Montréal.
L’auteur de nombreux ouvrages sur la poésie québécoise met toutefois en garde contre l’abus de langage. «Ceci ne veut pas dire que c’est de la poésie. Le mot « poétique » doit s’entendre ici dans ce sens: énoncé qui a un bon pouvoir d’évocation», nuance-t-il.
Ce pouvoir d’évocation, M. Popovic le trouve d’abord dans «le charme de l’archaïsme, et d’un archaïsme paradoxalement vivant. […] On ne parle plus comme cela, mais c’est comme si la patine du langage passé avait accordé un surcroît de glamour au lieu», soutient-il.
Ensuite, puisque la poétique se trouve avant tout dans le rythme, force est de constater que ce nom est «remarquablement rythmé» avance-t-il. Ce rythme est créé par les différentes sonorités des syllabes.
Puis, on retrouve «une union harmonieuse entre la culture et la nature, entre l’activité humaine et l’action de la nature».
«Les relations du couple « nature/culture » ou « humanité/nature » sont une ressource fondamentale de création en poésie.» -Pierre Popovic, professeur de littérature française à l’Université de Montréal
Enfin, l’expert en poésie remarque que le mot «parc» libère des «connotations positives [parce qu’il] désigne un lieu de promenade, de convivialité, d’apaisement».
Voilà les éléments du «climax poétique» de ce nom de parc.
Le public peut participer à Toponyme coup de foudre 2021 en se rendant sur le site toponymie.gouv.qc.ca