Immobilier, combien êtes-vous prêts à dépenser?
Des maisons d’une valeur estimée d’un à deux millions de dollars, c’est ce qu’on peut voir sur certaines annonces de courtiers immobiliers dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Et il est peu probable que les prix redescendent, selon une courtière en immobilier.
C’est en tout ce cas ce que confirme à Métro la courtière en immobilier chez RE/MAX du Cartier, Myriam Elnoufi. Ayant été investisseuse en immobilier avant de devenir courtière, elle voit cette tendance à la hausse depuis 30 ans, sans jamais voir d’essoufflement.
Les prix vont rester hauts, selon elle. Et «tout le monde s’accorde à dire dans le milieu que ça ne changera pas, si on se fie aux experts qui font des projections à long terme».
En ce qui a trait à la montée fulgurante des prix des dernières années, la COVID-19 n’a pas aidé, précise-t-elle, mais il ne s’agit pas de la seule cause. «Il y a plus de demandes que d’offres, donc c’est une des raisons principales pour lesquelles l’immobilier est si cher», indique la courtière en immobilier.
D’autres facteurs entrent en ligne de compte, souligne Myriam Elnoufi, comme le souhait pour beaucoup durant la pandémie de commencer à vouloir investir. Cela est notamment dû au fait, selon elle, que les gens ont eu moins de dépenses durant la pandémie.
Et, en dépit de la hausse des prix, elle constate que les acheteurs potentiels ne reculent pas.
Comparativement aux évaluations municipales, les prix des maisons peuvent apparaître effrayants. Myriam Elnoufi a une maison à vendre actuellement pour 1 900 000 dollars, alors que l’estimation municipale n’est que de 524 000 dollars.
La courtière indique cependant que cette évaluation n’est jamais prise en compte. «Ce n’est en aucun cas un indice de la valeur de la propriété», souligne-t-elle.
L’évaluation municipale
Charles Brant est le directeur du service de l’analyse du marché pour l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec.
L’évaluation municipale est importante pour évaluer la valeur réelle marchande d’une propriété. Elle permet aussi d’assoir l’assiette fiscale dans le but d’évaluer quel montant les habitants de Montréal doivent verser pour les services de la Ville, par rapport à la valeur de leur propriété.
Il faut cependant considérer le fait que les évaluations se font tous les trois ans, donc qu’elles sont en retard sur l’évolution rapide du marché, précise M. Brant. Cela peut expliquer parfois une si grande différence entre le prix de revente et l’évaluation.
Et l’évaluation municipale ne prend parfois pas tout en compte, par exemple lorsque des travaux ont été faits récemment, comme c’est le cas pour la propriété proposée par Myriam Elnoufi.
Par ailleurs, concernant le marché immobilier dans l’arrondissement, Charles Brant précise que la différence entre l’évaluation municipale et la valeur marchande est en moyenne de 52%, ce qui montre à quel point la valeur marchande augmente fortement, et rapidement.
Pour 2022, l’association prévoit cependant une hausse des prix plutôt modérée par rapport aux dernières années. Entre 3 et 5%, selon Charles Brant. Ce qui est assez bas par rapport à des augmentations qui ont pu atteindre les 40% dans certains secteurs, selon lui.
Pour ceux qui souhaitent investir, malgré la situation actuelle du secteur immobilier, le directeur conseille de faire très attention quant aux possibles rénovations ou rénovations structurelles. Elles peuvent engendrer de forts coûts.
Parmi les choses à vérifier: l’inspection du bâtiment, l’âge de la propriété ou encore l’entretien, précise-t-il.
Un sentiment d’arnaque
Audrey et son compagnon ont acheté en décembre une habitation à deux étages dans Parc-Extension. Alors qu’ils cherchaient d’abord dans Villeray, leur courtière leur a rapidement dit que leur budget n’était pas suffisant.
Les deux travaillant dans l’informatique et étant en télétravail, ils ont même regardé en périphérie avant de trouver le bien qu’ils ont acheté.
Mais le processus a été pénible. Le couple, qui a aussi une fille de trois ans, ne se doutait pas au début qu’ils auraient affaire à une surenchère. Devant déposer une offre avant une heure précise, un jour précis, ils se sont vite rendu compte que les enchères n’étaient pas finies pour autant.
Et là, c’est surtout «l’opacité du processus qui est difficile à accepter», déplore Audrey. «Nous étions les seuls à avoir déposé notre offre pour 18h et au bout d’un moment, de nouvelles offres sont arrivées, sans qu’on sache de qui et de combien.»
«C’est à ce moment qu’on se demande si les autres enchérisseurs sont vrais», se demande toujours celle qui essaie de mettre toute cette histoire derrière elle.
Car oui, le couple a remporté l’offre, mais il est allé au «top de son budget», malgré de nombreux travaux à faire dans le bien. Selon Audrey, le propriétaire a gardé le logement durant cinq ans, et n’aurait fait que quelques travaux mineurs. Il aurait aussi en cinq ans, selon elle, doublé sa mise de départ; une transaction lucrative, donc.
«Il y a de la moisissure, aucune aération dans la cuisine ou dans la salle de bain, donc on a vraiment beaucoup de travaux», soupire Audrey. Mais ayant été en recherche pendant plus d’un an, le couple a décidé d’aller de l’avant.
L’immeuble de deux étages doit voir le couple emménager au premier et le deuxième rester en location.
Audrey souhaiterait voir plus de transparence dans le système de vente des biens immobiliers. Elle déplore une chape de plomb et fait part d’un certain fatalisme face au flip des biens immobiliers. Un flip signifie qu’une personne achète un bien pour le revendre avec une certaine marge peu de temps après.
En voyant la gentrification de certains quartiers, Audrey regrette aussi de jouer à ce jeu, et de voir la même chose arriver malgré elle, dans Parc-Extension.