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Profilage racial: des décalages et du rattrapage à faire, estime un avocat

Maître Fernando Belton croit qu'il y a encore du rattrapage à faire pour que les gens victimes de profilage obtiennent davantage justice. Photo: David Beauchamp/Métro

Un décalage existe entre le système de justice et la capacité pour les citoyens de revendiquer efficacement leurs droits lorsqu’ils sont victimes de profilage racial. Ainsi, peu de personnes victimes de profilage racial réussissent à obtenir justice devant les tribunaux, malgré une croissance de la sensibilité concernant cet enjeu au cours des dernières années, déplore l’avocat, chargé de cours et directeur général de la Clinique juridique de Saint-Michel, Fernando Belton.

«C’est certain qu’il y a une évolution au sujet du profilage racial, affirme d’entrée de jeu Me Belton, en entrevue avec Métro. Depuis [la mort de] George Floyd, une conscience collective s’est allumée partout en Amérique du Nord, où les gens regardent cet enjeu et se disent “nous devrions faire quelque chose puisque ça ne fonctionne pas”. Mais le système judiciaire prend beaucoup de temps à réagir», déplore l’expert.

Ainsi, bien que le profilage racial soit reconnu depuis plusieurs décennies et que les gens soient majoritairement contre cette pratique, les tribunaux ont toujours de la difficulté à déterminer ce qu’est ou non du profilage, ce qui entraîne des délais importants dans le traitement de ces cas dans le système judiciaire, explique Me Belton.

Un des problèmes importants est simplement de comprendre le profilage. C’est quoi, du profilage? Il y a des gens, par exemple, qui sont victimes de discrimination raciale qui associent cela à du profilage, ou des gens qui ne comprennent pas que du profilage s’opère indépendamment des intentions d’une personne. Il peut y avoir des policiers qui sont bien intentionnés, mais qui s’adonnent à la pratique du profilage de manière inconsciente. Cette notion n’est pas très bien comprise par les tribunaux.

Me Fernando Belton, avocat, chargé de cours et directeur général de la Clinique juridique de Saint-Michel

«Voici un cas classique, donne l’avocat en exemple, afin d’illustrer les problèmes d’interprétation qui peuvent émerger lors d’un cas de profilage. Je suis un jeune homme noir qui conduit une voiture de luxe et un policier me voit et fait demi-tour pour me suivre pendant trois kilomètres. Il m’intercepte et la première question qu’il me pose est: “À qui appartient le véhicule?” Dans cette situation, il y a au moins cinq indicateurs pointant vers un dossier de profilage racial, mais si on n’est pas sensible à l’enjeu et à comment il se manifeste, on ne le verra pas.»

Des incohérences importantes

Bien que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) reconnaisse l’existence du profilage racial au sein de ses troupes, les forces policières de la Ville de Québec ne reconnaissent pas cette pratique chez leurs agents, ce qui crée des écarts dans la capacité des victimes à obtenir réparation devant les tribunaux. À cela s’ajoute l’absence de reconnaissance du racisme systémique par le gouvernement du Québec, ce qui génère son lot de complications pour une personne victime de profilage, croit Me Belton.

«À la fin, là où tout bloque, c’est lorsqu’une personne veut faire valoir ses droits lorsqu’elle est profilée parce qu’elle doit se battre sur plusieurs fronts. Par exemple, les plaintes en déontologie policière; si on regarde les deux dernières années, 438 plaintes ont été déposées en matière de profilage racial et ça n’a donné aucune citation de policier devant un comité de déontologie. Et si on regarde les 160 plaintes déposées à la Commission des droits de la personne, on parle de deux jugements rendus par les tribunaux.»

Me Belton affirme qu’une réforme de la Loi sur la police pourrait améliorer le processus de plaintes en matière déontologique et instituerait plus d’imputabilité, en plus d’augmenter le nombre de cas traités par le comité déontologique. «Pour l’instant, il y a cinq juges administratifs qui traitent les demandes déontologiques partout au Québec. Je le soulève comme une raison potentielle pourquoi le commissaire amène si peu de cas devant le comité, parce qu’il n’y a pas assez de membres.»

L’avocat soutient de plus qu’un financement structurel des organismes comme sa clinique juridique permettrait d’attaquer le problème dans son ensemble puisqu’une aide juridique aux victimes de profilage serait menée en parallèle d’actions pour limiter les cas de profilage effectué par les forces policières.

La relève plus conscientisée

Malgré ce portrait peu reluisant, Me Belton demeure optimiste puisqu’il considère qu’il y a une meilleure compréhension du profilage de la part de la magistrature et des juges, en plus de la classe politique.

Cela vaut également pour les étudiants en droit qui suivent ou qui ont suivi son cours sur le profilage racial à l’Université d’Ottawa, à l’Université McGill, à l’UQAM et maintenant à l’Université de Montréal, et qui affichent un haut degré d’intérêt pour cette question, sur le plan juridique. D’ailleurs, son cours sur le profilage racial constitue le premier enseigné dans une université canadienne.

«J’ai commencé à donner le cours en juin 2021 et il est un succès phénoménal depuis. L’intérêt est vraiment là et on sent le désir des étudiants en droit d’en apprendre plus sur le sujet. Ils voient ces enjeux sur les réseaux sociaux et veulent comprendre comment plaider ces dossiers devant les tribunaux. C’est un cours très d’actualité», conclut Me Belton.

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